CONSEIL RÉGIONAL ORDRE DES MÉDECINS
Provence Alpes Côte d'Azur

Devoirs généraux des médecins (art 2 à 31)  -  Commentaires du code de déontologie  -  Documentation - Conseil Régional Ordre des Médecins - Provence Alpes-Côte d'Azur - ORDRE NATIONAL DES MEDECINS

Documentation

Commentaires du code de déontologie

Devoirs généraux des médecins (art 2 à 31)


    Devoirs généraux des médecins (art 2 à 31)

  • Article 2 - Respect de la vie et de la dignité de la personne

    Article 2 (article R.4127-2 du code de la santé publique)

    Le médecin, au service de l'individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité.
    Le respect dû à la personne ne cesse pas de s'imposer après la mort.

    L'essentiel de l'éthique médicale est condensé dans cet article qui fait ressortir les obligations morales du médecin.

    Le praticien doit honorer le contrat moral qui le lie à un patient, répondre en conscience à une confiance et accomplir un devoir qui lui est propre. La société lui a confié un rôle privilégié : donner des soins aux personnes malades, mais aussi, être le défenseur de leurs droits, des personnes fragiles ou vulnérables (mineurs, majeurs protégés, personnes âgées handicapées ou exclues des soins …), lutter contre les sévices quels qu'ils soient et quelles que soient les circonstances. Il doit être un acteur vigilant et engagé dans la politique de santé publique, qu'il s'agisse de la prévention, de l'épidémiologie ou de l'éducation à la santé. Toutefois, le médecin doit se garder, dans cette action de santé publique, des effets pervers d'une prévention collective autoritaire.

    1 - L'exercice de la médecine est un service

    L'acte médical est un acte humanitaire. Ainsi que le propose l'Association Médicale Mondiale, depuis 1948, dans le serment de Genève, le médecin est "au service de l'humanité". Ce service fait la grandeur de la médecine.

    Il consiste à appliquer toutes les connaissances scientifiques et les moyens techniques adaptés afin de prévenir la maladie, de prodiguer des soins et de soulager la souffrance.

    L'exercice de la médecine comporte une double exigence : morale, car cette activité implique altruisme et dévouement, et scientifique, car elle impose, comme un devoir, la compétence. Celle-ci est acquise par une formation, initiale et continue, de haut niveau.

    Les progrès de la science médicale ont donné une nouvelle dimension à la mission du médecin. Au "pouvoir médical" sans réelle efficacité thérapeutique a succédé la toute-puissance du "savoir" comme l'exprime Jean Bernard (voir note 1). Grâce notamment aux techniques de réanimation, à la maîtrise de la reproduction,  à la transplantation, au génie génétique, l'homme a déplacé les frontières de la vie, celles de la naissance et de la mort.

    2 - Service de l'individu

    L'individu passe, en France, avant la collectivité.

    Cette primauté de l'être humain par rapport à la société est réaffirmée dans la convention sur les droits de l'homme et la biomédecine (voir note 2) en ces termes : “ l’intérêt et le bien de l’être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science ”.

    La déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948 pose en principe que "tous les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux en dignité et en droits". Parmi ces droits irrécusables se situe le droit aux soins (et non le droit à la santé, confusion fréquente).

    La loi interdit toute discrimination dans l’accès aux soins (voir note 3).

    Le médecin est responsable de la personne qui se confie à lui. Son indépendance professionnelle (article 5) doit le soustraire à toute pression ou injonction, à toute influence ou à tout sentiment qui pourrait porter préjudice au patient.

    3 - Service de la santé publique

    L'acte de soins individuel ne suffit pas, il faut également prendre en compte l'intérêt général. Chaque décision assumée par le médecin pour une personne prise en charge, concerne aussi la collectivité.

    Plutôt que de définir la santé publique, il convient de parler d'un "esprit" de santé publique qui consiste à situer un problème de santé dans son ensemble, c'est-à-dire l'Homme dans son environnement social et professionnel.

    Tout médecin doit être conscient que certains actes, simples en apparence, sont, en fait, importants en termes de santé publique :

    - par exemple, le certificat de décès, sur lequel le médecin indique la cause de la mort, est le document de base des données épidémiologiques ; remplir un certificat de décès est donc un acte sérieux, indispensable à la santé publique et non une banale formalité administrative ;

    - autre cas particulier, le paradoxe de la prévention : une mesure appliquée à beaucoup profite seulement à quelques-uns, tout en apportant de grands bénéfices à la communauté (c'est le cas des vaccinations, du port de la ceinture de sécurité, par exemple).

    Les pouvoirs publics doivent pouvoir compter sur les médecins pour appliquer des mesures sanitaires à l'ensemble de la population telles que les vaccinations, le dépistage, les actions éducatives pour la santé, ainsi que pour le bon fonctionnement des lois sociales qui comprend les problèmes d'économie de santé (article 12 - voir note 4).

    4 - Individu et collectivité

    "Le médecin doit concilier l'intérêt individuel et l'intérêt collectif : il doit respecter à la fois un homme et l'Homme. Les deux devoirs sont inséparables, même s'ils apparaissent parfois antagonistes. À nous de tenter de les unir et de réussir cette union" (voir note 5).

    Le secret médical en est un des exemples des plus démonstratifs. En effet, le secret médical est, à la fois, d'intérêt privé, puisque le médecin doit protéger l'intimité de la personne qui se confie à lui, et d'intérêt public car c’est une condition nécessaire à l’exercice de la médecine (article 4). 

    Citons aussi les contraintes socio-économiques : peut-on considérer que l'intérêt collectif puisse s'imposer au détriment de l'intérêt individuel ? Une politique de santé peut-elle décider, par exemple, quels seront les patients susceptibles de bénéficier des moyens mis en œuvre par la collectivité et quels autres en seront exclus ?...

    Le rapport n° 57 du Comité Consultatif National d’Ethique “ Progrès techniques, santé et modèle de société : la dimension éthique des choix collectifs ” a apporté par ses constatations et recommandations une contribution intéressante dans ce domaine (voir note 6).

    5 - Respect de la vie humaine

    Le respect de la vie humaine est un principe fondamental non seulement de la médecine, mais de notre civilisation.

    Risque thérapeutique

    La médecine a évolué : des techniques plus audacieuses, des thérapeutiques plus actives ont augmenté les risques de complications. Plus efficace, la médecine est devenue aussi plus dangereuse. Le médecin doit éviter de faire courir au patient des risques injustifiés (article 40).

    L'imprudence thérapeutique médicale ou chirurgicale est sanctionnable. Cependant la prise de risque est un facteur de progrès, mais à certaines conditions : que ce risque soit identifié, évalué par le médecin, proportionné à la gravité de la maladie, annoncé avec loyauté au patient, afin que celui-ci donne un consentement éclairé.

    Il s'agit de décisions difficiles, laissées à la conscience et à la compétence de celui qui soigne, dont il doit pouvoir se justifier. Le médecin est aidé par les enseignements reçus, sa formation, les principes de la technique et la valeur de son expérience.

    Diagnostic prénatal

    L'évolution des techniques de biologie et d'imagerie a mis à la disposition du médecin des informations particulièrement intéressantes sur la vie embryonnaire et sur l'enfant à naître. Ces explorations permettent de mettre en évidence des anomalies fœtales incompatibles avec la vie, ou dont l'enfant sera porteur à la naissance et durant toute son existence. Le diagnostic prénatal est un acte dont l'objet est positif puisque, dans la majorité des cas, il permet au médecin de rassurer les parents ou peut ouvrir des possibilités thérapeutiques. Dans les autres  situations - anomalies graves, incurables - la conduite à tenir est plus difficile à définir. L'information complète du couple concerné, sans hâte, intelligible, est importante. Dans ces situations difficiles, l'engagement personnel du médecin est essentiel. Il doit apporter son expérience, son sens des responsabilités, son esprit d'humanisme, sa rigueur morale et scientifique. La concertation au sein d'une équipe, le recours à d'autres avis, sont souvent nécessaires sinon indispensables pour ne pas s'enfermer dans une réflexion exclusivement personnelle (articles 70, 32 et 33). Situation exemplaire de l'application de l'éthique, il n'existe pas de solution standard mais une solution adaptée à chaque cas.

       Limites morales de la réanimation

    Le respect de la vie humaine a pu conduire à des excès. Le bon sens indique et toutes les autorités morales ont reconnu que "respect de la vie" ne veut pas dire prolongation à tout prix de la vie humaine dans un cas désespéré. 

    L'acharnement thérapeutique (article 37) doit être dénoncé : quand tout est indiscutablement perdu, il est critiquable de maintenir en vie artificiellement, avec des techniques qui peuvent être douloureuses ou pénibles, un mourant sans espoir de survie, alors qu'il est indispensable de traiter la douleur et d'apporter un soutien psychologique et moral.

    Cette question qui est souvent traitée sans nuances, à l'occasion d'un exemple spectaculaire, est en réalité très difficile. Il s'agit des limites de la réanimation.

    La prolongation ou la cessation des soins dans les comas prolongés fournit la matière d'une littérature très abondante, mais confuse, car on a confondu souvent "coma dépassé" (la mort cérébrale) et "coma prolongé".

    La réanimation médicale, qui a transformé le pronostic des états graves, (soins cardiaques intensifs, réhydratation judicieuse, respiration assistée, nutrition parentérale, etc.) n'aurait jamais été possible sans l'obstination des réanimateurs. Il faut, devant les états les plus graves, lutter avec tous les moyens possibles tant qu'il existe un espoir, si faible soit-il, mais il est déraisonnable de poursuivre une lutte acharnée, surtout si les moyens employés sont pénibles pour le patient, lorsqu'il n'y a plus aucun espoir (voir note 7).

    Dans certains cas, le médecin devra prendre en considération, pour arrêter sa ligne de conduite, la qualité de la vie réservée au patient - grandement déterminée par l'avis de ce dernier - à l'issue de l'action thérapeutique : prolongation artificielle de la vie chez certains incurables comme chez certains nouveau-nés, trachéotomie pour assistance respiratoire prolongée d'une personne atteinte d'une neuropathie irréversible, ablation d'une tumeur maligne cérébrale qui laisserait la personne gravement handicapée.

    Ainsi, même cette règle morale majeure qui nous gouverne, le respect de la vie humaine, ne doit pas être suivie sans discernement, avec une obstination excessive. Déjà chez Hippocrate, la dignité de la personne passe avant la préservation de la vie à tout prix. L'éthique médicale ne se laisse jamais emprisonner dans des formules simplistes ou dans des réponses stéréotypées. Elle exige le jugement nuancé, le choix critique bien pesé, de celui qui assume la responsabilité des soins.

    Suicide

    Le sens de l'activité médicale est de ramener à la vie ceux qui sont en danger. Le cas du sujet suicidaire n'est pas une exception. Le médecin se doit de le ramener à la vie par ses soins, même malgré lui.

    Le médecin ne peut d'aucune manière se faire le complice d'un suicide.

    6 - Respect de la personne et de sa dignité

    Respecter la personne, son intégrité physique et mentale, son intimité et sa dignité représente une valeur essentielle de notre société et un devoir primordial du médecin (voir note 8).

    Le médecin exprime ce respect en soignant avec la même conscience toutes les personnes malades, sans discrimination d'origine, de convictions politiques ou religieuses, de condition sociale, quels que soient les sentiments qu'ils lui inspirent et quelles que soient les circonstances, en temps de guerre comme en temps de paix (article 7).

    Ces recommandations revêtent beaucoup d'importance. Dans un passé récent, l'infection par le VIH l’a rappelé. Comme d'autres infections transmissibles ou contagieuses lors des siècles passés, le sida a suscité les mêmes réactions irrationnelles et attitudes d'exclusion vis-à-vis de patients ou de groupes de personnes considérées comme vecteurs de la maladie.

    Les recherches sur le génome humain et leurs applications ouvrent d’immenses perspectives d’amélioration de la santé des individus mais elles doivent en même temps respecter pleinement la dignité, la liberté et les droits de l’homme ainsi que l’interdiction de toute forme de discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques (voir note 9).

    Ce respect de la personne exige que le médecin honore le contrat moral qui le lie au patient, en le considérant, dans toutes ses “ prérogatives ” d’être humain, c’est-à-dire, en évitant de le traiter en inférieur, en mineur, à plus forte raison en objet d’expérimentation. Ce respect impose l’obligation du secret professionnel, droit du patient et devoir absolu du médecin. Le patient doit être certain qu’il ne sera pas trahi par celui auquel il a donné sa confiance (article 4).

    De la même logique découlant de l’accès des praticiens à l’intimité de la personne, dérive l’interdit des relations sexuelles entre médecins et patients (voir note 10), dont on connaît les effets dévastateurs sur ces derniers.

    Ce respect implique d’autres impératifs : le patient doit avoir la liberté de choisir son médecin (article 6) ; il peut exiger de lui, toutes les informations utiles concernant son état de santé, l’évolution de sa maladie, les examens et les traitements qui lui sont proposés (article 35). Cette information, loyale et compréhensible, est un autre devoir du médecin et répond à la nécessité d’obtenir le consentement libre et éclairé du patient (article 36).

    Le médecin doit respecter la dignité du patient. Mais comment définir la dignité humaine ? C’est elle qui fonde dans notre civilisation l’interdit absolu de l’esclavage, de la torture et de tout traitement dégradant qui détruirait l’humanité de l’être. La dignité peut être définie comme l’image de soi-même dans le regard des autres ; et toute relation humaine de qualité est fondée sur une estime réciproque. “ La dignité humaine n’est pas un droit, une propriété, ni même un attribut individuel à reconnaître ou à revendiquer, elle est peut-être ce qui nous permet de participer à la communauté humaine ” ( voir note 11).

    Respecter la dignité d’un patient, c’est reconnaître sa singularité, le soigner avec considération et dévouement, lui apporter le soutien psychologique qui lui est nécessaire ; c’est aussi savoir l’accompagner au terme de sa vie.

    7 - Respect après la mort

    Le respect dû à la personne se perpétue après sa mort :

    • d’une part, s’impose un respect de la dépouille mortelle qui sera manipulée dignement, particulièrement en cas d’autopsie ou si un prélèvement est fait pour transplantation. Le code de la santé publique précise dans son article L.1232-5 : “ Les médecins ayant procédé à un prélèvement ou à une autopsie médicale sur une personne décédée sont tenus de s’assurer de la meilleure restauration possible du corps ”. À plus forte raison, s’interdira-t-on des manipulations ayant motivé un arrêt d’Assemblée du Conseil d’Etat, rendu le 2 juillet 1993 (req. n° 124960) affirmant que “ les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine, qui s’imposent au médecin dans ses rapports avec son patient, ne cessent pas de s’appliquer avec la mort de celui-ci ”;
       
    • d'autre part, il faut respecter sa mémoire : à ce titre, le secret médical ne s'éteint pas avec la mort du patient. Le médecin continuera à respecter l'intimité de la personne qu'il a traitée vis-à-vis de la famille ou de proches (article 4) et s'interdira toute indiscrétion lors d'une communication scientifique ou d'un enseignement, à plus forte raison toute révélation publique pour un personnage connu.
       


     (1) "L'homme changé par l'homme". Paris : Buchet-Chastel, 1975

    (2) Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine - Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine - Conseil de l'Europe, Oviedo – 4 avril 1997

    (3) Article L.1110-3 du code de la santé publique : « Aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention, ou aux soins »

    (5) L. RENE - Séance inaugurale du 3ème congrès d'éthique médicale, 1991 - Les actes p. 16.

    (6) Cahier du CCNE n° 16 - Juillet 1999

    (7) Les limitations et arrêts de thérapeutique(s) actives(s) en réanimation adulte. Recommandations de la Société de Réanimation de Langue Française (Juin 2002, réactualisées en septembre 2009).

    (8) Article 16 du code civil : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ».

    Article L.1110-2 du code de la santé publique : « La personne malade a droit au respect de sa dignité »

    (9) L’article 2 de la Déclaration Universelle sur le génome humain et les Droits de l’Homme, adoptée le 11 novembre 1997 par l’UNESCO précise :

    « a) chaque individu a droit au respect de sa dignité et de ses droits, quelles que soient ses caractéristiques génétiques.

    b) cette dignité impose de ne pas réduire les individus à leurs caractéristiques génétiques et de respecter le caractère unique de chacun et leur diversité. »

    (10) Serment d’Hippocrate : « Dans quelque maison que j’entre, j’y entrerai pour l’utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire ou corrupteur et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves. »

    (11) I. MARIN, « La dignité humaine, un consensus ? » la revue Esprit, Fév.1991.

  • Article 3 - Principes de moralité et de probité

    Article 3 (article R.4127-3 du code de la santé publique)

    Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine.

     Il a paru nécessaire d'énoncer ces principes en tête du présent code, peut-être en raison d'un certain discrédit jeté sur "la morale", en général et pas seulement en médecine.

    Si la moralité renvoie aux mœurs d’une société, celle du médecin a une dimension propre à l’exercice de la profession de médecin. Les éléments les plus importants dans un pays démocratique en sont les lois qui s'imposent à tous. Les médecins y sont soumis et s'en trouvent protégés. Cependant la profession médicale a une position prééminente, dans le domaine des soins : cela justifie en contrepartie des règles supplémentaires précisées dans le présent code. Les mœurs évoluent en fonction des mentalités mais aussi, de plus en plus, d'une réflexion éthique qui n'est pas réservée à une profession ou à un ensemble de professions et déborde les frontières.

    Ces principes généraux évoluent vers une défense accrue des individus, mais peuvent entrer en conflit avec des morales personnelles (voir note 1). La morale collective et professionnelle prime la conscience individuelle à laquelle on se référait naguère volontiers ; celle-ci ne se trouve pas niée, ni même dévalorisée, mais elle s'efface derrière le respect d'autrui : un médecin ne saurait appliquer et imposer ses propres convictions à ceux qu'il soigne, surtout si elles diffèrent des leurs.

    Cependant l'inverse va de soi : un patient ne peut obtenir d'un médecin des services que le second réprouverait. La loi du 17 janvier 1975 (voir note 2) a ainsi institué - à propos de l'interruption volontaire de grossesse, mais de portée générale - la "clause de conscience" qui permet à un médecin de refuser ses soins, sous certaines conditions. Le médecin est aussi solidaire de ses confrères et doit s'abstenir de tout acte de nature à déconsidérer la profession (article 31).

    La probité est un principe ancien qui a accompagné le développement de l'humanité. Le médecin ne peut offrir au patient que des services légitimes, il ne peut le faire bénéficier d'avantages illégitimes au prix de fausses déclarations, réprimées pour tous par le code pénal (article 441-8) et aussi prohibées, pour les médecins, par le présent code (articles 24, 28).

    Les relations professionnelles de médecin à patient se distinguent des relations de personne à personne soumises aux règles générales d'honnêteté ; il ne saurait y avoir confusion entre les unes et les autres. La distinction s'impose aussi pour un médecin susceptible d'avoir plusieurs fonctions ; elles ne sauraient se confondre vis-à-vis d'un même patient pour lequel un praticien ne peut, par exemple, jouer à la fois les rôles de médecin traitant et de médecin expert. Enfin le médecin ne peut cumuler des fonctions susceptibles d'entamer son indépendance professionnelle ou de le faire bénéficier d'avantages indus (articles 26, 27).

    Comme la moralité et la probité, le dévouement va de soi vis-à-vis de personnes en difficulté et qui n'ont d'autres ressources que de s'adresser au médecin à qui elles reconnaissent par là un rôle important. Ce dévouement est le corollaire de la mission de service donnée au médecin (article 2). Il peut imposer certains sacrifices mais demande principalement une disponibilité (article 9) pour aider autrui. Cette disposition relève de l'altruisme qui, avant d'être dévouement et générosité, est attention portée à autrui. Cette attention entraîne une reconnaissance de cet autre, qui est semblable mais aussi différent dans son altérité, singulier. Son âge, son sexe, sa profession, sa situation, ses convictions diffèrent, sans que le médecin ait à porter de jugement sur ces qualités, même s'il a à les connaître pour soigner, sans qu'elles puissent influencer la qualité de son intervention (article 7). Ce dévouement n'est pas pour autant sans limites : le médecin a aussi des intérêts personnels respectables, qui ne peuvent être systématiquement sacrifiés, et il peut faire valoir la clause de conscience pour refuser ses soins (article 18 et 47).


    (1) Article L.4123-1 du code de la santé publique : « En aucun cas, il (l’Ordre) n'a à connaître des actes, des attitudes, des opinions politiques ou religieuses des membres de l'ordre ».

    (2) Loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse (J.O. 18 janvier 1975), article L.2212-8 du code de la santé publique

  • Article 4 - Secret professionnel

    Article 4 (article R.4127-4 du code de la santé publique)

    Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.

    Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris.

    De très ancienne tradition, le secret médical reste un des piliers de l'exercice de la médecine contemporaine (voir note [1]). En effet, « il n’y a pas de soins sans confidences, de confidences sans confiance, de confiance sans secret » (voir note [2]). Le médecin ne doit rien révéler de ce qu’il a connu ou appris sur son patient.

    Le secret professionnel du médecin ou secret médical – les deux termes sont employés indifféremment - est à la fois d'intérêt privé et d'intérêt public :

    • D'intérêt privé : le médecin doit garantir le secret à la personne qui se confie à lui; elle doit être assurée de ne pas être trahie. Sa confiance doit être sans faille, si elle a à donner une information intime utile au médecin et aux soins. Respecter le secret est un comportement imposé par la nature des informations dont la divulgation à des tiers pourrait porter atteinte à la réputation, à la considération ou à l'intimité de la personne qui s'est confiée au médecin ; le droit au respect de l'intimité est inscrit dans la déclaration universelle des Droits de l'Homme.
    • D'intérêt public : l'intérêt général veut que chacun puisse être convenablement soigné et ait la garantie de pouvoir se confier à un médecin, même s'il est dans une situation sociale irrégulière/marginale, pour bénéficier de ses soins, sans craindre d'être trahi ou dénoncé.


    Le secret est un devoir du médecin.

    Le code de déontologie formule la règle du secret médical, dès son article 4 pour en montrer l'importance. Il le fait de façon beaucoup plus explicite que le code pénal et sur le seul terrain de l'exercice de la médecine. L'article 4 en pose le principe et en définit la substance. Ses conséquences sont développées à l'article 72 en ce qui concerne les personnes qui assistent le médecin, aux articles 73 et 104 en ce qui concerne les documents médicaux.

    Le secret n’est pas opposable au patient. Au contraire, le médecin lui doit toute l’information nécessaire sur son état, les actes et soins proposés ou dispensés (article 35). Si le médecin est amené à retenir une information vis-à-vis du patient, usant ainsi de la faculté que lui ouvre l’article 35, c’est pour le protéger d’une révélation traumatisante et non au nom du secret médical.

    1 - Le secret professionnel s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi

    Chronologiquement, c’est d’abord le code pénal qui, en sanctionnant toute violation du secret auquel sont astreints certains professionnels – au premier rang desquels les médecins – donne un support légal à cette obligation. Elle figure aujourd’hui sous l’article 226-13 du code pénal.

    Les codes de déontologie médicale successifs viendront en préciser la définition avant que n’intervienne l’article L.1110-4 du code de la santé, introduit par la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 qui consacre un droit du patient.

    A – LA LOI

    • Code de la santé publique - Article L.1110-4 :

    « Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.

    Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation de par ses activités avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tout professionnel de santé ainsi qu’à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

    Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d’assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins  dans un établissement de santé, les informations la concernant  sont réputées confiées par le malade à l’ensemble de l’équipe.

    Les informations concernant une personne prise en charge par un professionnel de santé au sein d’une maison ou d’un centre de santé sont réputées confiées par la personne aux autres professionnels de santé de la structure qui la prennent en charge, sous réserve :

    1° du recueil de son consentement exprès, par tout moyen, y compris sous forme dématérialisée. Ce consentement est valable tant qu’il n’a pas été retiré selon les mêmes formes ;

    2° de l’adhésion des professionnels concernés au projet de santé mentionné aux articles L.6323-1 et L.6323-3.

    La personne, dûment informée, peut refuser à tout moment que soient communiquées des informations la concernant à un ou plusieurs professionnels de santé.

    Afin de garantir la confidentialité des informations médicales mentionnées aux alinéas précédents, leur conservation sur support informatique, comme leur transmission par voie électronique entre professionnels sont soumises à des règles définies par décret en Conseil d’Etat pris après avis public et motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret détermine les cas où l’utilisation de la carte professionnelle  de santé mentionnée au dernier alinéa de l’article L.161-33 du code de sécurité sociale est obligatoire. La carte de professionnel de santé et les dispositifs équivalents agréés sont utilisés par les professionnels de santé, les établissements de santé, les réseaux de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins.

    Le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

    En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s’oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l’article L.1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celles-ci sauf opposition de sa part. Seul un médecin est habilité à délivrer, ou à faire délivrer sous sa responsabilité, ces informations.

    Le secret ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt, ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. »

    On note que cet article (alinéa 2) donne une définition large du secret professionnel : il couvre l’ensemble des informations sur la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, non seulement en ce qui concerne son état de santé mais aussi son identité, ce qu’il a confié ou ce que le médecin a compris à son propos.

    L’alinéa 3 précise la notion de secret partagé et en fixe les limites. La règle générale est que le partage n’intervient qu’entre professionnels de santé, pour la prise en charge et la continuité des soins et sauf opposition de la personne dûment avertie. Elle connaît deux variantes, l’une concernant les établissements de santé publics et privés, l’autre des maisons ou centres de santé dont les professionnels qui y exercent ont adhéré au projet de santé mentionné aux articles L.6323-1 et L.6323-3.

    Dans les établissements de santé, le consentement du patient au partage des données le concernant au sein de l’équipe qui le prend en charge est présumé acquis (3ème alinéa, 2ème phrase). Dans les maisons ou centres de santé, les informations sont réputées confiées par le patient aux autres professionnels de la structure qui le prennent en charge, sous réserve de son consentement exprès et de l’adhésion des professionnels concernés au projet de santé mentionné aux articles L.6323-1 et L.6323-3 (voir note [3]). La personne, dûment informée, peut refuser à tout moment que soient communiquées des informations la concernant à un ou plusieurs professionnels de santé (alinéas 4 à 7 introduits par l’article 2 de la loi n° 2011-940 du 10 août 2011).

    Il n’y a aucune justification, déontologique ou médicale, à ce que les droits des patients au respect du secret des informations les concernant fassent l’objet de régimes différents selon le cadre d’exercice du professionnel de santé auquel ils s’adressent.

    Le Conseil national a fait connaître son opposition à ces distinctions.

    L’alinéa 9 punit par ailleurs d’amende et d’emprisonnement, non seulement celui qui a trahi le secret mais aussi celui qui obtient ou tente d’obtenir des renseignements en violation de la règle.

    Enfin, si les ayants droit se voient reconnaître sous certaines conditions l’accès aux éléments du dossier d’une personne décédée (dernier alinéa) ce n’est que dans la limite de ce qui leur est nécessaire pour connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt, faire valoir des droits, et sous réserve que le patient n’y ait pas fait opposition de son vivant (CE - 26 septembre 2005, Conseil national de l’Ordre des médecins, req. n°270234).  

    • Code pénal - Article 226-13 :

    «La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »

    Le code pénal ne fait pas référence aux médecins. Il traite du secret professionnel en général et non de façon spécifique du secret médical.

    Cependant, il serait faux de croire que le médecin peut partager les informations qu’il détient à raison de son activité professionnelle avec un autre professionnel, lui-même tenu au secret dans les termes de l’article 226-13 du code pénal. Le secret médical est le secret professionnel du médecin, comme le secret notarial est celui du notaire.

    Même entre médecins, le secret ne se partage pas dès lors qu’ils ne participent pas à la prise en charge d’un même patient.

    • Code de la sécurité sociale

    Le code de la sécurité sociale rappelle lui aussi que le secret professionnel est au nombre des grands principes de la médecine en France. L'article L.162-2  est ainsi libellé :

    « Dans l'intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d'exercice et de l'indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix, la liberté de prescription, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade, la liberté d'installation... ». 

    B-  JURISPRUDENCE

    La jurisprudence (voir note [4]), tant judiciaire qu'administrative, renchérit encore sur ces dispositions en proclamant que le secret médical revêt un caractère général et absolu. La Cour de Cassation l'a affirmé la première, dès le XIX° siècle (1885 - arrêt Watelet) et surtout dans un arrêt de la chambre criminelle du 8 mai 1947 (Degraene) : «L'obligation du secret professionnel s'impose aux médecins comme un devoir de leur état. Elle est générale et absolue et il n'appartient à personne de les en affranchir».

    Cette portée générale et absolue du secret médical est reconnue également, avec toutefois quelques nuances, dans les arrêts de la chambre civile de la Cour de Cassation, dans ceux du Conseil d'Etat (arrêt d'assemblée du 12 avril 1957 - Deve) et même dans les avis de la Section sociale du Conseil d'Etat (6 février 1951 - 2 juin 1953).

    De ce caractère général et absolu du secret médical, les jurisprudences de ces deux cours souveraines tirent des conséquences importantes. Ainsi, il a été admis que :

    •  le patient ne peut délier le médecin de son obligation de secret ;
    •  cette obligation ne cesse pas après la mort du patient ;
    •  le secret s'impose même devant le juge ;
    •  le secret s'impose à l'égard d'autres médecins dès lors qu'ils ne concourent pas à un acte de soins ;
    •  le secret s'impose à l'égard de personnes elles-mêmes tenues au secret professionnel (agents des services fiscaux) ;
    •  le secret couvre non seulement l'état de santé du patient mais également son nom : le médecin ne peut faire connaître à des tiers le nom des personnes qui ont (eu) recours à ses services.

    Il ne peut donc être dérogé au secret médical que par la loi. Cela explique l'annulation par le Conseil d'Etat de plusieurs décrets ou circulaires organisant des procédures portant atteinte au secret médical. Mais ces dérogations législatives peuvent ne pas être toujours formelles ou explicites. Une atteinte au secret médical peut être jugée légale si elle est la conséquence nécessaire d'une disposition législative (CE 8 février 1989 - Conseil national de l'Ordre des médecins et autres, req. n°54494).

    C -  DEROGATIONS LEGALES

    Elles sont justifiées par la nécessité d'établir une communication maîtrisée d'informations médicales (pour leur détail, voir annexe p.40). Seule une loi peut les instituer.

    Le médecin est obligé :

    • de déclarer les naissances ;
    • de déclarer les décès ;
    • de déclarer au médecin de l’ARS les maladies contagieuses dont la liste est fixée par voie réglementaire.
    • d'indiquer le nom du patient et les symptômes présentés sur les certificats d’admission en soins psychiatriques ;
    • d'établir, pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, des certificats détaillés décrivant les lésions et leurs conséquences ;
    •  de fournir, à leur demande, aux administrations concernées des renseignements concernant les dossiers des pensions militaires et civiles d’invalidité ou de retraite ;
    • de transmettre à la CRCI ou à l’expert qu’elle désigne, au fonds d’indemnisation, les documents qu’il détient sur les victimes d’un dommage (accidents médicaux, VIH, amiante…) ;
    • de communiquer à l’Institut de veille sanitaire les informations nécessaires à la sécurité, veille et alerte sanitaires.
    • de communiquer, lorsqu'il exerce dans un établissement de santé, au médecin responsable de l'information médicale, les données médicales nominatives nécessaires à l'évaluation de l'activité.

    Le médecin est autorisé :

    • à signaler au procureur de la République (avec l'accord des victimes adultes) des sévices constatés dans son exercice et qui permettent de présumer de violences physiques, sexuelles ou psychiques ;
    • à transmettre au président du Conseil général toute information préoccupante sur un mineur en danger ou risquant de l’être (voir note [5]) ;
    • à communiquer les données à caractère personnel qu’il détient strictement nécessaires à l’exercice de leur mission, aux médecins conseils du service du contrôle médical, aux médecins inspecteurs de l’inspection générale des affaires sociales, aux médecins inspecteurs de la santé, aux médecins inspecteurs de l’ARS, aux médecins experts de la Haute Autorité de Santé, aux inspecteurs médecins de la radioprotection ;
    • à transmettre les données nominatives qu'il détient dans le cadre d'un traitement automatisé de données autorisé ;
    • à informer les autorités administratives du caractère dangereux des patients connus pour détenir une arme ou qui ont manifesté l’intention d’en acquérir une.

    Ces dérogations légales prescrivent ou autorisent seulement une certaine révélation (maladie contagieuse désignée par un numéro, symptômes d'un état mental dangereux, etc.) et pas n'importe quelle indiscrétion, à n'importe qui, de n'importe quelle manière. Il faut s'en tenir à une information «nécessaire, pertinente et non excessive». L'obligation du secret demeure pour tout ce qui n'est pas expressément visé par le texte.

    2- Le secret couvre tout ce qui est parvenu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession

    Le texte du code pénal parle d'une «information à caractère secret» ce qui pourrait faire penser que le médecin n'a de secret à garder que lorsqu'il a reçu d'intimes confidences.

    L’article L.1110-4 pour sa part précise : «  ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, … »

    Le secret s’impose pour tout ce que le médecin a pu voir, entendre ou même deviner ou déduire. Même les constatations « négatives » doivent être tues. Il n’y a donc pas de différence entre le « renseignement administratif » (nom, adresse…) et « médical » (diagnostic, traitement…), entre la confidence et le renseignement « anodin ». On attend du médecin une discrétion totale (même sur ce qu’il peut avoir appris en dehors des soins qu’il donne).

    Dans une décision du 24 septembre 2014 n°11888 de la chambre disciplinaire nationale, confirmée par le Conseil d’Etat (CE, 17/06/2015, n°385924), il a été jugé que le secret médical s’étend à toute information de caractère personnel confiée par un patient ou vue, entendue ou comprise par le praticien dans le cadre de son exercice.

    Dès lors qu’un médecin reçoit des informations personnelles de caractère médical de la part d’une personne qui s’est adressée à lui en tant que médecin, même s’il n'est pas son médecin traitant (Au sens usuel du terme et non le médecin traitant mentionné à l'article L.162-5-3 du code de la sécurité sociale), celles-ci sont réputées avoir été données dans le cadre de l'exercice professionnel : « ni les relations amicales anciennes nouées par le passé entre Mme B… et le Dr C, ni les circonstances dans lesquelles il a été amené à recueillir ses confidences avant la consultation de son épouse dans leur cabinet médical commun, ne sont détachables de l’exercice de sa part de la profession médicale ; que, même s’il n’a procédé à aucun examen de la patiente et n’assurait pas son suivi médical comme médecin traitant, les faits qui lui ont été confiés lors de cet entretien étaient couverts par le secret professionnel et ne devaient, alors même qu’il ne justifiait d’aucune dérogation légale en la matière, être divulgués à un tiers ». En révélant ces informations à un tiers, le médecin a méconnu l'obligation de secret instituée par les dispositions des articles L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique.

    Toute personne doit avoir la certitude absolue qu’elle peut, même après sa mort, se fier à la discrétion du médecin.

    Ainsi le secret professionnel est la «pierre angulaire de la morale médicale» (voir note [6]).

    3- Le secret professionnel est institué dans l'intérêt des patients

    L'adjonction «institué dans l'intérêt des patients», voulue par le Conseil d'Etat, est importante. Elle coïncide avec une évolution de la jurisprudence et l'assouplissement dans certains cas de la doctrine traditionnelle du «secret absolu».

    Le secret médical a été institué dans l'intérêt des patients, mais ce n'est pas sa seule raison d'être puisque, nous l'avons indiqué, il a un intérêt public. Il compte autant par sa virtualité que par son existence, il est fait pour les personnes malades présentes comme pour les personnes malades futures ou potentielles.

    Rien n'autorise le médecin à livrer des renseignements hors des dérogations légales. Même entre médecins, la discrétion est de règle. La notion de «secret partagé» reste limitée aux membres de l'équipe soignante - qui doivent partager certaines informations pour assurer des soins corrects - dans l'intérêt du patient (expressément mentionné par l’article L.1110-4, al. 3 du code de la santé publique qui définit la notion de secret partagé) ainsi qu'aux médecins des régimes obligatoires de protection sociale (article 50).

    Il ne s'agit pas là d'un réflexe corporatiste. La rigueur des dispositions actuellement en vigueur et le caractère impératif des règles déontologiques sont destinés à protéger le patient, non le médecin. Le respect du secret médical est un devoir du médecin et non un droit.

    Faire tomber en désuétude cette conduite séculaire du médecin serait mépriser l'un des droits fondamentaux de l'homme : tous les patients doivent être assurés que leur confiance ne sera pas trahie lorsqu'ils livrent à leur médecin une information les concernant ou mettant en cause des tiers.

    Les médecins sont confrontés à des sollicitations et situations diverses où ils doivent apprécier ce qu’ils peuvent dire ou au contraire, taire. Les plus courantes sont évoquées ci-dessous.

    Il leur est recommandé s’ils sont embarrassés sur la réponse à apporter, de prendre conseil auprès des instances ordinales.

    3-1. Secret, famille et entourage

    Le secret s’impose vis à vis de la famille et de l’entourage, mais en cas de diagnostic ou de pronostic grave, il ne « s’oppose pas à ce que la famille, les proches, ou la personne de confiance définie à l’article L.1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part » (article L.1110-4, avant dernier alinéa du code de la santé publique).

    De même après le décès : «  Le secret ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt, ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. » (article L.1110-4, dernier alinéa du code de la santé publique).

    Seules les informations « nécessaires » peuvent être révélées dans l’un et l’autre cas (CE 26 septembre 2005, Conseil national de l’Ordre des médecins, req. n°270234). D’autre part, si les ayants droit ont accès au dossier d’une personne décédée, il faut que la demande soit explicitement motivée et que ce droit s’exerce dans une des trois intentions citées : connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir des droits. Le patient, de son vivant, peut avoir fait opposition à cet accès. Sa volonté doit être respectée.

    Le secret est également dû aux mineurs.

    Les mineurs viennent souvent se confier aux médecins et, comme les adultes, ils ont droit au respect et à la discrétion. Il est important, surtout à l’adolescence, qu’un mineur puisse trouver en son médecin un confident qui n’ira pas révéler à ses parents les secrets qui lui sont confiés. Mais lorsque l’intérêt du mineur l’exige, ou qu’une décision importante est à prendre, le médecin doit tout faire pour le persuader de tenir ses parents au courant, en sachant garder le secret sur ce qu’il n’est pas nécessaire de révéler.

    Cependant, en dérogation au principe très général de l’autorité parentale, le médecin est tenu au secret professionnel vis-à-vis des parents d’un mineur, qui s’oppose expressément à la consultation des titulaires de l’autorité parentale :

    « Toutefois, le médecin doit dans un premier temps s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin peut mettre en œuvre le traitement ou l’intervention. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d’une personne majeure de son choix. » (Article L.1111-5 du code de la santé publique)

    L'infection due au VIH a provoqué une controverse quant au caractère intangible de la notion du secret professionnel. Elle est fondée sur le constat du conflit entre le droit des personnes infectées à la confidentialité et le droit de leurs partenaires d'être avertis du danger qui les menace directement.

    Le Conseil national de l'Ordre des médecins (Bulletin de l'Ordre, décembre 1992) et la Commission de réflexion sur le secret professionnel (1994) ont formulé les recommandations suivantes :

    • dès lors qu'elle est faite à un proche ou à un tiers par la personne séropositive, mise en face de ses responsabilités, la révélation ne pose pas de problème juridique en matière de secret ;
    • lors de cette révélation au partenaire, par celui qui est séropositif, le médecin peut, selon la déontologie traditionnelle, assister à l'entretien à la demande des intéressés et leur donner les éclaircissements et conseils utiles en la circonstance ;
    • la loi n'autorise pas le médecin à révéler au partenaire du patient séropositif le danger que lui fait courir le comportement de ce dernier si celui-ci s'oppose obstinément à toute révélation ; il lui faudrait d'ailleurs une certaine naïveté pour prétendre connaître le ou les partenaires exposés.

    La commission René (voir note [7]) sur le secret professionnel a conclu en ces termes :

    «Aucune dérogation, implicite ou même explicite, n'autorise le médecin à rompre le silence qui s'impose à lui et les conditions d'application de la notion de non-assistance à personne en danger ne sont pas réunies. Il revient alors au praticien, après avoir tout fait pour convaincre le patient et son entourage, du danger que fait courir son état de santé, et, si possible, après avoir pris l'avis de confrères compétents, d'évaluer la situation et de prendre, en conscience, sa décision et d'assumer les conséquences d'une liberté qu'il revendique ; les juges apprécieront en fonction de ces cas d'espèces... Les dangers sont certains. Mais les conséquences de la révélation doivent être aussi lucidement mesurées. En présence de ce dilemme, et même avec l'aval de confrères expérimentés, c'est d'abord sa responsabilité personnelle, tant morale que juridique, qu'engage le médecin en prévenant lui-même le partenaire de son patient

    3- 2. Secret, police et justice

    a. Réquisitions

    Pour rapporter la preuve d’une infraction ou l’implication de la personne poursuivie, les officiers de police judiciaire (OPJ) vont, sur autorisation et sous le contrôle du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction, procéder à un certain nombre d’investigations. Ils peuvent alors requérir le concours des médecins.

    Le terme « réquisition » et le caractère contraignant qu’il suppose est source de confusion pour les médecins. Schématiquement, on peut distinguer selon l’objet de la réquisition :

    1/ S’il y a lieu de procéder à des constatations, examens techniques ou scientifiques–par exemple examen de garde à vue, prise de sang en vue de la vérification de l’alcoolémie,… - qui ne peuvent être différés, l’OPJ a recours à toute personne qualifiée (articles 60 et 77-1 du code de procédure pénale – voir notes [8] et [9]).

    Sous peine d’amende (voir note [10]), le médecin est tenu de déférer à la réquisition. Il remet son rapport à l’autorité requérante.

    Il peut néanmoins récuser son concours en cas d’inaptitude physique, technique ou lorsqu’il est le médecin traitant de la personne à examiner.

    Pour éviter tout malentendu sur le secret médical, il doit prévenir la personne de la qualité en laquelle il l’examine et de la nature de sa mission.

    Le certificat rédigé, après examen, ne doit faire état que des conclusions. Par exemple : « l’état de santé est compatible (ou non) avec la garde à vue ; il y a lieu (ou non) de poursuivre un traitement médical pendant celle-ci, de procéder à de nouveaux examens ou à une hospitalisation… »

    2/ La réquisition a pour objet d’obtenir le témoignage du médecin sur des faits qu’il a connus dans son activité professionnelle : date de consultation, adresse du patient, objet de la consultation, nature des traitements,… et plus généralement ce qui a trait au patient pris en charge.

    La réquisition n’a pas pour effet de délier le médecin de son obligation au secret professionnel et quelle que soit la nature du renseignement demandé (« administratif » ou purement médical), il ne peut que refuser de répondre à la réquisition.

    Il n’encourt ce faisant aucune sanction.

    3/ La réquisition a pour objet la remise de documents et listes. Depuis la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice et la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le procureur de la République ou l’OPJ, sur autorisation de celui-ci (enquête préliminaire, article 77-1-1 du code de procédure pénale) ou sous son contrôle (enquête de flagrance article 60-1 du même code) « peut requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public, de toute administration qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l’enquête, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposé, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel. Lorsque la réquisition concerne des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3 (avocat, journaliste, médecin), la remise des documents ne peut intervenir qu’avec leur accord. »

    Ces articles font donc dépendre la remise de documents couverts par le secret médical de l’accord du médecin, ce qui apparaît incompatible avec la conception traditionnelle du secret professionnel général et absolu en matière médicale.

    Les dispositions des articles 77-1-1 et 60-1 sont de plus en plus souvent invoquées par les OPJ pour obtenir sans saisie les documents détenus par les médecins.

    Il faut conseiller aux médecins requis dans cette situation de refuser leur accord. Ce refus ne peut être sanctionné. La procédure de saisie sera alors mise en œuvre dans les conditions habituelles (présence d’un conseiller ordinal, mise sous scellés fermés des documents saisis) éventuellement opérée par le magistrat lui-même.

    b. Saisies et perquisitions

    Le code de procédure pénale prévoit que «le juge d'instruction procède conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité» (voir note [11]). Il peut procéder à la saisie d'objets ou de documents relatifs aux faits incriminés et «doit provoquer toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense».

    Conformément à l’article 56–3 «les perquisitions dans le cabinet d'un médecin... sont effectuées par un magistrat et en présence de la personne responsable de l'Ordre... ou son représentant».

    Il est admis lorsque la saisie du dossier a lieu sans perquisition que le magistrat qui l’ordonne (juge d’instruction, procureur de la République) mandate à cet effet un officier de police judiciaire. La présence du représentant ordinal reste obligatoire.

    c. Témoignages en justice

    Ce que le médecin a pu connaître à l'occasion des soins donnés ne peut lui être demandé en témoignage devant la justice. Interrogé ou cité comme témoin sur des faits connus de lui dans l'exercice de sa profession, il doit se présenter, prêter serment et refuser de témoigner en invoquant le secret professionnel.

    L’accord ou la demande du patient ne saurait le délier du secret (voir note [12]).

    En revanche, le médecin peut signaler et témoigner dans des affaires de sévices à mineurs (maltraitances, incestes, viols, attentats à la pudeur, etc.) ou personnes vulnérables qu’il a constatés.

    Enfin, bien qu'il n'y soit pas tenu, un médecin peut estimer devoir témoigner en justice si son témoignage peut empêcher de condamner un innocent (article 434-11 du code pénal). Par ailleurs sa profession ne lui interdit pas de témoigner à titre de simple citoyen, indépendamment de tout élément recueilli au cours de son exercice professionnel.

    d- Expertises

    Comme le médecin requis, l'expert, missionné par un juge, doit prévenir la personne qu'il examine de sa qualité et de sa mission.

    Il rendra compte dans son rapport au juge de ses constatations médicales. Il ne peut révéler à personne (en dehors de l'autorité qui l'a nommé) ce qu'il a constaté ou a pu apprendre ou comprendre à l'occasion de sa mission.

    e. Certificats produits en justice

    En principe, aucun certificat concernant un patient ne peut être remis à un tiers (article 76) : le médecin ne peut satisfaire aux demandes de renseignements ou de certificats qui lui sont adressées par un juge, par un avocat ou par la police.

    Dans certains cas, un prévenu ou son avocat peuvent vouloir obtenir, afin de les produire devant un tribunal, une attestation prouvant par exemple un traitement pour troubles psychiatriques ou pour maladie susceptible d'entraîner des séquelles pouvant atténuer sa responsabilité ; le médecin pourra, s'il l'estime utile, attester que l'intéressé a été effectivement soigné par lui, mais il ne devra donner aucun détail. Il appartient au juge, s'il en voit la nécessité lorsque le prévenu évoque un état pathologique, de le soumettre à l'examen médical d'un expert.

    Lorsqu'un médecin est sollicité pour délivrer un certificat dans le cas de coups et blessures, il doit décrire objectivement ce qu'il a constaté et dresser un bilan complet et descriptif des lésions observées. Il doit se garder de tout commentaire, notamment de faire allusion à des faits ou à des circonstances dont il n'a pas été témoin.

    Il doit remettre le certificat en main propre à l'intéressé et l'indiquer sur le certificat.

    f. Procès en responsabilité

    Lorsqu'un médecin est poursuivi en justice par un patient ou sa famille, dans une action en responsabilité, il peut porter à la connaissance du juge certains faits médicaux ou certains documents utiles à la manifestation de la vérité et à sa défense.

    Il ne peut s'abriter derrière le secret professionnel pour masquer d'éventuelles fautes.

    Le juge peut diligenter une enquête en désignant un médecin expert. Le médecin concerné peut répondre aux questions de l'expert, dans le cadre limité du litige.

     3- 3. Secret et médecine de contrôle

    La prise en charge par l’assurance maladie des dépenses de santé exposées par les assurés sociaux implique la communication d’informations nominatives plus ou moins révélatrices de l’état de santé de l’assuré :

    • la feuille d’assurance maladie avec l’indication des actes effectués, notamment le code de l’acte et de la pathologie, l’ordonnance ;
    • le certificat d’arrêt de travail pour la maladie dont le premier volet fait mention des motifs médicaux justifiant l’arrêt (voir note [13]) ;
    • les déclarations d’accident du travail et de maladie professionnelle font l’objet de certificats nominatifs et descriptifs. Ils sont transmis aux caisses d’assurance maladie par le médecin qui les a établis pour ce qui est des accidents du travail, par l’intermédiaire du patient pour ce qui est des maladies professionnelles.

    Seuls les praticiens-conseils et les personnels placés sous leur responsabilité peuvent avoir à connaître de ces données nominatives lorsqu’elles sont associées au code d’une pathologie diagnostiquée ou au motif de l’arrêt de travail.

    Est également reconnu, au nom du principe du «secret partagé», dans le cadre d'une consultation médico-sociale, l'échange de renseignements entre le médecin consulté par le patient et le médecin-conseil, lui-même tenu au secret (article 50).

    Le médecin traitant fournit certaines indications sur la pathologie de l'assuré social concerné et le médecin-conseil apporte sa compétence médico-sociale (possibilité de prestations spéciales, rééducation fonctionnelle, entente préalable...).

    L'échange de renseignements n'est autorisé qu'aux conditions suivantes :

    • le patient doit avoir donné son accord ;
    • les renseignements doivent être communiqués, non au service de contrôle, mais à un médecin-conseil nommément désigné, sous pli confidentiel ;
    • le médecin-traitant ne confie que les données indispensables au médecin-conseil pour que celui-ci puisse prendre sa décision ;
    • le médecin traitant reste juge de l'opportunité et de l'étendue des informations échangées.

    Plus généralement, la loi (article L. 315-1, V du code de la sécurité sociale) reconnaît aux praticiens-conseils du service de contrôle médical un droit d’accès aux données de santé à caractère personnel si elles sont strictement nécessaires à l’exercice de leurs missions et dans le respect du secret médical.

    3- 4. Secret et commissions médico-sociales

    Le traitement des situations individuelles soumises à ces commissions nécessite des informations médicales communiquées tant par l'intéressé que par son médecin traitant.

    Le respect des droits de la personne au respect de son intimité et du secret professionnel n'est pas toujours bien assuré à cette occasion.

    Il convient de rappeler les règles qui permettent un équilibre entre les droits de la personne et le besoin de la commission qui, selon le cas, va rendre un avis ou prendre une décision motivée.

    Les renseignements médicaux qui accompagnent la demande doivent être adressés au secrétariat de la commission, sous pli confidentiel, cacheté, à l’attention du médecin du comité ou de la commission. Le traitement des données relatives à la santé doit être strictement réservé au médecin ou aux personnes qu’il habilite à cet effet.

    Les avis et décisions rendus ne doivent pas révéler la pathologie dont souffre le demandeur. Si la personne est invitée à se présenter devant la commission, elle doit être informée qu’elle n’a pas à dévoiler sa pathologie ni à y être incitée.

    Les documents médicaux communiqués doivent être conservés dans des conditions préservant leur confidentialité.

    3-5. Secret et compagnies d'assurances

    Il n'y a pas ici de «secret partagé». Le médecin traitant d'une personne malade ou blessée ne doit donner aucun renseignement à une compagnie d'assurances. Il doit refuser de répondre à une compagnie d'assurances qui lui demanderait un diagnostic de maladie ou d'autres indications médicales (voir note [14]).

    De même, la demande par une compagnie d'assurances au médecin traitant de la cause d'un décès, est illégale.

    Un léger assouplissement de la jurisprudence existe cependant : il est admis que lorsqu'il s'agit de la seule preuve possible permettant aux ayants droit de faire valoir leurs droits (par exemple, le paiement d'un capital décès), le médecin traitant peut leur délivrer un certificat médical indiquant, suffisamment, sans qu'il soit besoin de préciser quelle fut la maladie, que la mort a une cause naturelle, étrangère aux risques exclus par la police d’assurance dont il a eu connaissance.

    La situation est toute différente lorsqu'une personne se présente chez un médecin en vue d'un examen médical «de santé» pour une compagnie d'assurances. Ce médecin ne peut pas être le médecin traitant. La personne demande un compte-rendu de son état et non des soins ; et elle admet que les résultats de l'examen soient révélés au médecin désigné par la compagnie. Le médecin peut accepter une telle mission, en s'assurant cependant que les renseignements donnés sont destinés au seul médecin de la compagnie, et en agissant avec prudence dans le cas où il constaterait, lors de l'examen, une affection de pronostic grave.

    De même, lorsqu'un médecin (qui ne peut être le médecin traitant, voir article 100) est chargé par une compagnie d'assurances d'examiner une personne blessée ou malade et de rendre compte de son état, il peut le faire, mais comme un médecin contrôleur ; il doit prévenir la personne qu'il l'examine pour la compagnie d'assurances ; il doit envoyer son rapport au médecin de cette compagnie, lui-même tenu au secret, à charge pour ce dernier d'en assurer la confidentialité, notamment vis-à-vis de l'assureur. Ce rapport doit se limiter à la description objective des symptômes et éviter toute indiscrétion débordant sa mission. Le médecin de la compagnie d'assurances doit « traduire » les données médicales en termes techniques qu'il transmettra seuls à l'administration de la compagnie. Une Cour d'appel a retenu à juste titre que le rapport du médecin d'une compagnie d'assurances, établi après interrogation du médecin traitant de l'assuré et fondé sur la lettre de ce dernier, procédait d'une violation du secret médical, le médecin d'assurances ne pouvant révéler à son mandant des renseignements qu'il aurait reçus du médecin traitant de l'assuré, tenu lui-même au secret médical (Cass. Civ. 1ère - 6 janvier 1998 n° 95-19902 et 96-16721; dans le même sens Cass. Civ. 1ère, 12 janvier 1999 n° 96-20580).

    La loi du 4 mars 2002 donne à la personne libre accès à son dossier ; cela ne signifie pas que le médecin traitant puisse répondre aux demandes de renseignements des médecins d’assurances. La personne en possession de son dossier après l’avoir régulièrement réclamé peut en disposer. Le médecin doit attirer son attention sur les risques que peut impliquer cette communication. La jurisprudence dira si les renseignements obtenus dans ces conditions par une compagnie d’assurance tombent sous le coup de l’alinéa 5 de l’article L.1110-4 du code de la santé publique :

    « Le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

    3-6. Secret et environnement professionnel

    a - Secret et contrats

    L'exercice de la profession médicale conduit bien souvent les médecins à passer des contrats qui sont communiqués à l'Ordre pour vérification de leur contenu déontologique. Parmi les stipulations qui leur sont alors imposées figure l'obligation de rappeler le principe du secret professionnel et d'en fixer les modalités d'application (CE Laudet, 9 juin 1967, req. n° 68156).

    C'est une des clauses essentielles qui doit figurer dans les contrats, et l'Ordre veille à ce que les parties les y introduisent si elles font défaut dans ceux qui lui sont soumis.

    b – Secret,  et technologies de l’information et de la communication

    La protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données nominatives est assurée par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Son article 34 impose que des dispositions soient prises pour assurer la sécurité des traitements et des informations, ainsi que la garantie des secrets protégés par la loi (voir note [15]). Des sanctions pénales sont prévues en cas de non-respect de ces dispositions.

    L’article L.1110-4, alinéa 4 du code de la santé publique ajoute qu’«  Afin de garantir la confidentialité des informations médicales… leur conservation sur support informatique comme leur transmission par voie électronique entre professionnels sont soumises à des règles définies par décret en Conseil d’Etat…. » (voir note [16]).

    L’accès du patient à son dossier informatisé doit se faire dans des conditions telles que les données auxquelles il a droit lui soient accessibles et elles seules.

    Les techniques de l’information et de la communication (TIC) font désormais partie intégrante de l’environnement professionnel des médecins. Elles participent à la qualité des soins, en améliorant la tenue des dossiers médicaux, en facilitant l’échange et le partage des données utiles à la décision. Elles s’appliquent dans le respect des droits des patients : information et droit de s’opposer au partage, droit d’accès aux données partagées, droit de choisir les professionnels autorisés à partager ces données, droit à l’oubli. Elles offrent enfin une meilleure protection des données, notamment par la traçabilité des accès.

    Le Conseil national de l’Ordre des médecins a élaboré à cette fin des recommandations (voir note [17]).

    c. Secret médical à l'hôpital

    L'exercice médical à l'hôpital ne modifie en rien le sens profond attribué au secret professionnel (voir note [18]). Néanmoins, les missions de service public qu'il faut détailler soulèvent des difficultés particulières qui sont préoccupantes. Certes, si tout a été prévu en théorie pour le respect du secret et la protection des données nominatives, on peut regretter de trop nombreuses violations du secret qui peuvent engager la responsabilité de l’établissement (voir note [19]) et de leurs auteurs. Elles tiennent à une certaine spécificité du service public et à son organisation :

    • le pluralisme des services et des prestations, l'exercice de plus en plus fréquent de la pluridisciplinarité ;
    • la nécessaire circulation des informations d'un service à l'autre ;
    • la collégialité indispensable à l'enseignement, à la recherche et à la pratique des soins ;
    • la gestion de l'information à des fins d’analyse de l’activité et des coûts ;
    • les contrôles opérés par les médecins membres de l'inspection générale des affaires sociales, les médecins inspecteurs de la santé publique, les inspecteurs de l’ARS ayant la qualité de médecin (article L.1112-1 du code de la santé publique) et les médecins-conseils des organismes d'assurance maladie (article L.315-1 du code de la sécurité sociale).
    • l'intervention importante d'agents administratifs pour le fonctionnement quotidien de l'hôpital (questionnaire d'admission, bordereau statistique de toutes les activités, etc.).

    En pratique tout s'articule pour le médecin autour de deux éléments essentiels : l'information du patient et la tenue du dossier médical.

    Cette énumération amène à se poser un certain nombre d'interrogations inspirées par la pratique quotidienne. Il suffit de suivre le patient dans son cheminement au cours d'une hospitalisation.

    1°) L'admission comporte des demandes concernant le motif de l'hospitalisation et sa nécessaire orientation vers un service spécialisé dont l'intitulé porte souvent le nom d'une pathologie ou d'un groupe de pathologies.

    2°) L'interrogatoire du patient pratiqué, tant par le personnel hospitalier que médical, peut se dérouler dans des conditions de confidentialité discutables. Le patient lui-même révèle quelquefois des informations susceptibles de porter atteinte au secret le concernant.

    3°) L'examen clinique et la prise de décision médicale peuvent se dérouler en présence de plusieurs personnes (élèves de toutes catégories, médecins ou non-médecins en cours de formation) dont l'intérêt est, certes, de participer à des délibérations et qui sont tenues de respecter le secret de ce qu'elles ont vu et entendu ;

      Il est de la responsabilité des chefs d’unité, de pôle, de département de faire respecter cette règle au quotidien.

    4°) La circulation du patient dans les différents services d'explorations fonctionnelles nécessite la rédaction obligatoire d'un document introductif portant généralement la mention du diagnostic et les questions posées lors de l'investigation.

      Le stockage des résultats d’imagerie médicale sur un serveur accessible à l’ensemble des services conduit à des révélations indues à d’autres professionnels de santé que ceux qui ont en charge le patient.

    5°) La manipulation des dossiers pour l'enseignement ou la recherche reste en principe anonyme, mais l'utilisateur peut avoir involontairement connaissance du nom et de l'adresse d'un patient, du diagnostic et des modalités du traitement.

    6°) La collecte des informations par le département de l'information médicale (DIM) (voir note [20]) est en principe couverte par le secret. Toutefois les travaux de la commission des systèmes d'information sur les établissements de santé (CSIES) ont montré qu'il n'était pas possible d'éliminer totalement le risque d'identification du séjour d'une personne dans le fichier comprenant l'ensemble des séjours d'un établissement, l'identification pouvant résulter du rapprochement d'informations connues par ailleurs sur la personne avec les données administratives contenues dans le fichier. La loi n° 99-641 du 27 juillet 1999, qui a complété la loi Informatique et Libertés d’un chapitre sur le traitement des données personnelles de santé à des fins d’évaluation ou d’analyse des activités de soins et de prévention, tend à remédier à cette situation.

    7°) Dans les aires de traitement, que sont les blocs opératoires, les centres de traitements spécialisés (chimiothérapie, radiothérapie, etc.), tout le personnel se trouve en présence des révélations les plus détaillées et parfois les plus graves.

    Deux réflexions essentielles s'imposent :

    • une formation devrait être dispensée au personnel. Il n'existe pas de texte particulier dans ce domaine ; il ne s'agit pas toujours d'une préoccupation majeure des directeurs d'hôpitaux ou des chefs de services ; la responsabilité du personnel doit devenir un sujet de réflexion ; les doyens sont encouragés à indiquer les règles de base aux étudiants qui commencent leurs études de médecine ;
    • la confidentialité est d'autant plus difficile à respecter que le nombre des soignants intervenant est plus important.

    L’article L.1110-4 du code de la santé publique permet dans son alinéa 3 des échanges d’informations entre professionnels de santé participant aux soins, sauf opposition de la personne dûment avertie. Il prévoit aussi que dans l’établissement de santé « les informations la concernant sont réputées confiées à l’ensemble de l’équipe de soins » cette équipe de soins doit être entendue au sens strict du terme et exclut le personnel administratif.

    Maîtriser un secret «collectif» est une entreprise délicate qui exige le concours et la discrétion de tous. Le médecin doit en rappeler les exigences en permanence.

    La distinction parfois proposée entre informations « banales » et informations « confidentielles » n'est  en rien justifiée au regard de la définition du secret médical donnée tant par l’article L.1110-4 du code de la santé publique que de l’article 4 du code de déontologie médicale.

    3-7. Secret médical et établissements pénitentiaires

    L’article 45 de la loi pénitentiaire n°2009-1436 du 24 novembre 2009 rappelle que « L'administration pénitentiaire respecte le droit au secret médical des personnes détenues ainsi que le secret de la consultation, dans le respect des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 6141-5 du code de la santé publique » (note [21]).

    Conclusion

    1. Garanti en France par le code de la santé publique et le code pénal, le secret médical est un droit du patient (intérêt privé) mais aussi un devoir de tout médecin (intérêt public). Le secret médical est absolu, opposable à tous les tiers, portant sur tout ce dont le médecin a eu connaissance à l'occasion des soins.
    2.  Le secret n'est pas la «propriété du malade». Il n'est pas non plus la «propriété du médecin» et encore moins celle du corps médical. Le secret n'appartient à personne, le médecin n'en est que le dépositaire et ne peut se permettre aucune divulgation en dehors des cas où la loi l'oblige, l'autorise ou le laisse libre de donner certains renseignements
    3. Le principe du secret professionnel est parfois en conflit avec d'autres principes et d'autres intérêts. L'étendue et le caractère absolu du secret médical sont mis en cause quand il constitue un obstacle à la manifestation de la vérité dans certaines affaires judiciaires, qu'il rend plus difficile l'application des lois sociales ou bien entrave la juste évaluation d'un dommage par une compagnie d'assurances.
    4. Certaines difficultés peuvent être résolues par la remise d'un certificat par le médecin à l'intéressé. Mais le patient n'a pas toujours une parfaite connaissance de ce dont il va autoriser la révélation et il n'est pas admissible qu’il soit mis en demeure de délier le médecin du secret.
    5. On soutient parfois que c'est l'intérêt du patient qui peut dicter la conduite du médecin. Cependant, il ne peut s'agir que d'intérêt légitime et le médecin ne doit pas se laisser entraîner dans une complicité de revendications illégitimes.
    6.  Certes, le respect du secret médical ne doit pas être poussé jusqu'à l'absurde. Le médecin ne doit pas refuser des explications à la famille. Dans certains cas, son silence porterait préjudice au patient.

    Le médecin rencontre des cas de conscience car il s'agit là d'un domaine difficile où la diversité des cas concrets et la variété des situations ne permettent pas toujours de donner une réponse assurée.

    Le médecin, après avoir pris conseil auprès de son Ordre, devra tenter de résoudre ces situations en conscience, sachant que toute transgression engage sa responsabilité et qu’il devra s’en justifier.

    S'il a une hésitation, il fera prévaloir la conception rigoureuse du secret professionnel car, une fois le secret révélé, il est trop tard pour revenir en arrière.

    Annexe de l'article 4

    DEROGATIONS AU SECRET PROFESSIONNEL

    1 - DEROGATION LEGALES

    Certaines ont un caractère obligatoire, d'autres permettent aux médecins de faire état des informations qu'ils détiennent sans encourir les sanctions prévues à l’article 226-13 du code pénal.

    A -  Dérogations obligatoires

    a) Déclaration des naissances (article 56 du code civil)

    Le médecin est tenu de déclarer à l'officier d'état civil la naissance d'un enfant à laquelle il a assisté, si cette déclaration n'est pas faite par le père (absent, décédé ou inconnu).

    Le médecin n'est pas obligé dans cette déclaration de révéler le nom de la mère.

    Lorsqu'un enfant est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l'état civil, l'officier de l'état civil établit un acte de naissance et un acte de décès sur production d'un certificat médical indiquant que l'enfant est né vivant et viable et précisant les jour et heure de sa naissance et de son décès (article 79-1 du code civil).

    En l’absence de certificat médical attestant que l’enfant est né vivant et viable, l’officier de l’état civil établit un acte d’enfant sans vie sur production d’un certificat attestant de l’accouchement de la mère (formulaire Cerfa n°13773*01 annexé à l’arrêté du 20 août 2008–JO du 22 août 2008).

    Il est recommandé au praticien de le renseigner en double original afin d’en conserver l’ensemble en tant qu’original dans le dossier médical de la mère et de remettre systématiquement la partie inférieure du second original aux parents, en prenant soin de mentionner dans le dossier l’auteur et la date de remise.

    Il sera précisé aux parents, lors de la remise du document que la déclaration éventuelle de l’enfant sans vie à l’état civil repose sur une démarche volontaire et qu’elle n’est soumise à aucun délai. Les parents peuvent prendre le temps de la réflexion nécessaire et n’ont pas à décider de déclarer l’enfant sans vie dès l’accouchement.

    b) Déclaration des décès (article L.2223-42 du code général des collectivités territoriales)

    «L'autorisation de fermeture du cercueil ne peut être délivrée qu'au vu d'un certificat, établi par un médecin, attestant le décès.

    Ce certificat, rédigé sur un modèle établi par le ministère chargé de la santé, précise la ou les causes du décès, aux fins de transmission à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale et aux organismes dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce même décret fixe les modalités de cette transmission, notamment les conditions propres à garantir sa confidentialité».

     Le certificat comporte deux parties, l'une nominative signalant le décès, l'autre anonyme comportant le diagnostic. En cas de mort violente ou suspecte, le médecin cochera sur l'imprimé du certificat de décès la case «obstacle médico-légal». Le permis d'inhumer ne pourra être délivré que par l'autorité judiciaire après enquête.

    Deux nouveaux modèles de certificat de décès ont été créés :

    •  le certificat de décès néonatal, concernant les enfant nés vivants et décédés avant 28 jours, obligatoire depuis le 1er avril 1997,
    • le certificat de décès après 27 jours, obligatoire depuis le 1er janvier 1998.
       

    c) Déclaration des maladies contagieuses (article L.3113-1 du code de la santé publique)

    « Font l'objet d'une transmission obligatoire de données individuelles à l'autorité sanitaire par les médecins et les responsables des services et laboratoires d'analyse de biologie médicale publics et privés :

    1.  Les maladies qui nécessitent une intervention urgente locale, nationale ou internationale ;
    2.  Les maladies dont la surveillance est nécessaire à la conduite et à l'évaluation de la politique de santé publique ».

    Les articles D.3113-6 et D.3113-7 du code de la santé publique pris après avis du Haut Conseil de la santé publique dressent la liste des maladies à déclaration obligatoires.

    La transmission des informations s’effectue selon deux modalités :

    1. la procédure de signalement (article R.3113-4 du code de la santé publique).

    Le signalement des maladies à déclaration obligatoire par les médecins et les biologistes qui les suspectent ou les diagnostiquent au médecin inspecteur de l’ARS est une procédure d’urgence et d’alerte qui s’effectue sans délai et par tout moyen approprié (téléphone, télécopie). Le modèle des fiches de déclaration peut être téléchargé sur le site internet de l’Institut de veille sanitaire (www.invs.sante.fr).

    Les maladies qui justifient une intervention urgente à savoir toutes les maladies à déclaration obligatoire à l’exception de l’infection par le VIH, de l’infection aiguë symptomatique par le virus de l’hépatite B du tétanos et  des mésothéliomes sont à signaler. La procédure de signalement permet au médecin de l’ARS de réagir rapidement et de mettre en place les mesures de prévention individuelle et collective autour des cas, et le cas échéant, de déclencher des investigations pour identifier l’origine de la contamination et agir pour la réduire.

    Dans ce cadre, les données transmises par les déclarants peuvent être nominatives. Ces données nominatives ne doivent pas être conservées au-delà du temps nécessaire à l’investigation et à l’intervention.

    1. la procédure de notification anonymisée (article R.3113-2 du code de la santé publique)

    Elle concerne toutes les maladies à déclaration obligatoire et est entourée de garanties pour la protection de l’anonymat et la protection des données, autorisées par la CNIL (délibération n°02-082 du 19 novembre 2002).

    Les données d’identification de la personne sont codées :

    • soit à la source, par le biologiste ou le médecin déclarant pour l’infection par le VIH, pour l’infection aiguë symptomatique par le virus de l’hépatite B, pour le tétanos et  pour les mésothéliomes,
    • soit par le médecin de l’ARS qui reçoit la notification pour les autres maladies à déclaration obligatoire.
       

    Un code d’anonymat à 16 caractères est établi par codage informatique irréversible de l’initiale du nom, du prénom, de la date de naissance et du sexe de la personne. Toutes les fiches de notification qui sont transmises à l’InVS portent ce code.

    Une seconde anonymisation est effectuée par l’InVS au moment de la saisie des fiches dans les bases de données nationales des maladies à déclaration obligatoire. Cette seconde anonymisation établit un index à partir du premier code d’anonymat et d’une clé secrète détenue par l’InVS. Elle rompt définitivement la possibilité de faire le lien entre la personne et les données la concernant.

    La correspondance entre le code d’anonymat et l’identité de la personne est établie, selon les maladies, par le médecin déclarant ou le médecin de l’ARS, pour permettre la validation de la fiche de notification et le droit d’accès de la personne aux données les concernant. Cette correspondance est détruite six mois après la date de notification portée sur la fiche.

    Les coordonnées des déclarants figurant sur les fiches de notification ne sont pas saisies dans les bases de données nationales et sont détruites sur les fiches six mois après la date de notification.

    La transmission des fiches de notification des déclarants à l’ARS et, de celle-ci à l’InVS, se fait par voie postale, sous pli confidentiel avec la mention « secret médical ».

    Toutes les personnes qui traitent ces informations sont soumises au secret professionnel. 

    d) Admission en soins psychiatriques (article L.3212-1 à L. 3213-10 du code de la santé publique)

    • Admission en soins psychiatriques à  la demande d’un tiers (article L.3212-1)

    Elle est prononcée lorsque les troubles mentaux de la personne rendent impossible son consentement et que l’état mental de la personne impose des soins immédiats assortis, soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit  d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous une autre forme qu’une hospitalisation complète. Les deux critères sont cumulatifs.

    Le tiers demandeur peut être un membre de la famille ou une personne justifiant de relations avec le patient antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci (dont le tuteur ou le curateur s’ils satisfont ces conditions), à l’exception des personnels soignants qui exercent dans l’établissement d’accueil.

    Deux certificats circonstanciés, attestant que les conditions prévues sont remplies et datant de moins de quinze jours sont exigés :

    • le premier doit être impérativement établi par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le patient ; il constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins ;
    • le deuxième, confirmant le premier, peut émaner d’un médecin exerçant  dans l’établissement accueillant le patient.

    Les médecins ne peuvent être parents ou alliés, ni entre eux, ni du directeur de l’établissement, ni de la personne ayant fait la demande, ni de la personne hospitalisée.

    En cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité de la personne malade, le directeur de l’établissement d’accueil peut, à titre exceptionnel, prononcer l’admission au vu d’un seul certificat émanant, le cas échéant, d’un médecin exerçant dans l’établissement. Dans ce cas les certificats établis après l’admission (24 h et 72 h) devront émaner de deux psychiatres distincts (article L. 3212-3.)

    • Admission en cas de péril imminent (article L. 3212-1, II-2°)

    Lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir la demande d’un tiers et qu’il existe un péril imminent pour la santé de la personne dûment constaté, l’admission peut être prononcée au vu d’un seul certificat. Le certificat constate l’état mental de la personne, indique les caractéristiques de la maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il est établi par un médecin extérieur à l’établissement d’accueil qui  n’est ni parent ni apparenté au patient ou au directeur de l’établissement d’accueil. Les certificats établis après l’admission (24 h et 72 h) devront émaner de deux psychiatres distincts.

    • Admission sur décision du représentant de l’Etat (article L. 3213-1)

    Elle est prononcée par arrêté du représentant de l’Etat dans le département, au vu d’un certificat médical circonstancié lorsque les troubles mentaux du patient nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.

    Le certificat ne peut pas être rédigé par un psychiatre de l’établissement d’accueil.

    En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical  ou, à défaut, par la notoriété publique, des mesures provisoires peuvent être arrêtées par le maire (à Paris, les commissaires de police) à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes.

    e) Sauvegarde de justice (article 434 code civil ; article L.3211-6 du code de la santé publique)

    Article L.3211-6, 1er alinéa : « Le médecin qui constate que la personne à laquelle il donne ses soins a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425 du code civil, d'être protégée dans les actes de la vie civile peut en faire la déclaration au procureur de la République du lieu de traitement. Cette déclaration a pour effet de placer le malade sous sauvegarde de justice si elle est accompagnée de l'avis conforme d'un psychiatre

    Article L.3211-6, 2ème alinéa : « Lorsqu'une personne est soignée dans un établissement de santé, le médecin est tenu, s'il constate que cette personne se trouve dans la situation prévue à l'alinéa précédent, d'en faire la déclaration au procureur de la République du lieu de traitement. Cette déclaration a pour effet de placer le malade sous sauvegarde de justice. Le représentant de l'Etat dans le département doit être informé par le procureur de la mise sous sauvegarde. »

    Cette mesure est prise pour une durée n’excédant pas un an, renouvelable une fois. Le renouvellement ne peut intervenir que par voie judiciaire.

    f) Accidents du travail et maladies professionnelles (articles L.441-6 et L.461-5 du code de la sécurité sociale)

    Le praticien qui donne des soins à la victime d'un accident du travail doit établir un certificat initial indiquant l'état de celle-ci, le siège, la nature et la localisation des lésions ainsi que les conséquences de l'accident ou ses suites éventuelles. Les deux premiers volets du formulaire CERFA sont adressés à la caisse d’assurance maladie. Le patient conserve le troisième volet et en cas d’arrêt de travail, adresse le quatrième volet à l’employeur. Un certificat détaillé doit être établi en cas de prolongation, de rechute, de guérison ou de consolidation.

    Le même formulaire est utilisé pour les maladies professionnelles.

    En vue tant de la prévention des maladies professionnelles que d’une meilleure connaissance de la pathologie professionnelle, est obligatoire, pour tout médecin qui peut en connaître l’existence, notamment les médecins du travail, la déclaration de tout symptôme d’imprégnation toxique et de toute maladie, lorsqu’ils ont un caractère professionnel (article L.461-6 du code de la sécurité sociale).

    La déclaration de maladie à caractère professionnel, contrairement à la maladie professionnelle, n’ouvre aucun droit pour le patient. Adressée, pour respecter le secret professionnel, au Médecin Inspecteur Régional du Travail et de la Main d’œuvre (MIRTMO), elle déclenche une enquête de l’inspection du travail.

    g) Pensions civiles et militaires de retraite et d’invalidité

    Article L.31 du code des pensions civiles et militaires de retraite: «La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciées par une commission de réforme selon des modalités fixées par un règlement d'administration publique.

    Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances.

    Nonobstant toutes dispositions contraires, et notamment celles relatives au secret professionnel, tous renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis par le présent chapitre pourront être communiqués sur leur demande aux services administratifs placés sous l'autorité des ministres auxquels appartient le pouvoir de décision et dont les agents sont eux-mêmes tenus au secret professionnel

    Les termes «pourront être communiqués» doivent s'entendre comme une obligation faite aux médecins de donner les renseignements demandés (avis du Conseil d'Etat du 19 mars 1963).

    h) Procédures d’indemnisation

    Plusieurs dispositions législatives ont prévu des procédures particulières d’indemnisation en cas de dommage survenu à un patient. Au cours de l’instruction des dossiers, le fonds d’indemnisation ou la commission concernée peut être amené à demander aux médecins qui ont pris la personne en charge, la communication de documents médicaux.

    Il en va ainsi pour :

    • Les personnes contaminées par le VIH à l’occasion d’une transfusion.

    Le fonds d’indemnisation « recherche les circonstances de la contamination et procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. » (article L.3122-2, 4ème alinéa du code de la santé publique) ;

    • Les personnes victimes de l’amiante

    Le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA) « recherche les circonstances de l’exposition à l’amiante et ses conséquences sur l’état de santé de la victime ; il procède ou fait procéder à toute investigation et expertises utiles sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou industriel. » (article 53, III de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001, modifiée).

    • Les personnes victimes ou s’estimant victimes d’un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins.

    La Commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI) chargée de faciliter le règlement amiable des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales, diligente une expertise. Elle « peut obtenir communication de tout document, y compris d’ordre médical ». (article L.1142-9 du code de la santé publique).

    « Dans le cadre de sa mission, le collège d’experts ou l’expert peut effectuer toute investigation et demander aux parties et aux tiers la communication de tout document sans que puisse lui être opposé le secret médical ou professionnel, s’agissant de professionnels de santé ou de personnels d’établissements, de services de santé ou d’autres organismes visés à l’article L.1142-1. Les experts qui ont à connaître de ces documents sont tenus au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. » (article L.1142-12, 5ème alinéa du code de la santé publique).

    • Les victimes des essais nucléaires français

    Le Comité d’Indemnisation des Victimes d’Essais Nucléaires (CIVEN) « procède ou fait procéder à toute investigation scientifique ou médicale utile, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. » (article 4, II de la loi n°2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français).

    i) Protection de la santé des sportifs et lutte contre le dopage

    Article L.232-3 du code du sport : «Le médecin qui est amené à déceler des signes évoquant une pratique de dopage :

    1° est tenu de refuser la délivrance d'un des certificats médicaux définis aux articles L.231-2, L.231-2-1 et L.231-2-2 ;

    2° informe son patient des risques qu'il court et lui propose soit de le diriger vers l'une des antennes médicales mentionnées à l'article L.232-1, soit, en liaison avec celle-ci et en fonction des nécessités, de lui prescrire des examens, un traitement ou un suivi médical ;

    3° transmet obligatoirement au médecin responsable de l'antenne médicale mentionnée à l'article L.232-1, les constatations qu'il a faites et informe son patient de cette obligation de transmission. Cette transmission est couverte par le secret médical».

    La méconnaissance de l'obligation de transmission est passible de sanction disciplinaire.

    j) Sécurité, veille et alerte sanitaires

    A la demande de l’Institut de veille sanitaire, toute personne physique et morale est tenue de lui communiquer toute information en sa possession, relative aux risques pour la santé humaine (articles L.1413-4 et L.1413-5 du code de la santé publique).

    Lorsque ces informations sont couvertes par le secret médical (articles R.1413-21, R.1413-22 et R.1413-23 du code de la santé publique), elles sont adressées à un médecin désigné pour les recevoir, sous double enveloppe, celle placée à l’intérieur devant porter la mention « secret médical ».

    Elles sont télétransmises, sous forme chiffrée, après apposition de sa signature électronique par le médecin destinataire de la demande.

    B - Permissions de la loi

    a) Sévices ou privations infligés à un mineur ou à une personne incapable de se protéger (article 226-14, 2° du code pénal).

    Cet article autorise les médecins qui en ont connaissance à dénoncer les sévices ou privations. Le rapprochement de ces dispositions avec celles de l'article 434-3 (voir note [1]) réprimant la non-dénonciation des sévices et qui exclut expressément leur application aux personnes tenues au secret professionnel montre clairement qu'il ne s'agit pas d'une obligation de dénonciation pour le médecin.

    Ce n’est pas l’objection du secret professionnel qui peut retenir le médecin. Mais la difficulté d’appréciation de la situation peut le conduire au moins temporairement, à préférer d’autres mesures (hospitalisation par exemple) que le signalement.

    Il convient de rappeler qu'en cas de constat de sévices infligés à un mineur ou à une personne vulnérable un médecin ne saurait rester passif sans encourir les peines prévues à l'article 223-6 du code pénal réprimant la non-assistance à personne en danger.

    Qui prévenir ? Le procureur de la République ou le substitut, notamment en situation d'urgence. Un modèle de signalement est disponible sur le site internet du Conseil national.

    Le médecin n’encourt aucune poursuite disciplinaire du fait d’un signalement adressé aux autorités compétentes et dans les conditions fixées à l’article 226-14 du code pénal.

    b) Protection des mineurs en danger ou risquant de l’être.

    La loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance donne un cadre légal au partage des informations préoccupantes concernant les enfants en danger ou en risque de danger, entre les professionnels chargés de la protection de l’enfance.

    Article L.226-2-2 du code de l’action sociale et des familles : « Par exception à l’article 226-13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel qui mettent en œuvre la politique de protection de l’enfant définie à l’article L.112-3 ou qui lui apportent leur concours sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d’évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en œuvre les actions de protection dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier. Le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l’accomplissement de la mission de protection de l’enfance. Le père, la mère, toute autre personne exerçant l’autorité parentale, le tuteur, l’enfant en fonction de son âge et de sa maturité sont préalablement informés, selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l’intérêt de l’enfant. »

    La Cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation de l’information préoccupante (CRIP) rassemble et analyse les informations y compris médicales qui lui parviennent et qui laissent craindre que la santé, la sécurité du mineur sont en danger ou que les conditions de son éducation, de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises.

    Les informations à caractère médical restent couvertes par le secret médical mais doivent pouvoir faire l’objet d’échanges entre médecins.

    Lorsque le danger présente un caractère de gravité et/ou d’urgence, le médecin procède à un signalement auprès du procureur de la République dans les conditions décrites plus haut.

    c) Sévices permettant de présumer de la commission de violences sur une personne majeure (article 226-14, 2° du code pénal)

    Cette déclaration ne peut être faite auprès du procureur de la République qu'avec l'accord de la victime, majeure.

    Le certificat descriptif, avec mention éventuelle de l'état psychologique, doit être remis à la victime. Il sera opportun de la diriger, si possible, vers une unité médico-judiciaire.

    d) Dangerosité pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes connues du médecin pour être détentrices d’une arme à feu ou ayant manifesté leur intention d’en acquérir une (article 226-14, 3° du code pénal)

    Le médecin est autorisé à faire un signalement à l’autorité administrative.

    e) Evaluation et plan personnalisé de compensation du handicap

    Selon l’article L. 241-10 du code de l’action sociale et des familles, récemment modifié et par exception à l’article 226-13 du code pénal, les membres de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH peuvent :

    • dans la limite de leurs attributions, échanger entre eux tous éléments ou informations à caractère secret dès lors que leur transmission est strictement limitée à ceux qui sont nécessaires à l’évaluation de la situation individuelle de la personne handicapée et à l’élaboration de son plan personnalisé de compensation du handicap ;
    • communiquer aux membres de la CDAPH tous éléments ou informations à caractère secret dès lors que leur transmission est strictement limitée à ceux qui sont nécessaires à la prise de décision ;
    • échanger avec les professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux où elle est accueillie les informations nécessaires relatives à la situation de la personne handicapée, dès lors que celle-ci ou son représentant légal dûment averti à donné son accord.

     
    f) Evaluation de l'activité des établissements de santé

    L'article L.6113-7 du code de la santé publique prévoit que pour procéder à l'analyse de leur activité, les établissements de santé mettent en œuvre des systèmes d'information qui tiennent compte notamment des pathologies et des modes de prise en charge.

    Les praticiens exerçant dans ces établissements transmettent les données médicales nominatives nécessaires à l'analyse de l'activité et à la facturation de celle-ci au médecin DIM responsable de l'information médicale pour l'établissement, dans des conditions fixées par décret (voir note [2]). Les échanges d'informations entre les établissements de santé, l'Etat et les organismes d'assurance maladie sont eux-mêmes réglementés (voir note [3]).

    g) Recherches dans le domaine de la santé

    Les traitements de données à caractère personnel ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé sont régis par le chapitre IX de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. L'article 55 prévoit :

    «Nonobstant les règles relatives au secret professionnel, les membres des professions de santé peuvent transmettre les données à caractère personnel qu'ils détiennent dans le cadre d'un traitement de données autorisé en application de l’article 53».

    Les personnes auprès desquelles sont recueillies des données à caractère personnel ou à propos desquelles de telles données sont transmises doivent, avant le début du traitement, être individuellement informées de la nature des informations transmises, de leur destinataire, de la finalité du traitement. Elles ont un droit d’accès et de rectification. Toute personne peut s’opposer à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement.

    Les données à caractère personnel doivent être codées avant leur transmission ; toutefois il peut être dérogé à ce principe pour certaines recherches (études de pharmacovigilance, protocoles de recherche réalisées dans le cadre d’études coopératives nationales et internationales, particularités de la recherche) sur autorisation motivée de la CNIL, donnée après avis du comité consultatif pour le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé.

    La présentation des résultats du traitement de ces données ne peut en aucun cas permettre l’identification directe ou indirecte des personnes concernées.

    h) Evaluation ou analyse des activités de soins et de prévention

    La loi n° 2004-801 du 6 août 2004 a complété la loi « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978 d'un chapitre X relatif au traitement des données personnelles de santé à des fins d'évaluation ou d'analyse des activités de soins et de prévention.

    L'article  63 prévoit : « Les données issues des systèmes d'information visés à l'article L. 6113-7 du code de la santé publique, celles issues des dossiers médicaux détenus dans le cadre de l'exercice libéral des professions de santé, ainsi que celles issues des systèmes d'information des caisses d'assurance maladie ne peuvent être communiquées à des fins statistiques d'évaluation ou d'analyse des pratiques et des activités de soins et de prévention, que sous la forme de statistiques agrégées ou de données par patient constituées de telle sorte que les personnes concernées ne puissent être identifiées.

    Il ne peut être dérogé aux dispositions de l'alinéa précédent que sur autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés dans les conditions prévues aux articles  64 à 66. Dans ce cas, les données utilisées ne comportent ni le nom, ni le prénom des personnes, ni leur numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques. »

    Conformément à l'article 64, la Commission nationale de l'informatique et des libertés a pour mission notamment de s'assurer de la nécessité de recourir à des données à caractère personnel et de la pertinence du traitement au regard de la finalité déclarée d'évaluation ou d'analyse des pratiques ou des activités de soins et de prévention. Elle vérifie que les données à caractère personnel dont le traitement est envisagé ne comportent ni le nom, ni le prénom des personnes concernées, ni leur numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques. Elle peut interdire la communication des informations par l'organisme qui les détient si le demandeur n'apporte pas d'éléments suffisants attestant de la nécessité de disposer de certaines données parmi l'ensemble de celles dont le traitement est envisagé.

    Il est rappelé (article 66) que les personnes qui procèdent à ces traitements sont soumises au secret professionnel dans les conditions de l'article 226-13 du code pénal et que les résultats des traitements ne peuvent faire l'objet d'une communication, d'une publication ou d'une diffusion que si l'identification des personnes sur l'état desquelles les données ont été recueillies est impossible.

    i) Accès aux informations de santé nominatives

     Les médecins de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), les médecins inspecteurs de santé publique, les inspecteurs de l’ARS ayant la qualité de médecin (article L.1112-1 du code de la santé publique), les médecins-conseils des services du contrôle médical (article L.315, V du code de la sécurité sociale) et les médecins experts de la Haute Autorité de Santé (article L.1414-4 du code de la santé publique), les inspecteurs, médecins, de la radioprotection (article L.1333-19 du code de la santé publique) n’ont accès aux données de santé à caractère personnel que si elles sont strictement nécessaires à l’exercice de leur mission, dans le respect du secret médical.

     2 – JURISPRUDENCE

    La loi n°2002-303 du 4 mars 2002 a prévu que les héritiers puissent accéder aux informations médicales concernant une personne décédée, qui leur sont nécessaires pour faire valoir leurs droits  (articles L. 1110-4 et R. 1111-7 du code de la santé publique).

    Il existe par ailleurs une jurisprudence particulière et antérieure à cette loi concernant les rentes viagères et les testaments :

    a) Rentes viagères

    Selon l'article 1975 du code civil, un contrat de rente viagère est nul lorsque la personne bénéficiant de la rente meurt, dans les vingt jours de la date du contrat, de la maladie dont elle était atteinte au moment de la signature.

    Les héritiers désirant faire prononcer la nullité d'une rente viagère dans ces conditions s'adressent au médecin pour apporter la preuve de l'existence d'une affection préexistante. La Cour de Cassation (Civ., 12 février 1963) a admis que le médecin traitant du défunt pouvait sans violer le secret professionnel délivrer un certificat pour dire (sans indiquer la maladie et sans donner de détails) si l'affection ayant entraîné la mort existait à la date de la signature du contrat.

    b)Testaments

    Lorsque les héritiers contestent le testament qui les a désavantagés, et cherchent à prouver que les facultés mentales du testateur étaient altérées au moment de la signature de l'acte, ils s'adressent au médecin traitant. La Cour de cassation (Civ. 1, 26 mai 1964) a pu tenir compte du témoignage du médecin relatif aux facultés mentales du testateur.

    DEROGATIONS AU SECRET PROFESSIONNEL

    DEROGATIONS LEGALES

    JURISPRUDENCE

    Déclarations obligatoires

    Permissions de la loi

     

    - naissances
    - décès
    - maladies contagieuses
    - soins psychiatriques : sur demande d'un tiers, du représentant de l’Etat
    - sauvegarde de justice
    - accidents du travail et maladies professionnelles
    - pensions civiles et militaires de retraite
    - indemnisation de personnes  victimes d’un dommage,VIH, amiante…
    - dopage
    - sécurité, veille, alerte sanitaires

    - sévices ou privations infligés à un mineur ou à une personne incapable de se protéger
    - sévices permettant de présumer de violences sexuelles etc.
    - recherches dans le domaine de la santé
    - évaluation de l’activité des établissements de santé
    - dangerosité d’un patient détenteur d’une arme à feu.

    -rentes viagères

    - testaments


    ([1]) R. VILLEY «Histoire du secret médical » Paris : Seghers, 1986. B. HOERNI B. - BENEZECH M., « Le secret médical - Confidentialité et discrétion en médecine », Paris : Masson, 1996.

    ([2]) B. HOERNI «  Ethique et déontologie médicale », 2ème édition Masson – Juin 2000

    ([3]) Article L.6323-3 du code de la santé publique : « La maison de santé est une personne morale constituée entre des professionnels médicaux, auxiliaires médicaux ou pharmaciens.

    Ils assurent des activités de soins sans hébergement de premier recours au sens de l'article L. 1411-11 et, le cas échéant, de second recours au sens de l'article L. 1411-12 et peuvent participer à des actions de santé publique, de prévention, d'éducation pour la santé et à des actions sociales dans le cadre du projet de santé qu'ils élaborent et dans le respect d'un cahier des charges déterminé par arrêté du ministre chargé de la santé.

    Le projet de santé est compatible avec les orientations des schémas régionaux mentionnés à l'article L. 1434-2. Il est transmis pour information à l'agence régionale de santé. Ce projet de santé est signé par chacun des professionnels de santé membres de la maison de santé. Il peut également être signé par toute personne dont la participation aux actions envisagées est explicitement prévue par le projet de santé. »

    ([4]) L. RENE, Rapport de la Commission de réflexion sur le secret professionnel appliqué aux acteurs du système de soins - Mars 1994

    ([5]) I. KAHN-BENSAUDE et J.-M. FAROUDJA «La protection de l’enfance : signalement et information préoccupante », rapport adopté lors de la session du Conseil national de l’Ordre des médecins le 8 octobre 2010

    ([6]) P. VALLERY-RADOT « Médecine à l'échelle humaine ». Paris : A. Fayard, 1959

    ([7]) L. RENE, Rapport de la Commission de réflexion sur le secret professionnel appliqué aux acteurs du système de soins - Mars 1994.

    ([8]) Article 60 du code de procédure pénale :« S'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, l'officier de police judiciaire a recours à toutes personnes qualifiées 

    Sauf si elles sont inscrites sur une des listes prévues à l'article 157, les personnes ainsi appelées prêtent, par écrit, serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience.

    Les personnes désignées pour procéder aux examens techniques ou scientifiques peuvent procéder à l'ouverture des scellés. Elles en dressent inventaire et en font mention dans un rapport établi conformément aux dispositions des articles 163 et 166. Elles peuvent communiquer oralement leurs conclusions aux enquêteurs en cas d'urgence.

    Sur instructions du procureur de la République, l'officier de police judiciaire donne connaissance des résultats des examens techniques et scientifiques aux personnes à l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction, ainsi qu'aux victimes. »

    ([9]) Article 77-1 du code de procédure pénale : « S'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier de police judiciaire, a recours à toutes personnes qualifiées.

    Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 60 sont applicables. »

    ([10]) Article L.4163-7 du code de la santé publique : « Est puni de 3750 euros d'amende le fait :

    1° D'exercer la médecine, l'art dentaire ou la profession de sage-femme sans avoir fait enregistrer ou réenregistrer son diplôme en violation des dispositions de l'article L. 4113-1 ;

    2° Pour un médecin, de ne pas déférer aux réquisitions de l'autorité publique ».

    ([11]) Article 96 du code de procédure pénale : « Si la perquisition a lieu dans un domicile autre que celui de la personne mise en examen, la personne chez laquelle elle doit s'effectuer est invitée à y assister. Si cette personne est absente ou refuse d'y assister, la perquisition a lieu en présence de deux de ses parents ou alliés présents sur les lieux, ou à défaut, en présence de deux témoins.

    Le juge d'instruction doit se conformer aux dispositions des articles 57 (alinéa 2) et 59.

    Toutefois, il a l'obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense.

    Les dispositions des articles 56 et 56-1 à 56-4 sont applicables aux perquisitions effectuées par le juge d'instruction. »

    Article 97 : « Lorsqu'il y a lieu, en cours d'information, de rechercher des documents ou des données informatiques et sous réserve des nécessités de l'information et du respect, le cas échéant, de l'obligation stipulée par l'alinéa 3 de l'article précédent, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire par lui commis a seul le droit d'en prendre connaissance avant de procéder à la saisie.

    Tous les objets, documents ou données informatiques placés sous main de justice sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés. Cependant, si leur inventaire sur place présente des difficultés, l'officier de police judiciaire procède comme il est dit au quatrième alinéa de l'article 56.

    Il est procédé à la saisie des données informatiques nécessaires à la manifestation de la vérité en plaçant sous main de justice soit le support physique de ces données, soit une copie réalisée en présence des personnes qui assistent à la perquisition.

    Si une copie est réalisée dans le cadre de cette procédure, il peut être procédé, sur ordre du juge d'instruction, à l'effacement définitif, sur le support physique qui n'a pas été placé sous main de justice, des données informatiques dont la détention ou l'usage est illégal ou dangereux pour la sécurité des personnes ou des biens.

    Avec l'accord du juge d'instruction, l'officier de police judiciaire ne maintient que la saisie des objets, documents et données informatiques utiles à la manifestation de la vérité, ainsi que des biens dont la confiscation est prévue à l’article 131-21 du code pénal.

    Lorsque ces scellés sont fermés, ils ne peuvent être ouverts et les documents dépouillés qu'en présence de la personne, assistée de son avocat, ou eux dûment appelés. Le tiers chez lequel la saisie a été faite est également invité à assister à cette opération.… »

    ([12]) Crim. 8 avril 1998, n°97-83656

    ([13]) Lorsque le patient est un fonctionnaire, seuls les volets 2 et 3 du certificat qui ne comportent pas de mentions médicales sont transmis au service du personnel. Le volet 1, conservé par le fonctionnaire, devra être présenté à toute requête du médecin agréé par l’administration, notamment en cas de contre-visite – circulaire FPPA0300112C du 24 juillet 2003.

    ([14]) F. STEFANI «Formulaires médicaux et assurances », Rapport adopté lors de la session du Conseil national de l’Ordre des médecins de septembre 2007

    ([15]) Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, en particulier art. 38 et 40 ; Cadoux L., Vulliet-Tavernier S., Secret médical et informatique, Conseil d'État, Rapport public, 1998, Études et Documents n° 49 

    ([16]) Articles R.1110-1 à R.1110-3 du code de la santé publique

    ([1]7) Livre blancs sur l’informatisation de la santé – mai 2008 ; sur la télémédecine – janvier 2009 ; sur la dématérialisation des documents médicaux – juin 2010

     ([1]8) L. RENE, Rapport de la Commission de réflexion sur le secret professionnel appliqué aux acteurs du système de soins - Mars 1994.

    ([19]) CAA Nantes, 15 octobre 2009, G- n°09NT00165 : « Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, hospitalisé du 23 mai au 7 juin 2006 dans le service de dermatologie du CHU de Caen, a exprimé formellement, dès son arrivée dans le service, son opposition à ce que ses parents soient informés de sa séropositivité au virus de l'immunodéficience humaine ; que si cette demande du patient a été prise en compte par l'équipe médicale, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que le 30 mai 2006, la mère de M. X, venue rendre visite à son fils, a pu, alors qu'une infirmière dispensait des soins à celui-ci, prendre connaissance de la feuille de soins, mentionnant sa séropositivité, déposée sur un chariot laissé dans le couloir ; qu'alors même que ladite fiche aurait été placée, ainsi que le soutient le centre hospitalier, sous le cahier des soins infirmiers, il est constant que les documents médicaux confidentiels posés sur le chariot sont restés sans surveillance dans le couloir ; que la possibilité ainsi laissée par l'établissement hospitalier, aux personnes étrangères au service, d'accéder aisément à des documents médicaux couverts par le secret médical est constitutive, dans les circonstances de l'espèce, d'un défaut d'organisation du service engageant la responsabilité du CHU de Caen à l'égard de M. X »

    ([20]) Article L.6113-7 du code de la santé publique

    ([21]) Article L. 6141-5 du code de la santé publique, alinéas 3 et 4 : « Dès lors qu'il existe un risque sérieux pour la sécurité des personnes au sein des établissements mentionnés au premier alinéa du présent article, les personnels soignants intervenant au sein de ces établissements et ayant connaissance de ce risque sont tenus de le signaler dans les plus brefs délais au directeur de l'établissement en lui transmettant, dans le respect des dispositions relatives au secret médical, les informations utiles à la mise en œuvre de mesures de protection.
    Les mêmes obligations sont applicables aux personnels soignants intervenant au sein des établissements pénitentiaires ».

    ([22]) Article 434-3 du code pénal :  « Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13. »

    Comme l'indique la circulaire du 14 mai 1993 commentant les dispositions de la partie législative du nouveau code pénal et les dispositions de la loi du 16 décembre 1992 relative à son entrée en vigueur : « En excluant expressément des dispositions de l'article 434-3 les personnes tenues au secret professionnel, ce qui implique que la décision de signalement est laissée à la seule conscience de ces personnes, le législateur a notamment pensé à la situation des médecins. Il a ainsi estimé que ces derniers ne devaient pas être obligés, sous peine de sanctions pénales, de signaler des mauvais traitements, afin d'éviter que les auteurs des sévices n'hésitent à faire prodiguer à l'enfant les soins nécessaires par crainte d'être dénoncés. Il convient néanmoins de rappeler que les dispositions de l'article 223-6 du nouveau code réprimant la non-assistance à personne en péril sont applicables aux personnes soumises au secret professionnel et qu'en cas de mauvais traitements mettant en danger la vie ou l'intégrité physique d'un mineur ou d'une personne vulnérable, un médecin ne saurait rester passif sans encourir les peines prévues par cet article. La non-application de l'article 434-3 ne justifie donc pas l'absence de toute intervention de la part du médecin. Cette intervention peut revêtir diverses formes, et avoir par exemple pour objet l'hospitalisation de la victime. Mais elle peut également consister en un signalement aux autorités administratives ou judiciaires, puisque l'article 226-14 lève le secret professionnel dans cette hypothèse. »

     ([23]) Articles R.6113-1 à R.6113-11 du code de la santé publique

     ([24]) Il s'est avéré qu'il n'était pas possible d'éliminer totalement le risque d'identification d'une personne dans le fichier comprenant l'ensemble des séjours d'un établissement. En conséquence la rédaction de l'art. L.6113-8 du code de la santé publique a été modifiée: « Les établissements de santé transmettent aux agences régionales de santé, à l'Etat ou à la personne publique qu'il désigne et aux organismes d'assurance maladie les informations relatives à leurs moyens de fonctionnement, à leur activité, à leurs données sanitaires, démographiques et sociales qui sont nécessaires à l'élaboration et à la révision du projet régional de santé, à la détermination de leurs ressources, à l'évaluation de la qualité des soins, à la veille et la vigilance sanitaires, ainsi qu'au contrôle de leur activité de soins et de leur facturation.

    Les destinataires des informations mentionnées à l'alinéa précédent mettent en œuvre, sous le contrôle de l'Etat au plan national et des agences au plan régional, un système commun d'informations respectant l'anonymat des patients, ou, à défaut, ne comportant ni leur nom, ni leur prénom, ni leur numéro d'inscription au Répertoire national d'identification des personnes physiques, et dont les conditions d'élaboration et d'accessibilité aux tiers, notamment aux établissements de santé publics et privés, sont définies par voie réglementaire. (…) »

  • Article 5 - Indépendance professionnelle

    Article 5 (article R.4127-5 du code de la santé publique)

    Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit.

    Cette indépendance est acquise quand chacun de ses actes professionnels est déterminé seulement par le jugement de sa conscience et les références à ses connaissances scientifiques, avec, comme seul objectif, l'intérêt du patient.

    1 - Principe général

    Quand il s'adresse à un médecin, le patient a le droit d'être assuré qu'il trouvera en lui quelqu'un qui va l'écouter et le secourir, sans autre préoccupation que de lui rendre les services qu'il peut lui apporter.

    L'indépendance professionnelle fonde la confiance du patient. Son corollaire est la responsabilité personnelle du médecin.

    Indépendance, confiance, responsabilité, constituent les éléments essentiels du contrat tacite qui lie le patient et son médecin. Le contrat ne serait pas loyal si le médecin se disposait à agir sous d'autres influences que l'intérêt du patient (voir note [1]). Cette indépendance constitue ainsi un droit du patient. Pourtant, si l'indépendance du médecin est rarement contestée - tant il est naturel et semble évident que le médecin agisse et décide selon sa conscience pour soulager, guérir, prévenir - l'histoire apprend qu'elle fut souvent menacée, y compris en Europe, et qu'elle peut encore l'être à l'heure actuelle dans le monde.

    En France, ce droit des patients a été confirmé à maintes reprises. L'article L.162-2 du code de la sécurité sociale dispose que « dans l'intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d'exercice et de l'indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré... »

    Bien qu'admise et confirmée dans son principe, l'indépendance du médecin reste cependant toujours menacée dans ses applications. Si elle constitue un élément fondamental de la morale médicale, et donc un des piliers de la déontologie ainsi qu'une condition psychologique indispensable de la confiance des patients, la recherche de leurs intérêts peut se trouver limitée par les exigences de la vie sociale.

    2 - Indépendance et connaissances médicales

    Aussi nécessaire soit-elle, cette indépendance n'est pas totale. Pour faire bénéficier le patient des meilleurs soins, le médecin doit tenir compte de l'état de la science médicale. Ses données, devenues complexes, sont de plus en plus formalisées et susceptibles d'aider le médecin dans ses décisions. Il va de soi que les indications qui en découlent ne s'imposent pas sans nuance. Ce sont des indications générales qui seront habituellement suivies. Elles peuvent cependant être inapplicables à un patient pour des raisons particulières et le médecin pourra alors s'en affranchir, de préférence en le justifiant.

    3 - Relativité de l'indépendance des médecins entre eux

    Les transformations de l'exercice en général et les modes pratiques de cet exercice multiplient les circonstances dans lesquelles s'exerce le droit des patients à l'indépendance des médecins. C'est le cas de la médecine d'équipe où "chacun des praticiens assume ses responsabilités personnelles" et "peut librement refuser de prêter son concours ou le retirer" (article 64 - voir note [2]). C'est également la situation des médecins associés dont le contrat écrit doit respecter "l'indépendance professionnelle de chacun d'eux" (article 91 al.1), obligation qui s'étend aux médecins associés ou non dans leurs rapports avec les autres professionnels de santé (article 68).

    Des conflits peuvent survenir dans des circonstances très variées. Les situations doivent toujours être abordées en fonction de l'intérêt direct et immédiat du patient. À défaut d'entente directe entre eux, les médecins doivent demander au conseil départemental une conciliation (article 56).

    4 - Indépendance et structure de soins

    Intimement liées, l'indépendance et la responsabilité ne sont pas identiques lors d’une hospitalisation en secteur privé ou public (article 8).

    En milieu privé, l'indépendance du praticien est confrontée à des facteurs financiers : limitation quantitative et surtout qualitative de certaines prescriptions en raison de leur coût, choix dans les pathologies à traiter. La plus grande menace pour l'indépendance est constituée par des contrats léonins, ce qui a justifié la rédaction de l'article 92 mettant en garde le praticien contre les dérives de rentabilité.

    À l'hôpital public, l'organisation des soins, la hiérarchisation de la responsabilité peuvent porter atteinte au principe de l'indépendance individuelle du praticien ; le travail en équipe, son caractère pluridisciplinaire y contribuent souvent. Pour ces raisons, la notion de faute de service dans la responsabilité administrative peut l'emporter sur celle d'indépendance.

    Si dans tout établissement de santé les obligations déontologiques restent identiques dans leurs principes et peuvent faire l'objet d'un recours d'ordre disciplinaire, les conséquences fautives des décisions et des actes médicaux conduisent à des procédures différentes selon l'établissement : tribunal administratif pour les établissements publics, tribunaux civils pour les établissements privés.

    Dans la pratique en réseau (voir note [3]), l'indépendance du médecin est fondamentale mais ne saurait être utopique. Elle doit tenir compte des réalités, c'est-à-dire de l'ensemble constitué structurellement par l'équipe soignante (médecins, auxiliaires médicaux et médico-sociaux) et les établissements de santé, publics ou privés. L'important est qu'aucun intérêt ne l'emporte, dans les décisions des médecins ou autres soignants, sur l'intérêt premier du patient.

    5 - Indépendance et structures administratives ou organismes privés

    Un médecin ne doit pas accepter une position subordonnée telle que sa liberté de jugement et d'action puisse se trouver amputée ou orientée. À une époque où le besoin de sécurité développe des formes nouvelles d'exercice, le corps médical doit continuer à préserver son indépendance professionnelle, sans en sacrifier une partie pour une meilleure stabilité personnelle. Dans cet esprit, l'Ordre est consulté pour avis avant la mise en application de toute convention engageant la profession et ses rapports avec les organismes de protection sociale.

    S'il existe, plus ou moins apparent, au niveau des établissements de santé, le risque de subordination reste important pour la médecine salariée. Ce mode de rémunération a tendance à se développer, y compris sous forme vacataire et pour des raisons de convenance personnelle. Mais la subordination dans la décision médicale est inadmissible. L'absence de clause garantissant l'indépendance professionnelle (clause considérée comme "essentielle" et confirmée par le Conseil d'Etat) est une cause de nullité déontologique du contrat. Dans le domaine privé comme public, tout contrat doit faire l'objet d'un examen minutieux des conditions de rupture et de leur caractère éventuellement arbitraire.

    Le médecin ne peut accepter d'être l'allié d'un employeur contre un employé ou inversement. Il ne peut subir l'influence de tiers, ni se laisser entraîner dans des combinaisons d'intérêts à l'insu du patient. S'il ne donne pas de soins, s'il fournit seulement des avis, l'indépendance de son jugement ne doit pas être compromise par un programme ou des directives. Ainsi le médecin du travail ne se prononce pas en fonction de l'employeur ni des syndicats mais dans l'intérêt de l'individu et de la collectivité des salariés qu'il examine. Cette obligation morale d'indépendance peut avoir à s'exercer dans des conditions particulièrement difficiles comme pour les soins en milieu pénitentiaire (article10 - voir note [4]).

    Le médecin doit toujours agir dans le sens dicté par l'intérêt premier du patient et ne peut pas se laisser considérer comme un agent d'exécution au service d'autres intérêts qui deviendraient prépondérants. Il s'agit là d'un état d'esprit auquel il convient de veiller sans cesse.

    6 - Indépendance, malades et entourage

    L’indépendance du médecin s’exerce aussi vis-à-vis du patient et de son entourage.

    Le médecin ne peut céder à une demande d’examen, de soins ou de prescription qui ne serait pas médicalement justifiée, ni effectuer à la demande du patient un acte qu’en conscience il réprouve (articles 8, 36, 37 et 38), ni répondre à la sollicitation d’un certificat de complaisance (article 28).

    Satisfaire une demande injustifiée compromet définitivement la valeur de la parole ou des attestations du médecin.

    La même indépendance doit apparaître dans le comportement du médecin lorsqu'il s'adresse à l'entourage, qu'il s'agisse de la famille du patient, de son conjoint en particulier, quelquefois de ses enfants adolescents (prescription contraceptive à une mineure) ou plus simplement d'amis, voire de collègues de travail.

    Un exemple fréquent est constitué par les sollicitations du médecin lors des procédures de divorce. L'article 51 est précis à cet égard.

    De même, bien ou mal intentionné, très habile parfois, un membre de la famille peut presser le médecin d'user de son autorité et de la confiance qu'il inspire pour persuader son patient de consentir à telle ou telle disposition préméditée. Il est clair que le médecin résistera à cette incitation si ce que l'on suggère est contraire à l'intérêt du patient.

    C'est ce seul intérêt qui doit guider le médecin dont les propres intérêts doivent s'effacer, car le praticien pourrait être tenté de choisir, en partie pour sa propre commodité, un traitement plutôt qu'un autre.

    7 - Indépendance du médecin et argent

    L’indépendance du médecin vis-à-vis de l'argent doit être claire : indépendance de façon directe (dessous de table) ou indirecte (commissions, ristournes, dichotomies - articles 22, 23, 24).

    La mise en application, confiée à l'Ordre, de l'article L.4113-6  du code de la santé publique fait apparaître les dangers auxquels est exposée l'indépendance du médecin dans ses relations avec les entreprises pharmaceutiques ou de techniques médicales, aussi bien dans les phases de recherche que dans les périodes d'utilisation des produits.

    Pour garantir l'indépendance du médecin, le législateur a souhaité, que sa relation avec ces entreprises soit transparente. Pour en permettre le contrôle, la convention passée entre eux doit faire l'objet d'un avis de l'Ordre. Dans cette mission de contrôle, ce qui est pris en compte - quelle que soit la nature de l'avantage consenti, en particulier dans les travaux de recherche - n'est pas le montant de la rémunération en lui-même, mais son adéquation à la charge de travail imposée. Une somme d'argent ou une prise en charge de frais disproportionnés ne peut être consentie à un médecin : cela reviendrait à le fidéliser directement ou indirectement, et ainsi à orienter ses prescriptions.

    En autorisant ces entreprises à prendre en charge des frais relatifs à des activités de recherche ou d’évaluation scientifique, la loi a, par ailleurs, précisé et même souligné que l'hospitalité (lors de congrès, colloques, journées…) doit être d'un niveau raisonnable et limitée à l'objectif professionnel et scientifique principal de la manifestation (article 24).

    En outre, sous peine de sanctions disciplinaires, les médecins qui ont des liens avec des entreprises produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public, lorsqu’ils s’expriment lors d’une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle (voir note [5]).

    En organisant ainsi un contrôle des relations entre médecins et firmes industrielles, le législateur a confirmé et conforté l'Ordre dans sa mission déontologique et permis que des excès manifestes, même s'ils restent marginaux, ne nuisent pas à la nécessaire crédibilité de la profession.


    ([1]) J.-F. CERFON, « Conflits d’intérêt dans l’exercice médical », rapport adopté lors de la session du Conseil national de l’Ordre des médecins du 8 avril 2011, www.conseil-national.medecin.fr

    ([2]) Monographie du Conseil national concernant les relations entre les anesthésistes-réanimateurs, chirurgiens et autres spécialistes ou professionnels de santé, décembre 2001 ; Lerat - M. Déontologie et médecine d'équipe - Bulletin de l'Ordre septembre 1994

    ([3]) B. HOERNI,« Pratique médicale en réseau et déontologie », Bulletin de l'Ordre décembre 1997

    ([4]) B. HOERNI, « Aspects déontologiques de la médecine en milieu pénitentiaire », rapport adopté par le Conseil national de l'Ordre des médecins en juillet 2001, www.conseil-national.medecin.fr

    ([5]) Article L.4113-13 du code de la santé publique

  • Article 6 - Libre choix

    Article 6 (article R.4127-6 du code de la santé publique)

    Le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l'exercice de ce droit.

    Le libre choix est un droit du patient. Ce droit, ainsi que la liberté consentie par la loi d'en faire usage, contribue à la confiance qu'il accorde à son médecin. Et cette confiance fonde la responsabilité du praticien. Associé à l'indépendance et à la liberté de prescription, le libre choix constitue un des piliers de l'exercice médical actuel, fidèle à l'esprit et aux pratiques de la médecine traditionnelle. Aujourd'hui le changement de médecin est le plus souvent motivé par un changement de résidence.

    Déjà affirmé antérieurement (article L.162-5 du code de la sécurité sociale), ce droit a été réaffirmé dans les conventions nationales organisant les rapports entre les médecins libéraux et les caisses d'assurance maladie.

    De son côté le code de la santé publique précise que «  le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire» (article L. 1110-8, 1er alinéa du code de la santé publique).

    C'est donc la loi qui reconnaît au patient le droit de choisir son médecin, et il ne s'agit nullement d'une considération déontologique. Trop souvent, le médecin est conduit à penser qu'il est le défenseur de ce droit et s'approprie cette défense. Au contraire le rappel - dans le code de déontologie médicale - de ce droit n'est là que pour faire prendre conscience au médecin qu'il doit à la fois respecter ce droit (y compris à ses dépens, matériels ou psychologiques) et en respecter l'application.

    Mais si ce principe reste fondamental, son application pose toute une série de problèmes pratiques liés d'une part à la notion d'urgence, de l'autre aux conditions de remboursement des soins par les organismes de protection sociale.

    1 - Libre choix et urgences

    La véritable urgence définit une situation où le pronostic vital ou fonctionnel est en jeu. La rapidité de la mise en œuvre des moyens destinés à y faire face implique que la notion de libre choix s'estompe et même parfois disparaît. C'est en particulier le cas des accidentés.

    Les préférences individuelles s'effacent au profit d'une organisation nécessaire qui  n’est pas toujours en mesure de satisfaire tous les désirs des blessés (ramassage et transport) ou de leur entourage (enfants, blessés inconscients, patients âgés).

    Des situations analogues s'observent à propos des systèmes de permanence des soins. Outre les rivalités entre les systèmes et le recours à différents moyens publicitaires, où les considérations d'intérêt peuvent l'emporter sur la mission de secours proprement dite, l'activité du médecin de permanence est parfois, par ses implications, une façon de fidéliser à son profit la patientèle. Or appelé en urgence, il doit limiter son action à la situation et informer le médecin traitant (article 59).

    Dans cet esprit une attention particulière est recommandée aux services chirurgicaux ou médicaux des établissements de santé, qui reçoivent en urgence des patients, afin qu'ils transmettent des informations aux médecins traitants selon les indications fournies par les patients eux-mêmes.

    2 - Libre choix et multiplicité des intervenants

    La médecine moderne donne à certains l'impression d'être un ensemble de techniques parfaitement au point et d'utiliser des méthodes si bien codifiées que les médecins seraient les exécutants interchangeables d'un programme logique. C'est évidemment trompeur car l'application d'un protocole diagnostique et thérapeutique ne peut être bénéfique que si elle est personnellement adaptée au patient à qui elle est destinée.

    Cependant le caractère de plus en plus technique des examens et des traitements - où interviennent souvent des auxiliaires médicaux chargés du fonctionnement de certains appareillages - fait courir le risque d'un exercice "déshumanisé". L'hospitalisation expose le patient - déjà séparé de son environnement (habitat, famille) et de son médecin traitant - à des rencontres trop souvent anonymes où il a l'impression de devenir un "objet".

    Les mobiles qui conduisent le public dans le choix d'un médecin sont plus ou moins judicieux : la chaleur humaine ou l'aspect extérieur du personnage, ou encore la notoriété, peuvent compter plus que sa compétence professionnelle.

    Que devient alors la notion de libre choix ? Et peut-on dire qu'il s'exerce vis-à-vis de l'anesthésiste lorsque le patient choisit un praticien dont l'exercice nécessite une anesthésie ?

    L'exercice en équipe souligne davantage la fragilité de ce principe au regard de ses applications : chirurgie traumatologique, réparation ou plus encore greffes d'organes, d'une façon plus générale équipes pluridisciplinaires (cancérologie, assistance médicale à la procréation, etc.) ou interventions à plusieurs équipes simultanées...

    Lorsque s'efface la relation directe entre le patient et son médecin habituel, le rôle de ce dernier devient difficile si chaque praticien intervenant ne s'impose pas la rigueur déontologique prévue dans le code pour ces circonstances.

    Une attention toute particulière à l’exercice de cette rigueur doit être apportée lors de l’exercice en réseau par le/les médecins, en même temps qu’une certaine exemplarité vis-à-vis de tous les intervenants dans le domaine de la santé, soumis eux-mêmes à leurs obligations déontologiques (infirmier(ères), masseurs-kinésithérapeutes).

    Ce souci de permettre en toutes circonstances au patient de choisir son praticien ne doit pas être perdu de vue dans les groupes de médecins à exercice libéral qu'il s'agisse de sociétés d'exercice (SCP, SEL), d’associations ou d’autres structures. L'absence du praticien, les conditions de son remplacement, voire son décès, l'arrivée d'un confrère dans un groupe, sont des circonstances où une vigilance déontologique doit s'exercer pour respecter le droit du patient à choisir son praticien.

    3 - Libre choix et contraintes administratives

    La démographie médicale, l’absence de desserte par les transports en commun entre certaines localités, la nouvelle organisation sanitaire mise en place par la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’Hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires qui laisse aux Agences Régionales de Santé le soin de définir et coordonner l’offre de soins régionale sont autant de facteurs qui peuvent constituer une entrave au libre choix des patients.

    L’assurance maladie attribue un remboursement pour les actes du médecin, quel qu’il soit, choisi par le patient, mais elle ne prend en charge ni les dépassements d’honoraires ni les frais supplémentaires de déplacement lorsque le médecin ou l’établissement de santé choisi n’est pas le plus proche. Elle tient compte des différences de tarifs entre les établissements de santé.

    Le libre choix d’un praticien et d’un établissement de santé s’étend également au choix du service : « dans les disciplines qui comportent plusieurs services, les malades ont, sauf en cas d’urgence et compte tenu des possibilités en lits, le libre choix du service dans lequel ils désirent être admis.» (article R.1112-17 du code de la santé publique)

    La circulaire n° DHOS/G/2005/57 du 2 février 2005 relative à la laïcité dans les établissements de santé rappelle toutefois que ce libre choix est exercé par le patient et non par un parent, un proche ou la personne de confiance mentionnée à l’article L.1111-6 du code de la santé publique ; il doit au surplus se concilier avec diverses règles telles que l’organisation du service ou la délivrance des soins. Enfin ce libre choix du patient ne permet pas que la personne prise en charge puisse s’opposer à ce qu’un membre de l’équipe soignante procède à un acte de diagnostic ou de soins pour des motifs tirés de la religion connue ou supposée de ce dernier.

    Par ailleurs, depuis 1985 (voir note 1), la loi a confirmé le principe de la sectorisation sur lequel l'administration de la santé fonde certaines réalisations, en particulier dans le domaine psychiatrique : le lieu de résidence de l'intéressé détermine l'établissement et le médecin qui le soigneront.

    4 - Libre choix et compétence du médecin

    Le choix du patient est également conditionné par la compétence du praticien auquel il s'adresse. Pour des raisons personnelles, le patient peut souhaiter être soigné par un médecin qui lui a été recommandé ou qu'il a connu lors de la maladie d'un proche. Ce praticien peut être un spécialiste peu concerné par la maladie présentée par le patient. Il lui reviendra en général d'exposer ce fait pour laisser le patient porter son choix sur un autre spécialiste idoine.

    5 - Exercice du libre choix

    Le médecin doit accepter que le patient change de médecin, sans lui tenir rigueur d'avoir pris un autre avis que le sien ; il ne doit donc pas entraver l'exercice de ce droit. D'ailleurs, en réciprocité, le médecin "a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles" (article 47). Il est courant que le choix d'un praticien généraliste ou spécialiste soit différent pour les membres d'une même famille.

    Souvent le médecin lui-même perçoit chez un patient une réticence susceptible d'altérer la confiance indispensable à leur relation. Il doit alors délibérément lui proposer de recueillir un autre avis (article 60). Le doute du patient, pour diverses raisons, peut n'être que momentané et le praticien préserve ainsi la qualité de leur relation future. Et "lorsque le patient porte son choix sur un autre médecin traitant » (article 45) le praticien doit s'assurer des conditions nécessaires à la transmission des informations et documents le concernant.

    (1) Loi n° 85-1468 du 31 décembre 1985 relative à la sectorisation psychiatrique

  • Article 7 - Non discrimination

    Article 7 (article R.4127-7 du code de la santé publique)

    Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs moeurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu'il peut éprouver à leur égard.
    Il doit leur apporter son concours en toutes circonstances.
    Il ne doit jamais se départir d'une attitude correcte et attentive envers la personne examinée.

    1 - Fonctions du médecin

    Le médecin écoute. Lors d'une rencontre habituelle, cette écoute permet à un patient conscient d'exposer les raisons de sa présence, de sa consultation. Il exprime ses plaintes, ce dont il souffre, ce qui l'inquiète ou lui paraît anormal. Le médecin lui fait préciser l'histoire de la maladie et les antécédents personnels et familiaux et gagne à savoir ce que le patient attend de lui. Tout cela ne va pas toujours de soi : le praticien doit souvent aider le patient à vaincre ses réserves, à s'exprimer, à s'expliquer, à exposer des soucis intimes ou délicats, en montrant son attention et sa compréhension, en assurant sa discrétion. Dans la pratique courante cet entretien initial renseigne sur le diagnostic dans trois quarts des cas. "Ecoutez le malade, il va donner le diagnostic" disait déjà Osler en 1908, ce qui reste exact un siècle plus tard.

    Le médecin examine le patient, plus spécialement la région dont il souffre, mais aussi l'ensemble de son corps. Ce n'est pas toujours simple, chez des personnes pudiques, très couvertes ou d'hygiène douteuse. Il faut annoncer et expliquer les raisons de cet examen, d'un geste particulier comme un toucher pelvien ou rectal. Cet examen physique reste fondamental, indispensable. Il ne va pas sans précautions (éviter de faire mal, protéger contre une contamination, présence d'un tiers, etc.). Parfois dévalorisé par les examens complémentaires, il permet d'en poser judicieusement l'indication et de les choisir pour s'en trouver justement complété. Les données de l'examen clinique suivant l'entretien initial suffisent pour poser le diagnostic dans la majorité des cas et seront exposées à l'intéressé.

    Le médecin conseille plus qu'il ne décide ou n'impose. Il oriente vers des mesures préventives, recommande des mesures d'hygiène, donne des avis sur des possibilités thérapeutiques ou des démarches sociales ou professionnelles dépendant de l'état de santé ou de la maladie. Des avis lui sont de plus en plus souvent demandés, dans des domaines variés, et il doit répondre aux questions posées, sans pour autant s'insérer abusivement ou inutilement dans l'intimité des personnes (article 51).

    Enfin il soigne, démarche ancienne et principale mais qui n'est plus la seule, loin de là. Ses soins sont très variés, allant d'un pansement ou de quelques points de suture à une intervention majeure, en passant par la prescription de médicaments, l'administration de rayons X, etc. On assimile aux soins des explorations complémentaires : prise de sang, radiographie, endoscopie, etc.

     2 - Tous les patients

    Aucune personne ne peut faire l’objet de discrimination dans l’accès à la prévention et aux soins (voir note 1).

    L’obligation pour les médecins d’intervenir auprès de tous patients, quels qu’ils  soient, répond à une ancienne tradition universelle : au VIIème de notre ère, le chinois Souen Sseu-Mo recommandait au médecin de « porter secours à toute douleur de tout être animé, sans s’occuper de son rang, de sa fortune, de son âge de sa beauté, de son intelligence, de sa qualité de chinois ou de barbare, d’ami ou d’ennemi ». On la retrouve dans le serment d’Hippocrate actualisé prononcé par chaque médecin et ainsi libellé : « je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me le demandera….je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain… ».

    Le médecin doit donc prendre en charge son patient quelle que soit sa condition. Jadis, le médecin proportionnait ses honoraires aux possibilités financières des malades et de leurs familles, ce qui lui permettait d’en soigner gratuitement. De nos jours, le médecin ne peut pas abaisser ses honoraires au-dessous des barèmes officiels (article 67) mais il reste néanmoins libre de ne pas en percevoir.

    La généralisation des remboursements des soins a bouleversé, notamment sur ce point, la relation médecin-patient. L’instauration progressive d’un système complexe, diversifié et évolutif d’assurance maladie et de mutuelles permet à des patients, de bénéficier, selon les cas, de remboursements variables. Pour d’autres patients, la mise en place de dispositifs sociaux  entraine, pour les praticiens, une rémunération par tiers payant à taux fixe. Dans ces conditions, la relative liberté d’honoraires de certains médecins, ne doit pas entrainer, dans notre système économique et social, une inégalité dans l’accès aux soins. Les médecins ne peuvent, en aucun cas et même en dehors de l’urgence, refuser pour des motifs pécuniaires, de donner à un patient les soins nécessaires qui relèvent de leurs compétences et de leurs possibilités techniques. On voit que cette obligation déontologique déborde le cadre de l’obligation légale rappelée ci-dessus.

    Le médecin n’a pas à tenir compte de la nationalité, de l’origine ethnique, de la situation administrative du patient sur le territoire français, même si cela influence le remboursement et le paiement des soins. Cela est particulièrement important en un temps où migrations et voyages sont nombreux. La pratique de la médecine n’admet ni frontières, ni racisme, même en cas de conflit (infra).

    Le praticien ne doit pas se laisser influencer par la situation de famille ou les mœurs, qu'il les devine ou qu'ils soient déclarés, qu'il y adhère ou les réprouve. La libéralisation des mœurs rend certaines particularités plus apparentes et peut exposer à une discrimination dont le médecin doit se garder. Sa tolérance est même nécessaire pour permettre au patient de donner des informations intimes utiles à sa prise en charge. Cette condition est particulièrement utile pour la prise en charge des délinquants sexuels (voir note 2).

    La religion comme toute conviction du patient ne doit pas influencer l'attitude du médecin. Certaines convictions, qui peuvent interférer avec les soins (par exemple : Témoins de Jéhovah), ne doivent pas altérer le comportement du médecin.

    Aucune discrimination n'est non plus acceptable selon l'état de santé ou un handicap. Un patient contagieux, atteint de troubles cognitifs ou psychiatriques doit être aussi bien traité qu'un autre patient. Le médecin doit s'efforcer par sa considération et son estime de rétablir une égalité entre les patients, surtout quand elle ne va pas de soi, même si certains handicaps peuvent intervenir objectivement dans une décision médicale.

    Le médecin doit aussi s'efforcer de ne pas être influencé par les sentiments inspirés par les personnes rencontrées, ce qui pourrait être fâcheux. Des patients sont désagréables, difficiles à supporter. Ils ne doivent pas pour autant être plus mal soignés, même si leur comportement peut altérer la qualité des soins, leur observance. Le médecin peut faire jouer une "clause de conscience" et proposer un "divorce à l'amiable" pourvu qu'il n'y ait pas urgence, que sa position soit présentée au patient et que la continuité des soins soit assurée (articles 47, 64). C'est délicat quand le patient a un comportement dangereux. L'influence peut être à l'inverse excessivement favorable : le médecin va soigner un ami, un proche ou une personnalité avec une attention renforcée, des précautions supplémentaires, qui peuvent être aussi bien bénéfiques que nuisibles. L'objectivité nécessaire à l'action du médecin s’accommode mal de sentiments subjectifs.

    3 - En toutes circonstances

      La pratique médicale doit être égale en toutes circonstances, ce qui n'est pas simple en cas d'épidémie, de catastrophe, de conflit ou de guerre. En cas d'épidémie, la tradition médicale a toujours été de faire face, d'être présent et de soigner en évitant les risques évitables, mais sans fuir les risques inévitables. D'assez nombreux médecins ont payé de leur santé, voire de leur vie, cette ligne de conduite pour que leurs successeurs se montrent à la hauteur de leurs aînés et de la mission qui leur incombe. En temps de guerre, les médecins mettent leur point d'honneur à soigner les blessés ennemis de la même manière que ceux de leur propre camp. Cette situation reste courante, notamment dans le cadre de la "médecine humanitaire".

    4 - Respect de la personne

      Il est posé comme principe dès l'article 2. La politesse ou l'urbanité, au demeurant souhaitable lors de toute rencontre, est recommandée depuis longtemps dans la relation médecin-patient. Déjà Hippocrate préconisait des égards vis-à-vis de la personne malade, conseillait d'être sur des chaises "de hauteur égale", de ne pas dévêtir la personne examinée plus que nécessaire, en particulier en présence de tiers : proches du patient ou étudiants en médecine ; sur ce dernier point l’article L.1111-4, 7ème alinéa rappelle que : « L'examen d'une personne malade dans le cadre d'un enseignement clinique requiert son consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet enseignement doivent être au préalable informés de la nécessité de respecter les droits des malades énoncés au présent titre ».

    Au Moyen-Age, il était conseillé au médecin de ne pas déplaire, de bien se tenir pour être... bien payé. Aujourd'hui, le respect d'un patient s'impose d'autant plus que, diminué, il est en position de demandeur. Il y a une inégalité irréductible entre patient et médecin ; ce n'est pas une raison pour l'accentuer ; au contraire le médecin doit un respect d'autant plus impératif qu'il va moins de soi.

    Avant d'être générosité, l'altruisme est d'abord attention portée à l'autre, à la fois semblable et différent, ne serait-ce que pour reconnaître son altérité et l'admettre. Cette reconnaissance doit éviter de se mettre à la place de l'autre, de décider ou de choisir pour lui. Au contraire le médecin doit être particulièrement attentif à sa personnalité, à ses traits particuliers, pour en tenir compte et leur laisser la priorité par rapport à ses propres options ou à celles de l'entourage. L’article 3 des Principes d’éthique médicale européenne adoptés en 1987 avec la participation de l’Ordre des médecins français, précise : "Le médecin s’interdit d’imposer au patient ses opinions personnelles, philosophiques, morales ou politiques dans l’exercice de sa profession



    (1) Article L.1110-3 du code de la santé publique : « Aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins.
    Un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne pour l'un des motifs visés au premier alinéa de l'article 225-1 du code pénal ou au motif qu'elle est bénéficiaire de la protection complémentaire ou du droit à l'aide prévus aux articles L. 861-1 et L. 863-1 du code de la sécurité sociale, ou du droit à l'aide prévue à l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles.
    Toute personne qui s'estime victime d'un refus de soins illégitime peut saisir le directeur de l'organisme local d'assurance maladie ou le président du conseil territorialement compétent de l'ordre professionnel concerné des faits qui permettent d'en présumer l'existence. Cette saisine vaut dépôt de plainte. Elle est communiquée à l'autorité qui n'en a pas été destinataire.
    (…)
    Hors le cas d'urgence et celui où le professionnel de santé manquerait à ses devoirs d'humanité, le principe énoncé au premier alinéa du présent article ne fait pas obstacle à un refus de soins fondé sur une exigence personnelle ou professionnelle essentielle et déterminante de la qualité, de la sécurité ou de l'efficacité des soins. La continuité des soins doit être assurée quelles que soient les circonstances, dans les conditions prévues par l'article L. 6315-1 du présent code.
    Les modalités d'application du présent article sont fixées par voie réglementaire. »

    (2) La loi n°98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs institue à l'encontre des auteurs d'infractions sexuelles un suivi socio-judiciaire qui peut comprendre une injonction de soins (articles L.3711-1 et suivants du code de la santé publique). Cette mesure a été étendue à certains crimes et délits.

  • Article 8 - Liberté de prescription

    Article 8 (article R.4127- 8 du code de la santé publique)

    Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu'il estime les plus appropriées en la circonstance.

    Il doit, sans négliger son devoir d'assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l'efficacité des soins.

    Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles.

    Comme l'indépendance du médecin (article 5), sa liberté de prescrire est soumise aux "données acquises de la science". Il revient au médecin d'appliquer ces données générales à un patient particulier et cela l'amène, parfois, à nuancer la règle : il est alors souhaitable que cet écart soit argumenté par des raisons objectives.

    Si la liberté de prescription est un principe fondamental qui va de pair avec l'indépendance professionnelle et la responsabilité du médecin, cette notion a évolué, même si elle reste un élément essentiel de la confiance que porte à son médecin le patient pour que lui soit fait tout ce qui lui est nécessaire.

    Depuis quelques années sont apparues des restrictions à cette liberté de prescription. Elles tiennent à des raisons de sécurité (par ex. incompatibilités médicamenteuses). Elles tiennent surtout au développement de médicaments nouveaux - très puissants, dangereux ou réservés à des indications particulières - que leurs effets apparentent à des thérapeutiques majeures (article 40). Se sont ajoutées plus récemment des considérations économiques.

    Le code de la sécurité sociale les a prises en compte en son article L.162‑2-1 ainsi libellé : « Les médecins sont tenus, dans toutes leurs prescriptions, d'observer, dans le cadre de la législation et de la réglementation en vigueur, la plus stricte économie compatible avec l'efficacité du traitement ».

    La Haute Autorité de Santé diffuse des protocoles détaillés pour guider le médecin dans sa pratique clinique. Ces recommandations assurent au praticien une pratique de qualité en conformité avec les données médicales et éthiques. Cependant, ces protocoles ne dégagent pas les médecins de leurs responsabilités envers les patients.

    Cette protocolisation des pratiques est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. Le médecin soigne une personne qui a le droit d’accepter ou de refuser en tout ou partie le protocole proposé.

    1. Médicaments génériques : Les médecins sont également invités à prescrire des produits génériques. La jurisprudence européenne (note [1]) a confirmé que les autorités nationales chargées de la santé publique pouvaient favoriser la prescription par les médecins de médicaments génériques.

     L’article L.5125-23 du code de la santé publique autorise les pharmaciens à substituer à la spécialité prescrite par le médecin - sauf mention expresse indiquée sous forme exclusivement manuscrite de ce dernier pour des raisons particulières tenant au patient - une spécialité du même groupe générique (voir note 2).

    1. Conditions de prescription particulières : Certains médicaments, en raison des contraintes et risques de leur utilisation, de leur degré d’innovation ou pour d’autres motifs de santé publique sont soumis à des conditions de prescription et de délivrance particulières et classés en cinq catégories (article R.5121-77 du code de la santé publique) :
    • médicament réservé à l’usage hospitalier ;
    • médicament à prescription hospitalière ;
    • médicament à prescription initiale hospitalière ;
    • médicament à prescription réservée à certains médecins spécialistes ;
    • médicament nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement.

    L'autorisation de mise sur le marché (AMM) établit le classement de ces médicaments, précise dans quelles indications ils peuvent être prescrits et indique la qualité des prescripteurs. Les conditions de remboursement ou de prise en charge de ces médicaments par les organismes d’assurance maladie sont établies par arrêté ministériel. De ce fait certains produits ne peuvent plus être prescrits par tout médecin, même s'ils sont justifiés par l'état du patient.

    1. Prescription hors AMM : En l’absence de médicaments appropriés à l’état du patient disposant d’une AMM ou d’une autorisation temporaire d’utilisation, des prescriptions hors AMM peuvent être effectuées (voir note 3). Le médecin doit le mentionner expressément sur l’ordonnance et en informer le patient ainsi que de l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée, des risques et bénéfices attendus du médicament et des conditions de sa prise en charge par l’assurance maladie. Cette prescription hors AMM doit être justifiée dans le dossier médical du patient.

    2. Autorisation temporaire d’utilisation : A titre exceptionnel, l’article L.5121-12 (voir note 4) du code de la santé publique permet, sous certaines conditions, l’utilisation de médicaments non autorisés destinés à traiter des maladies graves ou rares, en l'absence d’alternative thérapeutique, lorsque la mise en œuvre du traitement ne peut pas être différée.  
       

    Dans tous les cas, le médecin doit assurer au patient les soins que nécessite son état et il pourra même en répondre devant les tribunaux. S'il n'a pas une obligation de résultat, il a une obligation de moyens. En cas d'indication d'un traitement qu'il ne peut prescrire lui-même, il devra donc adresser le patient à un confrère spécialisé, comme il le fait pour l'accomplissement de bien d'autres actes diagnostiques ou thérapeutiques qu'il ne peut réaliser lui-même.

    Si les techniques et les thérapeutiques nouvelles sont de plus en plus performantes, elles ne sont pas sans inconvénients parfois majeurs, pour le patient. Le développement professionnel aide le médecin à en connaître les avantages et les conséquences et à en tenir compte pour ne pas faire courir au patient de risques disproportionnés.

    Le développement de la vulgarisation médicale, en particulier sur Internet, conduit parfois les patients à réclamer la prescription d'un examen ou d'un traitement dont ils ont entendu vanter les mérites et dont ils croient pouvoir bénéficier. Il revient au médecin d'expliquer pourquoi l'information perçue s'applique ou non à l'intéressé. Il est bien entendu répréhensible, par une prescription de complaisance, de se faire le complice d'une malhonnêteté du patient ou d'un tiers, qui pourrait d'ailleurs être le premier à en souffrir, à le regretter, voire à le reprocher au médecin.


    ([1]) CJUE 22 avril 2010, Association of the british pharmaceutical Industry, C-62/09

    (2) Article R.5125-54 du code de la santé publique : « La mention expresse par laquelle le prescripteur exclut la possibilité de la substitution prévue au deuxième alinéa de l'article L. 5125-23 est la suivante: "Non substituable". Cette mention est portée de manière manuscrite sur l'ordonnance avant la dénomination de la spécialité prescrite. »

     (3) Article L 5121-12-1 du code de la santé publique : « I - Une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation, sous réserve :

    1° Que l'indication ou les conditions d'utilisation considérées aient fait l'objet d'une recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, cette recommandation ne pouvant excéder trois ans ;

    2° Ou que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique du patient.

    II - Les recommandations temporaires d'utilisation mentionnées au I sont mises à disposition des prescripteurs.

    III - Le prescripteur informe le patient que la prescription de la spécialité pharmaceutique n'est pas conforme à son autorisation de mise sur le marché, de l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée, des risques encourus et des contraintes et des bénéfices susceptibles d'être apportés par le médicament et porte sur l'ordonnance la mention : "Prescription hors autorisation de mise sur le marché”.

    Il informe le patient sur les conditions de prise en charge, par l'assurance maladie, de la spécialité pharmaceutique prescrite.

    Il motive sa prescription dans le dossier médical du patient (…)».

     (4) Article L.5121-12 du code de la santé publique : « I.- Les articles L. 5121-8 et L. 5121-9-1 ne font pas obstacle à l'utilisation, à titre exceptionnel, de certains médicaments destinés à traiter des maladies graves ou rares, en l'absence de traitement approprié, lorsque la mise en œuvre du traitement ne peut pas être différée et que l'une des conditions suivantes est remplie :

    1° L'efficacité et la sécurité de ces médicaments sont fortement présumées au vu des résultats d'essais thérapeutiques auxquels il a été procédé en vue d'une demande d'autorisation de mise sur le marché qui a été déposée ou que l'entreprise intéressée s'engage à déposer dans un délai déterminé;
    2° Ces médicaments, le cas échéant importés, sont prescrits, sous la responsabilité d'un médecin, à un patient nommément désigné et ne pouvant participer à une recherche biomédicale dès lors qu'ils sont susceptibles de présenter un bénéfice pour lui et que leur efficacité et leur sécurité sont présumées en l'état des connaissances scientifiques. Le médecin prescripteur doit justifier que le patient, son représentant légal ou la personne de confiance qu'il a désignée en application de l'article L. 1111-6 a reçu une information adaptée à sa situation sur l'absence d'alternative thérapeutique, les risques courus, les contraintes et le bénéfice susceptible d'être apporté par le médicament. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical.

    II. ― L'utilisation des médicaments mentionnés au I est autorisée, pour une durée limitée, éventuellement renouvelable par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, à la demande du titulaire des droits d'exploitation du médicament dans le cas prévu au 1° du I ou à la demande du médecin prescripteur dans le cas prévu au 2° du même I.

    (…) ».

    Conformément à l'article 41 VII de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011, les autorisations accordées sur le fondement des dispositions de l'article L. 5121-12 du code de la santé publique dans leur rédaction antérieure à la promulgation de la présente loi demeurent régies par ces dispositions, y compris pour leur renouvellement, pendant les trois années suivant la promulgation de la présente loi. Ces dispositions continuent également de s'appliquer, pendant la même période, aux nouvelles demandes d'autorisation mentionnées au 2° du I du même article L. 5121-12 si des autorisations de même nature ont déjà été accordées dans la même indication pour le médicament concerné.

  • Article 9 - Assistance à personne en danger

    Article 9 (article R.4127-9 du code de la santé publique)

    Tout médecin qui se trouve en présence d'un malade ou d'un blessé en péril ou, informé qu'un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s'assurer qu'il reçoit les soins nécessaires.

    1 - Principes

    Il va de soi qu'en cas d'urgence un médecin doit porter secours à toute personne malade ou blessée qui l'appelle ou lui est signalée. Encore faut-il qu'il prenne conscience de l'urgence et de la gravité.

    On ne saurait commenter cet article 9 sans parler de l'article 223-6, alinéa 2 du code pénal auquel, comme tous les citoyens, les médecins sont soumis :  « Sera puni des mêmes peines (voir note 1) quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. »

    Ce texte a une portée générale, visant tout citoyen témoin d'un accident ou d'une détresse : c'est la traduction pénale d'une règle morale naturelle de tous les temps.

    Plus que tout autre, le médecin doit apporter ce secours. Mais l'article 223-6 devient une arme redoutable contre les médecins si on l'applique à tous les "appels d'urgence" et non plus seulement aux cas où le médecin se trouverait en présence d'une personne en péril.

    Il semble que les plaintes contre des médecins fondées sur cet article se sont faites plus nombreuses. Les sanctions judiciaires correspondent certes parfois à des négligences professionnelles coupables (abstention délibérée) mais aussi à un malheureux concours de circonstances ou à une défaillance involontaire (malentendu).

    Il est difficile cependant de porter une appréciation générale objective sur la jurisprudence intervenue dans ce domaine car tout dépend de circonstances particulières.

    Dans l'ensemble, pour que l'application de l'article 223-6 du code pénal puisse justifier une sanction pénale contre un médecin, il faut :

    • que la personne pour laquelle on appelle soit réellement en péril,
    • que le médecin en ait été clairement averti,
    • qu'il se soit abstenu volontairement,
    • qu'il ne puisse invoquer une excuse majeure (médecin occupé par un autre patient dans un état grave, un accouchement, une intervention chirurgicale ou lui-même sérieusement malade).

     

    2 - Pratique

    Les difficultés en cette matière viennent le plus souvent de malentendus, certaines personnes appelant "d'urgence" pour des malaises bénins. Les médecins sont souvent dérangés pour peu de chose. Ils s'y attendent et savent qu'on peut les tromper, dans les deux sens. Parfois, on emploie le mot "urgent" à la légère. Il y a aussi, de plus en plus souvent, une certaine désinvolture : la commodité prend le nom d'urgence. D'autres fois, ils regretteront qu'on ne leur ait pas signalé, lors de l'appel, la gravité de la situation. L'anxiété du patient, ou de son entourage, a vite fait de convaincre qu'il faut le médecin tout de suite et il faut admettre que l'appel pressé est légitime du moment que l'on a peur. Ces difficultés sont accentuées par la multiplication des communications téléphoniques, notamment en pédiatrie ou dans le cadre de la médecine ambulatoire.

    Le médecin doit apprécier s'il s'agit d'une urgence véritable ou d'une visite qui peut attendre. Apprécier la gravité au moment de l'appel est capital et dangereux, lot quotidien du médecin. S'il reçoit lui-même l'appel, il demandera des précisions qui l'éclaireront mais peuvent aussi l'induire en erreur. Si c'est une secrétaire qui reçoit l'appel, il lui échoit de rendre un compte exact de ce qui lui est dit. C'est une tâche délicate et de grande responsabilité dont la secrétaire doit être consciente, à laquelle elle doit avoir été bien préparée, avec des consignes prudentes.

    En cas de doute, le médecin se doit d'aller voir le malade ou le blessé, quelle que soit la perturbation apportée dans son travail. Si cela lui est impossible, il lui revient de prendre directement contact avec le centre 15.

    L'exercice de la médecine deviendrait impossible si le médecin devait répondre immédiatement à tout appel. S'il ne peut y répondre personnellement dans l'instant, il lui reste à "s'assurer que la personne reçoit les soins nécessaires", c'est-à-dire qu'un autre médecin peut se rendre auprès d'elle, ou que le blessé peut être transporté sans retard dans un lieu de soins. Il faut qu'il s'assure personnellement de la prise en charge du patient.

    Le téléphone l'y aide (voir note 2). L'organisation moderne des services d'urgence, de la régulation ainsi que des transports "médicalisés" apporte un progrès considérable car, en même temps que la réponse rapide, cette structure amène à pied d'œuvre les moyens techniques d'une réanimation que le médecin isolé ne pourrait assurer complètement. Les praticiens sont invités à participer à cette organisation, ils doivent être encouragés à le faire.

    Le médecin ne peut pas donner comme excuse que l'état du blessé ou du malade lui paraissait au-delà de tout recours d'après les renseignements reçus, ni que le patient était habituellement suivi par un autre médecin.

    L'article 223-6 du code pénal, selon la jurisprudence, pèse donc d’un poids particulier sur le médecin. Une négligence volontaire est inexcusable. Mais le risque est surtout celui d'une erreur d'appréciation, de la part du médecin, sur le degré de l'urgence. En médecine, l'erreur de pronostic est la plus difficile à admettre par des juges ou par l'entourage, et la plus répréhensible s'il s'agit d'une urgence.

    On ne peut que conseiller aux membres du corps médical d'apporter toute leur attention aux renseignements qui ont accompagné un appel et, s'il y a le moindre doute, de se rendre auprès de la personne que l’on a dite en danger.

    Le principe demeure que le médecin a une compétence générale que ses études ont eu pour objet de lui donner (article 70) : ainsi le spécialiste appelé pour aller voir une personne en danger dans des conditions où il se juge incompétent doit s'assurer lui-même qu'un confrère mieux choisi a pu être atteint ou que le malade ou blessé peut être transporté dans de bonnes conditions vers un établissement hospitalier. Le principe reste valable lors d'appels pour des personnes en difficulté lors d'un voyage, en train ou en avion.

    Il reste que tout médecin, quelle que soit sa fonction ou sa spécialité, doit recevoir au cours de ses études universitaires et post-universitaires une bonne formation dans le domaine de la médecine d'urgence.


    (1) cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende

    (2) B. HOERNI, « Appels téléphoniques des patients et déontologie médicale », Bulletin de l'Ordre mai 1999.

  • Article 10 - Personne privée de liberté

    Article 10 (article R.4127-10 du code de la santé publique)

    Un médecin amené à examiner une personne privée de liberté ou à lui donner des soins ne peut, directement ou indirectement, serait-ce par sa seule présence, favoriser ou cautionner une atteinte à l'intégrité physique ou mentale de cette personne ou à sa dignité.
    S'il constate que cette personne a subi des sévices ou des mauvais traitements, il doit, sous réserve de l'accord de l'intéressé, en informer l'autorité judiciaire.
    Toutefois, s'il s'agit des personnes mentionnées au deuxième alinéa de l' article 44 , l'accord des intéressés n'est pas nécessaire.

    On pourrait s'étonner qu'il ait paru nécessaire d'insérer un tel article dans le code de déontologie. Mais les exemples de pays totalitaires ne sont pas les seuls, et dans divers pays, la conscience de quelques médecins a pu être obscurcie ou déviée par des pressions politiques, bien analysées lors du procès de Nuremberg. Ces médecins ont accepté de participer par leur présence ou même leur concours technique, à des actes dégradants ; ils ont été les auxiliaires plus ou moins déguisés de tortures.

    Force est donc de proclamer qu'un détenu, quel qu'il soit, mais aussi une personne placée en garde à vue, restent des êtres humains, qu'ils ont droit au respect de leur personne. Appelé auprès d'une personne privée de liberté, le médecin, défenseur naturel de l'individu et des droits de l'homme, doit s'abstenir de toute intervention qui n'aurait pas pour but l'intérêt de sa santé. D’ailleurs, l’article 48 de la loi n°2009-1436 précise que : « Ne peuvent être demandés aux médecins et aux personnels soignants intervenant en milieu carcéral ni un acte dénué de lien avec les soins ou avec la préservation de la santé des personnes détenues, ni une expertise médicale ».

    Un médecin ne peut être dupe de ″l'humanisation de la torture par la présence d'un médecin ”. La seule attitude est un refus formel de toute participation.

    L'Association Médicale Mondiale disait dans sa déclaration de Tokyo (1975) : "Le médecin ne devra jamais assister, participer ou admettre les actes de torture..." et le serment (p. 280) prêté par le médecin mentionne : « Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité ».

    Au contraire le médecin qui constate qu'une personne a été victime de sévices doit le signaler aux autorités compétentes et s'efforcer d'obtenir, s'il le juge nécessaire ou utile, l'hospitalisation de la victime.

    Le signalement à l'autorité judiciaire est subordonné à l'accord de l'intéressé, excepté pour les mineurs ou les personnes excessivement affaiblies, qui ne sont pas en état de se protéger (article 44).

    Le médecin qui intervient en établissement pénitentiaire est, comme tout médecin, indépendant dans tous ses actes. Il n'est ni policier, ni juge, il n'est jamais l'agent d'exécution de quiconque. Il décide seul en conscience de ce qu'il doit faire pour les détenus qui lui sont confiés. Il ne peut que favoriser le meilleur accès aux soins, même si celui-ci suppose des dispositions pratiques ou administratives délicates qui ont été améliorées (voir note [1]) mais ont besoin de l’être encore et surtout d’être appliquées.


    ([1]) Loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 transférant la prise en charge sanitaire des détenus au service public hospitalier – art. L.6112-1, 12° du code de la santé publique ; Aspects déontologiques de la médecine en milieu pénitentiaire - Rapport du Conseil national de l'Ordre des médecins, juillet 2001.

  • Article 11 - Développement professionnel continu

    Article 11 (article R.4127-11 du code de la santé publique)

    Tout médecin entretient et perfectionne ses connaissances dans le respect de son obligation de développement professionnel continu

    Cet article reprend les termes de la prière de Maïmonide (XIIe siècle) : « Fais que je sois modéré en tout, mais insatiable dans mon amour de la science. Eloigne de moi, ô Dieu, l'idée que je peux tout. Donne-moi la force, la volonté et l'occasion d'élargir de plus en plus mes connaissances. Je peux aujourd'hui découvrir dans mon savoir des choses que je ne soupçonnais pas hier... ».

    1. Compétence médicale

    La déontologie exige du médecin qu'il donne des soins "conformes aux données acquises de la science" : le médecin a le devoir de s’informer des progrès de la médecine nécessaires à son activité.

    La compétence est la première exigence de la morale professionnelle. Elle suppose non seulement un savoir aussi large que possible, mais aussi une bonne adaptation à l'exercice de l'activité médicale.

    Cette obligation de compétence est devenue de plus en plus difficile à satisfaire en raison de la complexité croissante de la médecine. Malgré cela, le médecin doit toujours avoir présent à l'esprit qu'il est responsable et il doit être conscient des lacunes de son savoir, lacunes qui peuvent avoir des conséquences vitales pour ses patients. Dans cette éventualité, l’appel au concours d’un confrère fait partie du professionnalisme.

    C'est l'ensemble du savoir théorique, du savoir-faire (aptitude), et du savoir être (attitude), qui permet la pratique professionnelle adaptée à la prise en charge des patients, prise en charge pertinente dans son époque et son environnement. La compétence est donc fragile, périmée quand les connaissances sont trop anciennes, ou que la pratique est insuffisante dans un domaine donné. La compétence nécessite une évaluation régulière.

    2. Développement professionnel continu

    L'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins avait renforcé le simple devoir déontologique qu'exprime l'article 11 du code par une obligation légale pour tout médecin de se soumettre à une formation continue ainsi qu’à une évaluation des pratiques et avait prévu un ensemble de règles et de contrôles.

    La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires substitue à la formation continue le développement professionnel continu qui « a pour objectifs l'évaluation des pratiques professionnelles, le perfectionnement des connaissances, l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que la prise en compte des priorités de santé publique et de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Il constitue une obligation pour les médecins » (article L. 4133-1 du code de la santé publique).

    La notion globale est celle de « développement professionnel continu » qui, pour un médecin, comprend l’évaluation de ses pratiques, l’estimation de sa propre compétence, et la formation qui permet de corriger les lacunes.

    La mise en place du développement professionnel continu ne peut se comprendre que si l’on part de la conception de compétence médicale et de son actualisation nécessaire. La validation de cette compétence passe par l’évaluation des pratiques professionnelles, le développement professionnel continu permettant l’adaptation permanente de cette compétence et la pertinence des pratiques.

    Devoir déontologique, le développement professionnel continu, légalement obligatoire, fait désormais l’objet d’une vérification régulière pour l’ensemble des médecins (libéraux, hospitaliers, salariés).

    De grands principes doivent être respectés :

    •  la pertinence des actions : elles doivent concourir toutes à l'amélioration des pratiques professionnelles et doivent pouvoir être évaluées ;
    •  l'équité des exigences : tout médecin, quel que soit son mode d'exercice et l'endroit où il réside, doit pouvoir accéder à des actions de formation, variées et adaptées ;
    •  l'indépendance des formations : les formations sont financées par l’organisme gestionnaire du développement professionnel continu pour les médecins libéraux et par les employeurs pour les médecins hospitaliers et salariés.

    Les organismes qui souhaitent proposer des programmes de développement professionnel continu doivent déposer une demande d’enregistrement auprès de l’organisme gestionnaire. Une commission scientifique indépendante évalue les programmes proposés par ces organismes.

    3. Evaluation des pratiques

    Cette évaluation fait partie intégrante du développement professionnel continu.

    L’article 11 prévoit que tous les médecins participent à l'évaluation des pratiques professionnelles. L’évaluation incluse par le DPC est prévue par groupe, il est vivement recommandé que le médecin inscrive aussi sa propre pratique dans cette démarche. C'est pourquoi les acteurs actuels du DPC prévoient de faire figurer l'évaluation de la pratique comme une action faisant partie des efforts de formation permanente. Différentes techniques ont été proposées dans ce but. Ce mouvement rejoint l'évolution des objectifs des promoteurs du dispositif, qui après une première étape d'évaluation des structures hospitalières, voit ses tâches s'orienter aussi vers l'évaluation des pratiques.

    Les actions de DPC organisées par groupe de médecins, comme les groupes de pairs, multiplient les occasions d'accéder à un tel auto-examen. La survenue d'incidents dans le cadre de l'exercice professionnel doit amener le conseil départemental à proposer au médecin de se soumettre à une évaluation de sa pratique.

    En établissement de santé, s’ajoute aux évaluations individuelles, une évaluation du dispositif d’organisation de l’équipe de soins.

  • Article 12 - Concours apporté à la protection de la santé

    Article 12 (article R.4127-12 du code de la santé publique)

    Le médecin doit apporter son concours à l'action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l'éducation sanitaire. Il participe aux actions de vigilance sanitaire.

    La collecte, l'enregistrement, le traitement et la transmission d'informations nominatives ou indirectement nominatives sont autorisés dans les conditions prévues par la loi.
     

    Le rôle et les responsabilités du médecin ne se limitent pas aux actes accomplis dans l'intérêt de personnes considérées individuellement. Celles-ci appartiennent à une collectivité pour laquelle les responsables de la santé publique peuvent proposer des mesures générales en vue de protéger ou de promouvoir la santé. Ce contact direct d’un médecin avec le public appelle de la précaution et de la prudence (articles 13, 14).

    1 - Objectifs

    Il peut s'agir :

    • de mesures préventives générales destinées à améliorer l'environnement, éviter les carences, accroître la résistance aux maladies infectieuses, etc. ;
    •  d'éducation sanitaire pour informer la population des risques encourus pour sa santé dans la vie courante ;
    • de campagnes de dépistage dont l'objectif varie selon l'âge des personnes, leur activité professionnelle ou le lieu de leur domicile.

    Education sanitaire et promotion de santé représentent une notion plus large que celle de santé publique. C'est une démarche de santé dans l’intérêt collectif, qui implique une large participation de la population elle-même, notamment des associations, des clubs, des groupements d'enfants, de sportifs, de personnes âgées, etc. ; des élus locaux ; mais aussi de l'ensemble des professionnels de santé. Personne ne peut mieux que le médecin, inséré dans un environnement urbain ou rural, mesurer l'impact des facteurs de risque pour la santé de ses concitoyens, et prodiguer grâce à son expérience professionnelle les avis et les conseils permettant d'approcher l'objectif ambitieux de l'OMS qui définit la santé comme un "état de complet bien-être physique, mental et social" (1946).

    2 - Moyens

    La connaissance de l'état de santé de la population nécessite que des informations sur la prévalence des maladies, la fréquence des handicaps, l'émergence d'une épidémie soient connues des responsables de santé publique, de manière aussi précise et rapide que possible.

    Un certain nombre de dispositions législatives ou réglementaires imposent aux médecins de communiquer aux mairies, aux agences régionales de santé, aux médecins-conseils des caisses d'assurance maladie, aux responsables de département de l'information médicale (DIM) des établissements de santé, des informations tantôt nominatives, tantôt anonymes : certificat de décès, maladies à déclaration obligatoire, résumé de synthèse clinque, etc.(voir dérogations légales au secret professionnel, article 4)

    Les études épidémiologiques, telles que les cohortes, qui font appel à des traitements automatisés, exigent la communication d'informations médicales nominatives. Des précautions particulières s’imposent pour le recueil, la transmission des données et leur traitement informatique (voir note [1]).

    La CNIL a également adopté une recommandation relative aux registres du cancer renforçant notamment les conditions d’information des personnes concernées (voir note [2]).

    Le médecin rédacteur aura le souci de l'exactitude des renseignements ainsi communiqués, de leur mode de transmission et du maintien de leur confidentialité, surtout lorsqu'ils sont nominatifs. L'anonymisation des données, dès leur collecte, se révèle la solution idéale, dans la mesure où l'identité des personnes n'est pas indispensable pour éviter les doubles comptes, assurer le suivi de la maladie ou pour contrôler l'efficacité à long terme d'une thérapeutique.

    Ce souci de préserver l'intimité des personnes par l'anonymat et la vigilance pour y contribuer, doivent être la règle habituelle, surtout lorsque le médecin participe sur une base volontaire à la réalisation de registres de maladies ou d'enquêtes épidémiologiques.


    ([1]) Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, titre IX : Traitements de données à caractère personnel ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé

    ([2]) CNIL – délibération n°03-053 du 27 novembre 2003 portant adoption d’une recommandation relative aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre par les registres du cancer

  • Article 13 - Information du public

    Article 13 (article R.4127-13 du code de la santé publique)

    Lorsque le médecin participe à une action d'information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu'en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public. Il doit se garder à cette occasion de toute attitude publicitaire, soit personnelle, soit en faveur des organismes où il exerce ou auxquels il prête son concours, soit en faveur d'une cause qui ne soit pas d'intérêt général.

    Cet article et l'article 20 cherchent à remédier aux abus dont se rendent coupables certains médecins à l'occasion de leurs rapports avec les médias, leur fréquence et leur importance ne cessant de croître.

    Ce premier article concerne à la fois le fond et la forme qui doivent être respectés à l'occasion de la transmission d’informations au public.

    1 - L'information elle-même

    Il ne s'agit évidemment pas d'une information ou d'un renseignement donné par un médecin à son patient, à sa famille ou à son entourage à l'occasion d'un état pathologique ou des soins qu'il nécessite. Il ne s'agit pas non plus de renseignements ou avis émis à l'occasion de conversations privées. C'est la participation, de plus en plus fréquente et souhaitable, de médecins à des actions d'éducation sanitaire (article 12) ou leur intervention à l'occasion d'innovations médicales qui sont visées.

    Vis-à-vis du public, il est tout à fait souhaitable pour des raisons d'authentification, de présentation et d'utilisation que le médecin participe à une information de portée et de diffusion générale sur les nouvelles maladies (Alzheimer, myopathies, Creutzfeldt-Jakob...), techniques (assistance médicale à la procréation) ou thérapeutiques (vaccins, thérapies cellulaire et génique etc…).

     Mais des excès peuvent survenir dans les conditions de cette participation (présentation, commentaires, personnalisation).

    2 - La prudence

    Elle doit constituer une règle permanente, aussi bien sur le fond (données scientifiques confirmées par le milieu scientifique et non pas hypothèses, plus ou moins personnelles, sur lesquelles l'accent serait mis en soulignant un rôle individuel) que dans la forme. Il est essentiel de veiller avec un soin particulier et constant aux répercussions de ses propos auprès du public. L'âge moyen, la catégorie sociale, l'importance numérique de l'auditoire, le lieu, l'heure et surtout les médias utilisés peuvent donner un retentissement très différent à un message apparemment uniforme.

    Le médecin : "doit veiller à l'usage... de ses déclarations" (article 20) ce qui veut dire qu'il doit être prêt à s'en expliquer et à s'en justifier.

    "Il n'y a pas de plus grande confusion que celle qui assimile épidémie et contagion, risque théorique et risque pratique, et pas de plus grande responsabilité dans ce domaine que celle du corps médical, inconscient souvent du risque que comporte une information pour un auditoire non averti. Pour faire savant, le médecin peut parfois méconnaître les règles de prudence qui conviennent pour parler d'une menace qui pèse" (voir note [1]).

    Le médecin doit avoir présent à l'esprit que les métiers de communication imposent une formation et doit se garder d'un excès de confiance en ses facultés personnelles.

    3 - Les moyens de diffusion

    Le développement des techniques de l’information et de la communication et l’engouement qu’elles suscitent augmentent les risques qui existaient déjà dans les rapports des médecins avec la presse écrite en général.

    Le médecin peut être sollicité pour participer à une émission télévisée : il doit s'informer (répercussion de ses propos auprès du public) de l'identité (contradicteurs), du nombre  et souvent de la personnalité des intervenants, et principalement de la notoriété du présentateur et des intervenants de son équipe, des engagements pris concernant son temps de parole, et d'une façon générale des conditions de son intervention. Les risques de dérive sont souvent importants, l'émission de télévision pouvant être utilisée comme un "faire valoir" du présentateur dont la carrière est liée à l'audimat, à la concurrence entre chaînes et insuffisamment comme une réponse au souci normal du public d'être informé sur une question, le côté sensationnel étant privilégié aux dépens de la fonction réellement éducative.

    Si les risques sont déjà importants dans les émissions "en direct", ils se trouvent amplifiés dans les interviews dont l'émission est différée. Là, le médecin peut être véritablement pris "en otage". Ce qu'il a dit peut être découpé, présenté dans un contexte différent, voire en réponse ou en argumentation à un intervenant inconnu, lors de l'enregistrement. Et les conditions d'une rectification éventuelle ne sont pour ainsi dire jamais réunies.

    Les émissions radiophoniques sont, à cet égard, moins risquées pour le médecin : elles comportent souvent moins de participants et une intervention directe est plus facile. Par ailleurs, la multiplication des radios locales donne plus l'occasion aux praticiens de la région de s'exprimer avec davantage de garanties. Le risque se situe plutôt dans le domaine publicitaire, tant personnel qu'au profit d'un organisme (de recherche, d'éducation sanitaire, ou associations diverses) auquel il est lié (intérêts professionnels ou financiers, voire politiques).

    La presse écrite expose le médecin à des risques semblables mais lorsqu'il s'agit d'information sanitaire ou éducative, ils restent modérés, surtout lorsqu'il s'agit d'articles de presse, signés de leur auteur où sa responsabilité est facile à isoler du support médiatique, et lorsque sont réunies les conditions d'une mise au point ou d'une rectification.

    L'édition de livres, monographies, revues, la création d'un site internet (voir note [2]) à l'initiative et sous la responsabilité du médecin, n'appelle de réserves ou de sanctions que dans la mesure où elles dénotent des prises de position contre la loi, la morale ou l'intérêt général. 

    Il n'est pas réaliste de demander systématiquement l'anonymat et encore moins de le souhaiter à propos des manifestations d'information ou d'éducation au public sur les grands problèmes de santé. Au contraire, la notoriété du médecin peut donner davantage de poids au message éducatif, à condition de tenir compte des remarques ci-dessus.

    4 - L'attitude publicitaire

    Elle sera commentée plus largement avec l'article 20 ; mais dans le cadre de l'information de portée générale sur les nouvelles maladies, techniques ou thérapeutiques, l'information peut devenir une occasion de se faire connaître à son avantage, l'intention publicitaire utilisant l'information  - licite en soi - comme prétexte. Le message transmis est débordé par l'impact publicitaire.

    Ce déséquilibre peut également s'observer lorsque le médecin développe anormalement les conditions dans lesquelles il exerce (établissement hospitalier, "centre" médical) ou bien s'étend sur la composition ou le fonctionnement des organismes auxquels il participe (associations dont il n'est pas facile pour le public de distinguer l'intérêt d'ordre général, voire humanitaire, d'autres facteurs).

    Dans les différentes situations auxquelles le médecin peut se trouver exposé, ou craint de l'être, il trouvera toujours auprès de son conseil départemental - en particulier lorsqu'il s'agit de manifestation locale ou régionale - des avis appropriés à la situation et conformes aux usages. Il doit, par ailleurs, se convaincre que la présence de cet article dans le code vise essentiellement à le mettre en garde contre certains pièges et à lui permettre d'assurer son autorité et le bien-fondé de son attitude dans ses rapports avec les médias.


    ([1]) D. SICARD, « Le mythe de la contagiosité », Concours Médical 1995 ; 117 : 77.

    ([2]) J. LUCAS, « La déontologie médicale sur le web santé : recommandations du CNOM », 22 mai 2008 et Livre blanc, décembre 2011, www.conseil-national.medecin.fr

  • Article 14 - Information sur des procédés nouveaux

    Article 14 (article R.4127-14 du code de la santé publique)

    Les médecins ne doivent pas divulguer dans les milieux médicaux un procédé nouveau de diagnostic ou de traitement insuffisamment éprouvé sans accompagner leur communication des réserves qui s'imposent. Ils ne doivent pas faire une telle divulgation dans le public non médical.

    Cet article attire l'attention sur la responsabilité du médecin qui publie. Chacun peut avoir l'impression de détenir une thérapeutique nouvelle intéressante, un procédé nouveau de diagnostic ou de technique chirurgicale. Quelquefois, cette impression se trouvera démentie par des essais plus importants. Une publication ou une communication scientifique faite dans l'enthousiasme ou à la légère pourrait avoir des conséquences démesurées. Ces dérives sont devenues moins nombreuses au cours des dernières années grâce à la diffusion de méthodes de travail plus rigoureuses, en équipe, et à des conditions de publications plus strictes, après avis de comités de lecture (voir note 1).

    La deuxième phrase interdit aux médecins de s'adresser au public par la presse écrite ou parlée, pour vanter traitements ou procédés d'examen. De telles publications comportent, en effet, un risque de tromperie, si leur inexactitude est établie par la suite, et un risque de publicité (interdite au corps médical) si l'auteur signe son article ou laisse donner son nom ou son adresse (articles 19, 20).

    Est-ce à dire qu'un médecin ne peut jamais s'adresser au public ? Non, car l'éducation sanitaire entre dans la mission du médecin (article12). Il ne peut être reproché à un médecin compétent de fournir des explications scientifiques au public. Cela exige prudence et rigueur et le médecin qui le fait doit se mettre soigneusement, dans le fond et dans la forme, à l'abri de tout soupçon de publicité.


    (1) Article L.4113-13 du code de la santé publique : « Les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu'ils s'expriment lors d'une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits. Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

    Les manquements aux règles mentionnées à l'alinéa ci-dessus sont punis de sanctions prononcées par l'ordre professionnel compétent. »

    Article R.4113-110 du code de la santé publique : « L'information du public sur l'existence de liens directs ou indirects entre les professionnels de santé et des entreprises ou établissements mentionnés à l'article L. 4113-13 est faite, à l'occasion de la présentation de ce professionnel, soit de façon écrite lorsqu'il s'agit d'un article destiné à la presse écrite ou diffusé sur internet, soit de façon écrite ou orale au début de son intervention, lorsqu'il s'agit d'une manifestation publique ou d'une communication réalisée pour la presse audiovisuelle. »

  • Article 15 - Recherches impliquant la personne humaine

    Article 15 (article R.4127-15 du code de la santé publique)

    Le médecin ne peut participer à des recherches biomédicales sur les personnes que dans les conditions prévues par la loi ; il doit s'assurer de la régularité et de la pertinence de ces recherches ainsi que de l'objectivité de leurs conclusions.
    Le médecin traitant qui participe à une recherche biomédicale en tant qu'investigateur doit veiller à ce que la réalisation de l'étude n'altère ni la relation de confiance qui le lie au patient ni la continuité des soins.

    Les recherches impliquant la personne humaine  constituent aujourd'hui un aspect important de l'activité des médecins. Le développement de l'évaluation scientifique des moyens et des stratégies, dans les domaines aussi bien diagnostique que thérapeutique, concernent tous les champs de l'activité médicale et toutes les formes d'exercice.

    En transposant en droit français la directive 2001/20/CE sur les essais cliniques de médicaments, la loi n°2004-806 du 9 aout 2004 relative à la politique de santé publique, précisée par le décret n° 2006-477 du 26 avril 2006 et modifiée par la loi n°2012-300 du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine (voir note [1]) modifie profondément le cadre juridique de la recherche médicale sur la personne institué par la loi n°88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales.

    L'article 15 attire l'attention du médecin sur les principes qu'il se doit d'observer en ces circonstances et sur un aspect sensible de sa position en tant qu'investigateur.

    Ces commentaires visent essentiellement les recherches dites interventionnelles comportant une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle et soulignent le domaine de responsabilité du médecin qui y participe. On peut en rapprocher les recherches qualifiées de non interventionnelles dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle sans procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic, de traitement ou de surveillance (voir note [2]).

    1 - Conditions de la recherche

    Le premier alinéa concernant les protocoles d'étude et les conditions de leur mise en œuvre se réfère à la loi. Il n'y a rien là de surprenant. Aucune étude réalisée chez l'homme ne saurait être considérée comme acceptable sur le plan éthique si son objectif n'est pas pertinent (c'est-à-dire visant à établir une connaissance utile au patient lui-même, à la collectivité des patients, ou aux personnes en général), si le protocole n'est pas conçu de façon à pouvoir apporter une réponse claire aux questions que l'on se pose, si les moyens mis en œuvre ne sont pas appropriés, en qualité et en quantité, aux caractéristiques et aux exigences du protocole.

    Un point particulier concerne encore l'objectivité des conclusions. Les études impliquant la personne humaine  procurent à leur terme le plus souvent des données brutes, généralement numériques. Beaucoup de ces données font l'objet de comparaisons et d'analyses statistiques. Cette étape cruciale de la recherche peut constituer une entreprise délicate. Le médecin-investigateur doit conduire ce travail avec la plus grande rigueur et la plus grande objectivité, ou exercer toute sa vigilance s'il ne réalise pas lui-même le travail de mise en forme et d'exploitation des données issues d'une recherche à laquelle il a participé.

    La loi insiste particulièrement sur le consentement libre et éclairé des intéressés.

    Le consentement est en effet un principe essentiel, un pilier à la fois juridique et déontologique de la pratique de la recherche impliquant la personne humaine. Cette exigence morale et juridique s'exprime à travers de nombreux textes dont le plus ancien est le Code de Nuremberg (1947) suivi des déclarations adoptées par l'Association Médicale Mondiale à Helsinki et à Tokyo (voir note [3]).

    Les conditions formelles et juridiques du consentement sont donc inscrites dans la loi, et détaillées dans divers textes d'application et d'accompagnement, notamment le guide pour son application. Cependant les obligations du médecin ne sauraient se limiter au seul respect des dispositions d'ordre juridique et réglementaire.

    On peut dire en effet du consentement qu'il se présente sous deux aspects. D'une part, il s'agit d'un dispositif qui traduit la libre décision de la personne de participer à la recherche et qui atteste du même coup que l'investigateur - à travers lui le promoteur d'une recherche impliquant la personne humaine - a bien respecté les formes juridiques et réglementaires de l'inclusion d'une personne dans un protocole de recherche. D'autre part, il s'agit de l'aboutissement d'un processus d'information de la personne sur la nature de la recherche, ses objectifs, les contraintes voire les risques subis.

    Le principal problème déontologique que pose le consentement n'est pas le consentement lui-même, mais l'information sur laquelle il se fonde, son "éclairage".

    Au cours des recherches impliquant la personne humaine  - comme dans l'exercice quotidien de la médecine - le recueil du consentement ne traduit le respect de la personne humaine et de sa liberté de choix que si l'information donnée préalablement est appropriée, sincère, objective, pertinente, loyale, compréhensible... Toute la difficulté tient à ce que la portée pratique des exigences ainsi exprimées n'est pas la même pour tout le monde ni dans toutes les situations. On peut se poser les questions suivantes :

    • L'information peut-elle être complète, de caractère encyclopédique ? S'agit-il de submerger l'intéressé sous un flot de détails, pour ne pas encourir le reproche de lui cacher quelque chose ? Ne doit-on pas plutôt lui apporter les informations pertinentes pour la situation envisagée, présentée dans une perspective qui lui permet de bien se situer face à la question de l'agrément et du consentement qui lui est posée, sans omettre toutes les informations qui lui seraient nécessaires pour cela ?

    •  Comment reconnaître qu'une information est "compréhensible" (c'est-à-dire compréhensible par tous) ? Doit-elle être simplifiée à l'extrême (mais elle sera alors loin d'être "complète") ? Doit-on considérer que la personne qui se prête à la recherche ne possède elle-même aucune connaissance propre à guider sa décision ? Ce serait gravement méconnaître la connaissance parfois très fine qu'ont les patients de leur affection et de ses traitements... En fait, il n'existe probablement pas d'autre moyen pour le médecin-investigateur de rendre à coup sûr une information compréhensible et de s'assurer qu'elle est comprise que d'engager lui-même un dialogue avec la personne, en veillant non seulement à répondre à toutes ses préoccupations, mais aussi à éclairer certains aspects de la situation dans laquelle elle envisage de s'engager, et auxquels elle n'aurait pas pensé.
       

    Dans l'acte de "recueillir un consentement" éclairé, l'information écrite est aujourd'hui prévue par les textes. Elle a le mérite de laisser une trace, de constituer une source à laquelle peuvent se référer la personne concernée et ses proches. L'information écrite a une autre qualité : elle fait, préalablement à sa diffusion, l'objet d'un examen attentif par des tiers - en l'occurrence les membres du comité de protection des personnes ou CPP - qui peuvent juger de sa clarté, de sa pertinence, de son équilibre et faire des remarques ou des suggestions pour en améliorer le contenu et la présentation. La qualité de l'information écrite proposée aux personnes dans la recherche a fait de substantiels progrès. Cette qualité même ne doit pas conduire les médecins à une dérive inacceptable : l'information doit continuer d'être donnée et contrôlée par l'investigateur lui-même, sa compréhension doit être confirmée au cours du dialogue investigateur - patient (malade ou volontaire sain). Ce n'est qu'à ce prix que le consentement a un sens, qu'il traduit la liberté de choix de la personne, sans se restreindre à satisfaire une disposition réglementaire ou à exprimer une précaution d'ordre juridique.

    Le respect de la loi conduit à rappeler que le législatif, le réglementaire et le déontologique s'intriquent étroitement, et que la législation et la réglementation s'enrichissent chaque jour de textes dont l'inspiration éthique et déontologique est très forte, particulièrement dans le domaine biomédical. Dans ces conditions, le respect de la loi ne saurait se concevoir comme la simple application de dispositions d'ordre matériel, mais comme le respect de l'esprit des textes, particulièrement lorsqu'il s'agit d'information, de consentement, de protection des personnes.

    Une dernière précision : les recherches impliquant la personne humaine doivent être conduites sous une stricte surveillance. Cela s'impose chaque fois qu'un patient se trouve exposé à une situation vis-à-vis de laquelle on manque de recul et d'expérience, ce qui est inhérent à la recherche. L'obligation de stricte surveillance a cependant une portée plus générale. D'une part, l'inclusion dans un protocole altère la liberté de choix du médecin vis-à-vis de son patient, puisque les modalités de prise en charge lui sont imposées, et résultent souvent d'un tirage au sort : la contrepartie de la perte d'initiatives est le renforcement de la surveillance, tout particulièrement dans le cas où un patient reçoit un placebo au lieu d'un médicament présumé actif et bénéfique. D'autre part, cette surveillance particulière apparaît pour la personne qui se prête à l'essai comme la conséquence normale de la situation d'incertitude - plus ou moins marquée - à laquelle il s'expose en se prêtant à une recherche impliquant la personne humaine.

    2 - Relation médecin-patient

    Le deuxième alinéa de l'article 15 rappelle que le médecin est exposé à se comporter différemment, vis-à-vis de la même personne, selon qu'il se trouve en situation de médecin-traitant ou dans celle de médecin-investigateur. L'application d'un protocole expose à rompre la continuité d'une relation médecin-patient.

    Si le protocole, dûment expliqué, compris et accepté par le patient, doit évidemment être conduit dans toute sa rigueur, le médecin traitant, généraliste ou spécialiste, libéral ou hospitalier, qui se trouve en situation de médecin investigateur doit s'efforcer de ne rien altérer de la relation de confiance basée sur l'attention personnelle et bienveillante qui le lie au patient. A contrario, il ne doit pas utiliser cette relation de confiance pour pousser le patient à accepter de se prêter à une recherche en négligeant de respecter intégralement ses devoirs d'information et la liberté de décision de l'intéressé. Le médecin peut donc éprouver des difficultés à cumuler les deux fonctions de médecin traitant et de médecin investigateur. Si tel est le cas, il doit réfléchir à l'opportunité de ne pas assurer lui-même le rôle d'investigateur pour l'application du protocole, se limitant à prendre les dispositions nécessaires pour ne pas rompre, pendant la durée de la recherche, la continuité du contrat moral de soins qui le lie à son patient.

    Toutefois l'expérience montre que l'information renforcée, dans une recherche par rapport à la conduite courante, accroît les échanges entre patient et médecin et peut contribuer à améliorer une relation par des explications réciproques plus développées que d'ordinaire. Après de telles explications, le patient accordant sa participation à la recherche, sera plus engagé et se montrera plus coopérant que pour un traitement plus courant et plus simple.


    ([1]) Articles L.1121-1 et suivants ; R.1121-1 et suivants du code de la santé publique

    (2) Articles L.1121-1 et R.1121-3 du code de la santé publique

    3) 18ème Assemblée médicale mondiale d’Helsinki, Finlande : du 14 au 19 juin 1964,

    29e Assemblée Médicale Mondiale de Tokyo, Japon : du 6 au 10 octobre 1975

  • Article 16 - Collecte de sang et prélèvements d'organes

    Article 16 (article R.4127-16 du code de la santé publique)

    La collecte de sang ainsi que les prélèvements d'organes, de tissus, de cellules ou d'autres produits du corps humain sur la personne vivante ou décédée ne peuvent être pratiqués que dans les cas et les conditions définis par la loi.

    Les lois de bioéthique relatives l'une au respect du corps humain (voir note [1]), l'autre au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal (voir note [2]) ont introduit dans le code civil, le code pénal et le code de la santé publique des dispositions visant tout particulièrement :

    • au respect du corps humain et de son intégrité, même après le décès ;
    • à interdire tout commerce du corps humain, de ses composants et de ses produits ;
    • à réaffirmer l’anonymat (voir note [3]) et la gratuité du don ;
    •  à clarifier la notion de consentement des donneurs ;
    • à encadrer par la loi et ses décrets d'application les activités de prélèvement d'organes, de tissus et de cellules d'une part, de greffe d'autre part ;
    • à assurer la sécurité sanitaire des éléments et produits du corps humain prélevés et collectés à des fins thérapeutiques.
       

    De nombreuses dispositions de la loi visent à accroître l’effort d’information du public en faveur du don de sang et d’organes et à diminuer les obstacles, notamment économiques (voir note [4]) mais aussi culturels, qui entravent le prélèvement.

    Les situations très délicates du don d’organe chez des personnes en état de mort encéphalique et qui n’auraient pas fait connaître, au préalable, leurs intentions à ce sujet, devraient être résolues dans un climat de confiance et de sérénité, respectueux à la fois des souhaits du défunt, rapportés par l’entourage et compatibles avec les objectifs de santé publique en matière de prélèvements.

    Cela est d’autant plus nécessaire que les besoins thérapeutiques sont importants eu égard au petit nombre de donneurs potentiels.

    Pour prévenir ces situations difficiles, il serait bon que les médecins, comme les y incite l’article 12 du code et si leurs convictions le leur permettent, abordent ces problèmes avec leurs patients.

    1 - Le sang

    Le code de la santé publique distingue la collecte de sang selon la finalité qu’elle poursuit : utilisation à des fins thérapeutiques, à des fins de contrôles médicaux (article L.1221-8, 2°), à des fins de recherche (article L.1221-8-1).

    Le prélèvement ne peut être fait, sous peine de sanction pénale, qu’avec le consentement du donneur majeur, par un médecin ou sous sa direction et sa responsabilité. Cependant, à titre exceptionnel, un prélèvement peut être effectué sur un mineur :

    • lorsque des motifs tirés de l’urgence thérapeutique l’exigent ;
    • lorsqu’il n’a pu être trouvé de donneur majeur immunologiquement compatible.

    L’accord écrit de chacun des titulaires de l’autorité parentale est requis. Le refus du mineur fait obstacle au prélèvement.

    Depuis le 1er janvier 2000, l’Etablissement français du sang est chargé sur l’ensemble du territoire national des activités de collecte du sang, de qualification biologique du don, de préparation, de distribution et de délivrance des produits sanguins labiles (voir note [5]).

    Le sang lui-même est délivré en deux types de produits :

    • les produits stables, assimilés aux médicaments, sont distribués sous le contrôle des pharmaciens ;
    • les produits labiles demeurent sous le contrôle de l'organisation transfusionnelle et sont soumis à de bonnes pratiques (voir note [6]).
       

    La sécurité transfusionnelle a été renforcée, pour prévenir la transmission des maladies infectieuses, virales en particulier. La sélection des donneurs est organisée (voir note [7]) ; des analyses biologiques et tests de dépistage sont mis en œuvre avant la distribution, la délivrance, l’utilisation du sang, de ses composants et de ses dérivés (voir note [8]).

    L'hémovigilance (voir note [9]) a été instituée pour dépister toutes anomalies survenues chez une personne transfusée à l'occasion du don du sang. Elle est obligatoire dans les établissements de santé.

    La traçabilité de tout produit sanguin est obligatoire. Elle vise à retrouver un éventuel donneur contaminant ou les receveurs d'un produit présentant un risque postérieur au don.

    À cela, il faut ajouter la modification des indications thérapeutiques par les spécialistes des différentes disciplines dans leur pratique quotidienne : pour réduire les risques liés à la transfusion, elles ont modifié les règles biologiques de compensation chaque fois que possible.

    Le sang et ses composants peuvent être utilisés à d’autres fins que thérapeutiques, soit pour des recherches, soit pour constituer directement une collection d’échantillons biologiques humains. Les règles relatives au consentement du donneur, à la gratuité du don, aux contrôles sanitaires sont identiques à celles retenues pour la collecte à finalité thérapeutique, sans préjudice du respect des obligations propres aux recherches (voir note [10]).

    2 - Organes, tissus, cellules ou autres produits du corps humain

    Précédées par la loi n°76-1181 du 22 décembre 1976, dite « loi Caillavet » qui posait la règle du consentement présumé aux prélèvements post-mortem, les lois de bioéthiques (voir note [11]) fixent les principes généraux applicables aux prélèvements et aux greffes : consentement préalable du donneur – corollaire du principe d’inviolabilité du corps humain – gratuité, respect de l’anonymat – sous réserve du don consenti entre apparentés – équité dans la répartition et l’attribution des greffons.

    Le prélèvement et la greffe constituent une priorité nationale. L’Agence de la Biomédecine a pour mission de promouvoir le don d’organes et de tissus issus du corps humain. La loi de 2004 prévoit expressément l’information des jeunes de 16 à 25 ans sur le don d’organes et confère au médecin généraliste un rôle central dans cette information (article L.1211-3 du code de la santé publique).

    1 - Prélèvements d'organes, de tissus et de cellules

    Ils comportent deux régimes distincts selon que le prélèvement est effectué sur une personne vivante ou décédée.

    a) Sur une personne vivante

    Le prélèvement sous-entend le don d’organes ou de tissus. Il ne peut être effectué que dans l’intérêt direct du receveur. Le donneur doit avoir la qualité de père ou mère. Par dérogation, la possibilité de faire un don d’organe est ouverte au cercle élargi des personnes majeures, « apparentées » au receveur (père, mère, fils, fille, frère ou sœur, conjoint…) (voir note [12]) ainsi qu’à toute personne apportant la preuve d’une vie commune ou d’un lien affectif étroit et stable avec le receveur d’au moins deux ans.

    Le recours au don croisé d’organes qui permet de remédier à une incompatibilité entre un malade et un donneur appartenant à une même famille en trouvant une autre paire donneur-receveur d’une autre famille qui bénéficiera elle aussi de l’échange est désormais admis (voir note [13]).

    Les prélèvements d’organes sont interdits chez les personnes majeures protégées ou les mineurs. Par dérogation à cette règle, un prélèvement de moelle osseuse, assimilée à un organe, peut être effectué sur un mineur au bénéfice de son frère ou de sa sœur, de sa cousine ou son cousin germain, de son oncle ou de sa tante, de sa nièce ou de son neveu. Le refus du mineur fait obstacle au prélèvement.

    Le donneur exprime son consentement devant le président du Tribunal de grande instance – ou le magistrat désigné par lui – après avoir été informé par le comité d’experts sur les risques et les conséquences d’un tel prélèvement. Le magistrat s’assure que le consentement est libre et éclairé.

    L’autorisation du comité d’experts (voir note [14]) est obligatoire pour les donneurs admis à titre dérogatoire (cercle élargi) et facultative, sur décision du magistrat qui recueille le consentement, pour les donneurs admis par principe (le père et la mère du receveur). Pour apprécier la justification médicale et les risques de l’opération pour le donneur, le comité peut avoir accès aux informations médicales du donneur et du receveur. L’autorisation pour les donneurs admis à titre dérogatoire ne peut intervenir qu’après le recueil du consentement du donneur devant le juge.

    En cas d’urgence vitale, l’information du donneur est effectuée par le médecin qui a posé l’indication de la greffe ou tout autre praticien selon le choix du donneur. Le consentement est recueilli par tout moyen, par le Procureur de la République. Un comité désigné par l’Agence de la Biomédecine parmi les experts nommés délivre l’autorisation de prélèvement par tout moyen.

    Lorsqu’il s’agit de tissus et/ou de cellules (ou de la collecte de produits du corps humain), le prélèvement peut être effectué dans un but thérapeutique mais aussi scientifique (voir note [15]).

    b) Sur une personne décédée

    Le prélèvement d’organes sur une personne dont la mort a été dûment constatée (infra) ne peut être effectué, sauf opposition de sa part exprimée de son vivant, qu’à des fins thérapeutiques ou scientifiques (article L.1232-1 du code de la santé publique). Il en va de même du prélèvement des tissus et cellules (article. L.1241-6).

    Le refus du prélèvement peut être exprimé par tout moyen, notamment par l’inscription sur un registre national automatisé, dit Registre national des refus, dont le fonctionnement et la gestion sont assurés par l’Agence de la Biomédecine. Toute personne majeure ou mineure âgée de 13 ans au moins peut faire inscrire sur ce registre, son refus d’un prélèvement post-mortem soit à des fins thérapeutiques, soit pour rechercher les causes du décès (voir note [16]), soit à des fins scientifiques, soit pour plusieurs de ces hypothèses.

    Si le médecin n’a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s’efforcer de recueillir auprès des proches du défunt l’opposition au don d’organe, éventuellement exprimée, par la personne de son vivant, par tout moyen et il les informe de la finalité des prélèvements envisagés.

    Lorsque le donneur est un mineur ou un majeur protégé, le prélèvement ne peut être opéré qu’avec l’autorisation écrite de chacun des titulaires de l’autorité parentale ou du représentant légal.

    Le constat de la mort (voir note [17]) dans le cas de personnes présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, ne peut être établi que si les trois critères cliniques suivants sont simultanément présents :

    • absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée ;
    • absence de tous les réflexes du tronc cérébral ;
    • absence totale de ventilation spontanée.
       

    Si la personne décédée est assistée par ventilation mécanique et conserve une fonction hémodynamique, l’absence de ventilation spontanée est vérifiée par une épreuve d’hypercapnie. De plus, en complément des trois critères cliniques ci-dessus mentionnés, il est obligatoirement recouru à des critères paracliniques (deux électroencéphalogrammes ou une angiographie cérébrale) pour attester  du caractère irréversible de la destruction encéphalique.

    Le constat de la mort est signé par un médecin (par deux médecins en cas de mort encéphalique). Ces médecins doivent faire partie d’unités fonctionnelles ou de services distincts de ceux auxquels appartiennent les médecins impliqués dans le prélèvement ou la greffe (voir note [18]).

    Les médecins qui ont effectué les prélèvements sont tenus de s’assurer de la restauration décente du corps (article L.1232-5 du code de la santé publique).

    La rémunération à l’acte des praticiens effectuant des prélèvements d’organes et/ou de tissus en vue de dons est interdite (voir note [19]).

    Les autorisations de prélèvements d’organes et/ou de tissus (pas de cellules) sont délivrées aux établissements de santé, pour une durée de cinq ans, renouvelable (voir note [20]).

    2 - Banques de tissus

    Après prélèvement, la transformation, la conservation, la distribution, la cession des tissus et des cellules sont soumises à autorisation administrative, laquelle est accordée pour une durée de cinq ans. Elle est renouvelable. Ne peuvent en bénéficier que les établissements publics de santé et les organismes à but non lucratif. Certaines activités de haute technicité concernant la transformation des prélèvements et les cultures de cellules ainsi que leur conservation, leur distribution et leur cession sont autorisées à d'autres organismes (article L.1243-1 du code de la santé publique).

    3 -  Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent être l'objet d'un négoce, y compris après le décès

    Le droit de la personne est enrichi par un droit au respect  de son corps, y compris après le décès. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments, ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial (article 16-1 du code civil).

    Aucune convention ne peut conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments, à ses produits (article 16-5 du code civil).

    Les individus sont également protégés contre eux-mêmes en ce domaine et ne peuvent donc être rémunérés pour les prélèvements d'éléments de leur corps ou la collecte d'un produit de celui-ci (article16-6 du code civil). Les sanctions pénales à tout manquement sont sévères : 5 ans d’emprisonnement et  75 000 euros d'amende pour le paiement d'un organe ou d'un tissu ; sont punis des mêmes peines la rémunération d'une seule entremise visant à obtenir un organe ou un tissu, ou le fait d’importer ou d’exporter des produits humains hors des conditions prévues par la loi (article L.511-4 du code pénal).

    Toutefois, le prélèvement, le conditionnement, la distribution et l'acheminement des produits humains prélevés peuvent donner lieu à remboursement des frais occasionnés, qu'il s'agisse d'organes ou de tissus.

    4 - Sécurité sanitaire et traçabilité

    Une sélection rigoureuse des greffons est requise. Comme par le passé, elle concerne sa qualité fonctionnelle. Mais une notion nouvelle apparaît : la sécurité sanitaire.

    Son but est d'éviter de transmettre aux receveurs d'organes ou de tissus une maladie dont pourrait être porteur le donneur. Ainsi la recherche de la présence de marqueurs biologiques des maladies infectieuses, virales notamment, a-t-elle été rendue obligatoire (voir note [21]) et un échantillon des produits biologiques ayant servi à ces recherches doit être conservé. En outre, les prélèvements de tissus et de cellules (à l’exception de la cornée, de l’os cortical ou de la peau - arrêté du 24 mai 1994) sur une personne décédée ne peuvent être effectués que si celle-ci est assistée par ventilation mécanique et si elle conserve une fonction hémodynamique.

    Toutefois, pour donner aux patients un meilleur accès aux greffons, le prélèvement d’organes et de cellules chez un donneur porteur de marqueurs sérologiques des virus de l’hépatite B et de l’hépatite C est autorisé à titre expérimental dans le cadre de protocoles dérogatoires de greffe définis par  l’ANSM. Cette dérogation ne peut être mise en œuvre que dans les situations engageant le pronostic vital du receveur et en l’absence d’alternatives thérapeutiques appropriées.

    Elle impose que le risque prévisible encouru par le receveur ne soit pas hors de proportion avec le bénéfice escompté et que le consentement éclairé de celui-ci soit recueilli (article R.1211-21 du code de la santé publique).

    Afin d'assurer la plus grande sécurité possible d'utilisation, un dispositif de traçabilité a été mis en place (voir note [22]). On entend par traçabilité d'un élément ou d'un produit du corps humain (organe, tissu, cellules ou dérivés) l'ensemble des informations et des mesures prises pour suivre et retrouver rapidement l'ensemble des étapes allant de l'examen clinique du donneur à l'utilisation de cet élément ou produit du corps humain, en passant par le prélèvement, la transformation, la conservation, le transport, la distribution, la dispensation à un patient. La traçabilité permet d'établir un lien entre le donneur et le (ou les) receveur(s). Elle est établie à partir d'une codification préservant l'anonymat des personnes.

    Ces informations devront être transmises avec l'organe ou le tissu prélevé au praticien qui en fera l'implantation. De même, tout médecin ou chirurgien impliqué dans l'utilisation d'un greffon devra s'assurer que celui-ci a été prélevé, conservé et distribué conformément à la loi et en application de celle-ci.

    Tout patient qui bénéficie d'une greffe d'origine humaine doit être informé par le praticien responsable de la greffe que celle-ci est réalisée à partir d'éléments ou produits du corps humain.

    En somme, plus qu'une autre activité médicale, la pratique de transplantation :

    • conjugue intérêt individuel et intérêt collectif ;
    • nécessite le plus grand respect des personnes, vivantes ou décédées, donneurs ou receveurs ;
    •  justifie l'obtention d'un consentement quand cela est possible ;
    • impose l'indépendance des médecins et des équipes médicales impliquées ;
    • conduit enfin à sensibiliser non seulement les médecins mais l'ensemble de la population.
       

    Le Comité Consultatif National d’Ethique a émis des recommandations pour une meilleure compréhension et application de la loi (voir note [23]).


    ([1]) Loi n°94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain

    ([2]) Loi n°94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps

    ([3])  Article L.1221-1 du code de la santé publique

    ([4] ) Article L. 1221-3 du code de la santé publique

    ([5]) Article L. 1222-1 du code de la santé publique

    ([6]) Article L.1222-3 du code de la santé publique

    ([7]) Article R.1221-5 du code de la santé publique mais « Nul ne peut être exclu du don de sang en dehors de contre-indications médicales » - Article L.1211-6-1 du code de la santé publique

    ([8]) Articles D.1221-6 à D.1221-16 du code de la santé publique

    ([9]) Articles L.1221-13, R.1221-22 et suivants du code de la santé publique

    ([10]) Article L.1221-8-1 du code de la santé publique

    ([11]) Lois n° 94-654 du 29 juillet 1994, n° 2004-800 du 6 août 2004 et n° 2011-814 du 7 juillet 2011

    Voir aussi : Protocole additionnel à la Convention des Droits de l’Homme et la Biomédecine relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine – Strasbourg, 24 janvier 2002

    ([12]) Article L.1231-1, 2ème alinéa du code de la santé publique

    ([13]) Article L.1231-1, 3ème al. du code de la santé publique

    ([14]) Article L.1231-3 du code de la santé publique

    ([15]) Articles L.1241-1 à L.1241-7 du code de la santé publique

    ([16]) Le refus ne peut faire obstacle aux expertises, constatations et examens techniques ou scientifiques éventuellement diligentés dans le cadre d’une enquête judiciaire ou d’une mesure d’instruction – Article R.1232-6 du code de la santé publique

    ([17]) Articles R.1232-1, R.1232-2 du code de la santé publique

    ([18]) Article L.1232-4 du code de la santé publique

    ([19]) Articles L.1234-3 et L.1242-2 du code de la santé publique

    ([20]) Articles L.1233-1 et L.1242-1 ; R.1233-1 à R.1233-6, R.1242-1 à R.1242-7 du code de la santé publique

    ([21]) Articles L.1211-6, R.1211-12 à R.1211-28 du code de la santé publique

    ([22]) Articles L.1211-7 ; articles R.1211-32 et suivants du code de la santé publique

    ([23]) CCNE – Avis n° 115 ; questions d’éthique relatives au prélèvement et au don d’organes à des fins de transplantation, 15 juin 2011

  • Article 17 - Assistance médicale à la procréation

    Article 17 (article R.4127-17 du code de la santé publique)

    Le médecin ne peut pratiquer un acte d'assistance médicale à la procréation que dans les cas et les conditions prévus par la loi.

    Cet article se réfère aux lois de bioéthique révisées (voir note [1]).

    1- L'assistance médicale à la procréation s’entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle (voir note [2]).

    Elle a pour objet de remédier à l'infertilité d'un couple ou d'éviter la transmission à l'enfant d'une maladie grave ou à un membre d’un couple d’une maladie particulièrement grave. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué (article L.2141-2 du code de la santé publique).

    L'homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans et consentir préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination. Font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons, le décès de l’un des membres du couple, le dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la vie commune ainsi que la révocation par écrit du consentement de l’un des membres du couple.

    Un embryon ne peut être conçu in vitro qu'avec des gamètes provenant au moins d'un des deux membres du couple.

    L'assistance médicale à la procréation avec un tiers ne doit être pratiquée que comme ultime indication compte tenu des techniques récentes (spermatide-ovocyte).

    Les embryons surnuméraires peuvent être conservés pendant un délai de 5 ans, avec l'accord écrit du couple consulté chaque année.

    Les actes cliniques et biologiques d'assistance à la procréation doivent être effectués sous la responsabilité d'un praticien en mesure de prouver sa compétence dans ce domaine et dans un établissement ou laboratoire autorisé à les pratiquer (voir note [3]).

    La mise en œuvre de l'assistance médicale à la procréation doit être précédée d'entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l'équipe pluridisciplinaire.

    Les demandeurs doivent établir un dossier, assez semblable à celui établi pour les adoptions.

    Toute violation de la loi constatée dans un établissement ou dans un organisme agréé entraîne immédiatement le retrait temporaire ou définitif des autorisations prévues. De même, tout médecin pratiquant des actes non conformes aux dispositions législatives et réglementaires est passible de peines de prison et d'amendes lourdes pouvant aller jusqu’à  7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d'amende (article L. 2162-1 et suivants du code de la santé publique).

    Il est donc nécessaire que tout médecin pratiquant de tels actes connaisse parfaitement le contenu de la loi.

    2- La conception in vitro d'embryons ou la constitution par clonage d’embryon humain à des fins de recherche est interdite de même que la création d’embryons transgéniques ou chimériques.

    La recherche sur l’embryon, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches est interdite.

    A titre dérogatoire, l’Agence de la Biomédecine peut autoriser des recherches sur des embryons conçus in vitro et ne faisant plus l’objet d’un projet parental si elles sont susceptibles de permettre des progrès médicaux majeurs et s’il est expressément établi qu’on ne peut parvenir autrement au résultat escompté (articleL.2151-5 du code de la santé publique).

    La loi du 7 juillet 2011 instaure une clause de conscience en vertu de laquelle « aucun chercheur, aucun ingénieur, aucun technicien ou auxiliaire de recherche quel qu’il soit, aucun médecin ou auxiliaire médical n’est tenu de participer à quelque titre que ce soit aux recherches sur des embryons humains ou des cellules souches embryonnaires » (article L.2151-7-1 du code de la santé publique).


    ([1]) Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, révisée par la loi n°2004-800 du 6 août 2004 et la loi n°2011-814 du 7 juillet 2011 ; loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain

    ([2]) La liste des procédés biologiques utilisés en AMP est fixée par arrêté du ministère chargé de la santé, après avis de l’Agence de la Biomédecine. La technique de vitrification des ovocytes est désormais autorisée.

    ([3]) Articles L.2142-1-1, L.2142-2 ; R.2142-1 et suivants : conditions d’autorisation et de fonctionnement des établissements de santé ; R.2142-10 et suivants : conditions d’agrément des praticiens

  • Article 18 - IVG

    Article 18 (article R.4127-18 du code de la santé publique)


    Un médecin ne peut pratiquer une interruption volontaire de grossesse que dans les cas et les conditions prévus par la loi ; il est toujours libre de s'y refuser et doit en informer l'intéressée dans les conditions et délais prévus par la loi.

    Les dispositions de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) restent encore assez mal connues des médecins et des femmes. L’IVG n’est ni un moyen de contraception, ni un droit à l’avortement. C’est une exception au principe du respect de la vie, réaffirmé à l’article 16 du code civil, exception justifiée par la nécessité. La loi distingue deux situations : l’interruption de grossesse pratiquée avant la fin de la douzième semaine de grossesse, en cas de détresse maternelle ; l’interruption de grossesse pour motif médical (IMG) (état pathologique maternel ou fœtal).

    1 – Interruption de grossesse demandée en situation de détresse

    La femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin d’interrompre sa grossesse [1](voir note 1). Cette intervention ne peut être pratiquée qu’avant la fin de la douzième semaine de grossesse. La femme est seul juge de la situation de détresse.

    Le médecin doit, dès la première visite, informer la femme des méthodes médicales et chirurgicales d’interruption de grossesse, des risques et effets secondaires potentiels, lui remettre un dossier-guide et la liste des centres de conseils et planification familiale et établissements où sont pratiquées les interventions.

    A l’issue d’un délai de réflexion d’une semaine, la femme confirme par écrit sa demande.

    Lorsque la femme est mineure (voir note 2) et qu’elle désire garder le secret sur l’intervention, le médecin doit s’efforcer d’obtenir son accord pour que le représentant légal soit consulté. S’il n’y parvient pas ou que le consentement du représentant légal n’est pas obtenu, l’IVG ainsi que les actes médicaux (cela vise notamment l’anesthésie) et les soins qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la demande de l’intéressée, assistée d’une personne majeure de son choix.

    L’IVG peut être pratiquée :

    • soit par voie chirurgicale, en établissement et sous anesthésie locale ou générale ;
    • soit par voie médicamenteuse (voir note 3), hors établissement de santé et jusqu’à la fin de la cinquième semaine de grossesse (sept semaines d’aménorrhée).
       

    Seuls les médecins qualifiés en gynécologie médicale ou obstétrique et les médecins généralistes pouvant justifier d’une pratique régulière des IVG médicamenteuses dans un établissement de santé sont habilités à pratiquer ces interventions.

    Le médecin doit avoir signé une convention avec un établissement de santé qui accueillera la patiente au cas où cela serait nécessaire.

    Le médecin s’approvisionne en médicaments nécessaires à la réalisation de l’IVG auprès d’une pharmacie d’officine. La prescription doit porter les mentions « à usage professionnel » et le nom de l’établissement avec lequel il a signé une convention, la date de celle-ci.

    2 – Interruption de grossesse pratiquée pour motif médical (IMG)

    La grossesse peut être interrompue, à toute époque lorsqu’il est attesté après consultation d’une équipe pluridisciplinaire soit que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la mère, soit qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic (voir note 4).

    S’il existe un péril grave pour la mère, l’avis sera donné par une équipe pluridisciplinaire de quatre membres comprenant un gynécologue-obstétricien, un médecin spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte, un médecin choisi par la mère, un assistant social ou psychologue.

    Si le risque concerne l’enfant, l’avis est donné par l’équipe d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, un médecin choisi par la femme pouvant être associé à la concertation.

    Hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre la grossesse.

    La femme ou le couple peut demander à être entendu.

    3 – Clause de conscience

    Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption de grossesse. Mais il doit informer sans délai l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom des praticiens susceptibles de réaliser l’intervention (voir note 5).

    4 – Contraception

    En aucun cas, l’interruption volontaire de grossesse ne doit constituer un moyen de régulation des naissances (article L.2214-2 du code de la santé publique).

    Une contraception, selon la méthode choisie par la femme, sera mise en place dès que possible après la réalisation de l’IVG.


    (1) Article L.2212-1 du code de la santé publique

    (2) Article  L.2212-7 du code de la santé publique

    (3) Article R.2212-9 à R.2212-18 du code de la santé publique

     (4) Article L.2213-1 du code de la santé publique :

    « L'interruption volontaire d'une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins membres d'une équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, soit que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.

    Lorsque l'interruption de grossesse est envisagée au motif que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, l'équipe pluridisciplinaire chargée d'examiner la demande de la femme comprend au moins quatre personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique membre d’un centre pluridisciplinaire prénatal, un praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte, un médecin choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue. Le médecin qualifié en gynécologie obstétrique et celui spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte doivent exercer leur activité dans un établissement de santé.

    Lorsque l'interruption de grossesse est envisagée au motif qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic, l'équipe pluridisciplinaire chargée d'examiner la demande de la femme est celle d'un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Lorsque l'équipe du centre précité se réunit, un médecin choisi par la femme peut, à la demande de celle-ci, être associé à la concertation. Hors cas d’urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse.

    Dans les deux cas, préalablement à la réunion de l'équipe pluridisciplinaire compétente, la femme concernée ou le couple peut, à sa demande, être entendu par tout ou partie des membres de ladite équipe. »

    (5) Article L.2212-8 du code de la santé publique

  • Article 19 - Interdiction de la publicité

    Article 19 (article R.4127-19 du code de la santé publique)

    La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce.
    Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale.

    Publicité et commerce sont indissociables et nécessitent une analyse pratique.

    1 - Exercice non commercial

    La santé n'est pas un bien marchand. L'acte médical ne peut pas être considéré comme une denrée, une marchandise échangée pour une contrepartie financière. Le médecin ne "vend" pas des ordonnances ou des soins, ou des certificats. La médecine est un service.

    Le "contrat de soins" qui est à la base de la responsabilité médicale (article 69) n'est pas une convention commerciale, ni un marché. C'est un contrat tacite, où ce qu'apporte l'un n'est pas l'équivalent de ce qu'apporte l'autre. Le médecin s'engage à donner les soins adéquats (article 32) qui ne sont pas définis par avance et qui diffèrent selon les circonstances.

    Cette notion - que l'exercice de la médecine ne peut être assimilé à une activité commerciale - a une grande importance et de nombreuses conséquences réglementaires. Elle ne renferme aucun jugement péjoratif vis-à-vis des professions commerciales qui ont leurs propres règles. Mais les missions du médecin sont d'une autre nature. S'il n'est pas immoral que le gain soit le moteur d'une entreprise commerciale, la rentabilité ne peut être l'objectif principal du médecin.

    Il n'en reste pas moins que le médecin doit trouver une juste rentabilité de son cabinet médical, nécessitant une rigueur qui évite deux écueils : la rentabilité à tout prix par un fonctionnement abusif, le déficit compromettant à terme l'ensemble de la structure de soins. S'il s'agit de gérer raisonnablement la structure de l'ensemble des moyens matériels de son cabinet (au besoin dans le cadre d'une SCM), il ne peut en aucun cas s'agir d'exploiter un appareillage - dont parfois l'originalité ou l'usage se révèle discutable - afin d'en dégager des revenus non justifiés médicalement (mais que ne manquent pas de souligner les publicités de certains journaux médicaux). Une attention analogue doit être portée par le médecin à l'utilisation de certains équipements dont l'établissement hospitalier cherche la rentabilité, voire le rendement.

    La cession d'un cabinet médical à un successeur par un médecin qui cesse d'exercer ou qui change de résidence professionnelle doit s'effectuer selon des règles strictes qui respectent le libre choix du patient. Elle n'est pas comparable à la cession d'un fonds de commerce.

    2 - Dérives commerciales de l'exercice

    a) L'application des lois médico-sociales a apporté des habitudes et des dispositions incitant à des comportements de nature mercantile :

    • le paiement comptant de chaque acte médical, conséquence de l'emploi des feuilles d’assurance maladie ;
    • la tarification des actes médicaux, chaque acte étant doté d'une "valeur marchande" ;
    • la nomenclature des actes médicaux elle-même où chaque acte est doté d’une valeur monétaire qui fait la part belle aux actes médico-techniques ou qui requièrent un appareillage au détriment des actes cliniques.

    L'influence des médias - la télévision, internet, les réseaux sociaux…- a affecté la relation médecin-patient en privilégiant le spectaculaire  (la technique, l'appareillage, l'image) par rapport à la relation, la réflexion, le conseil. Le patient réclame l'examen paraclinique, aggravant les dépenses d'assurance maladie et le médecin est tenté de limiter son activité intellectuelle. Apparaissent ainsi des pratiques médicales de plus en plus limitées et de ce fait spécialisées (endoscopie, cathétérisme, enregistrement de données). Certaines sont plus rémunératrices et font de ce fait apparaître des "créneaux" de rentabilité (médecine esthétique ou anti-âge) qui ouvrent la voie à des excès. Dans les situations de concurrence d'origine diverse, la déontologie du médecin doit se résumer, non sans difficultés, à privilégier l'intérêt du patient.

    b) Le code de déontologie a multiplié les mesures réglementaires contre une pratique commerciale de la médecine qui font l'objet d'autres articles :

    • 22, 94 : interdiction du partage clandestin d'honoraires ;
    • 23 : interdiction de tout compérage ;
    • 24 : interdiction des ristournes, commissions, avantages ;
    • 25 : interdiction de consulter dans des locaux commerciaux ;
    • 57 : interdiction de détournement de patientèle ;
    • 67, 53, 54, 55 : relatifs aux honoraires ;
    • 89 : interdisant la gérance de cabinet ;
    • 83 II, 97 : concernant la rentabilité.
       

    c ) La loi elle-même est venue confirmer l'interdiction pour les médecins de recevoir des avantages en nature ou en espèces, directement ou non, procurés par des entreprises assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits remboursés par les régimes obligatoires de sécurité sociale (art. L.4113-6 du code de la santé publique).

    Cette interdiction ne s'applique pas aux activités de recherche ou d'évaluation scientifique à la condition qu’elles soient, avant leur mise en application, soumises pour avis au conseil de l'ordre compétent et notifiées, lorsque les activités de recherche ou d'évaluation sont effectuées, même partiellement, dans un établissement de santé au responsable de l'établissement, et que les rémunérations ne soient pas calculées de manière proportionnelle au nombre de prestations ou produits prescrits, commercialisés ou assurés.

    Les infractions à ces dispositions sont passibles d'une amende de 75 000 euros et d'un emprisonnement de deux ans (article L.4163-2 du code de la santé publique).

    Ces dispositions ont eu le mérite de faire prendre conscience aux médecins du risque insidieux de perte de leur indépendance du fait de pratiques coutumières devenues au fil du temps plus conséquentes et davantage répréhensibles.

     3 - Procédés directs et indirects de publicité

    Ainsi qu'il est précisé aux articles 13, 19, 20, toute "réclame" est interdite, qu'elle émane du médecin lui-même ou des organismes auxquels il est lié directement ou indirectement, ou pour lesquels il travaille (établissements de santé, "centres", "instituts", etc.) (voir note [1]). Sa participation à l'information du public doit être mesurée (article13), et la personnalité du médecin, qui peut valoriser le message éducatif, doit s'effacer au profit de ce message sans s'accompagner de précisions sur son exercice (type, lieu, conditions).

    Sont par ailleurs interdits la distribution de tracts publicitaires, les annonces non motivées, les encarts publicitaires dans les journaux ou les annuaires. Le médecin "doit veiller à l'usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations" et "se garder de toute attitude publicitaire" (articles13 et 20).

    Le deuxième alinéa de cet article fait référence à l’aménagement (voir note [2]) et à la signalisation des locaux professionnels. Normalement le médecin peut avoir deux plaques professionnelles, l'une sur l'immeuble et l'autre à la porte du  local professionnel ; leur libellé doit respecter les obligations de l'article 81.

    Il arrive que le  local professionnel (dans une résidence, dans une cour intérieure) soit difficilement accessible sans complément d'information. Une signalisation complémentaire est autorisée sous forme de pancarte ou panonceau indiquant la direction du local à la porte duquel figure la plaque proprement dite. L'appréciation des dispositions locales peut être difficile et l'avis du conseil départemental pourra être utilement sollicité.

    Dans les lieux de vacances où une population séjourne temporairement (stations balnéaires ou de ski), ces indications se révéleront utiles mais doivent faire l'objet d'une concertation avec le conseil départemental (qu'il y ait un ou plusieurs cabinets médicaux, surtout s'il existe un groupe médical et des médecins autonomes).

    C'est dans ces mêmes contextes que pourrait être autorisée une signalisation incluse dans un panneau général d'informations aux résidents. Seul l'intérêt de la population doit être pris en compte.

    Le médecin doit également se garder de toute attitude publicitaire lorsqu’il présente son activité sur un site internet (voir note [3]). Dans un arrêt du 27 avril 2012 (CE 4e et 5e sous-section, Anthony, n°348259), le Conseil d’Etat a jugé, à propos du site internet d’un chirurgien-dentiste que si le site « peut comporter, outre les indications expressément mentionnées dans le code de la santé publique, des informations médicales à caractère objectif et à finalité scientifique, préventive ou pédagogique, il ne saurait, sans enfreindre les dispositions précitées de ce code et les principes qui les inspirent, constituer un élément de publicité et de valorisation personnelles du praticien et de son cabinet ». 

    Ainsi, un site internet qui met en avant le profil personnel du praticien, des réalisations opérées sur des patients, les soins qu'il prodigue et les spécialités dont il se recommande et excèdent de simples informations objectives constitue une présentation publicitaire du cabinet, constitutive d'un manquement aux devoirs déontologiques


    ([1]) Civ. 1ère , 5 juillet 2006, n°04-11564 : « Justifie légalement sa décision, une cour d’appel qui a constaté qu’une clinique avait eu recours à des procédés de publicité portant sur des actes médicaux et bénéficiant aux médecins exerçant en son sein puisqu’ils permettaient d’attirer la clientèle et ainsi mis en évidence le caractère déloyal du comportement de cette société à l’égard de l’ensemble des médecins soumis en vertu de l’article 19, alinéa 2, du code de déontologie médicale, à l’interdiction de tous procédés directs ou indirects de publicité. »

    ([2]) F. STEFANI, « Informations dans la salle d’attente du médecin », rapport adopté par le CNOM, session du 6 octobre 2000,

    ([3]) J. LUCAS, « La déontologie médicale sur le web santé – recommandations du CNOM », 4 juin 2008 ; « Charte de conformité ordinale applicable aux sites web des médecins », mai 2010, « Déontologie médicale sur le web : Livre blanc du CNOM », décembre 2011

  • Article 20 - Usage du nom et de la qualité de médecin

    Article 20 (article R.4127-20 du code de la santé publique)

    Le médecin doit veiller à l'usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations.
    Il ne doit pas tolérer que les organismes, publics ou privés, où il exerce ou auxquels il prête son concours utilisent à des fins publicitaires son nom ou son activité professionnelle.

    Cet article souligne le caractère personnel de la responsabilité du médecin, déjà évoqué dans les domaines différents mais voisins de la communication (article13) et de la dérive publicitaire (article 19) et repris plus loin, à propos de l'article 69.

    1 - Information individuelle publicitaire ou mensongère

    Elle apparaît dans de multiples circonstances, volontiers sous des formes apparemment anodines.

    L'information peut être exacte (cartons informant individuellement des généralistes de l'installation d'un spécialiste) mais être étendue (au public, à des associations) sans justification. Il en est de même lorsque les vacances, les absences font l'objet d'insertions dans les journaux et constituent en réalité des prétextes à faire parler de soi. Ces informations doivent être au préalable communiquées au conseil départemental de l'Ordre (article 82).

    L'information peut être exacte mais excessive en prenant une connotation publicitaire dans la forme : c'est le cas des plaques professionnelles dont les dimensions dépassent celles, traditionnelles, de 25 x 30 cm (article 81), se transforment en véritables panneaux, se multiplient sous divers prétextes ou s'accompagnent d'une signalisation abusive du local professionnel.

    Il en est de même du libellé de la plaque comme de celui des ordonnances (article 79) et de l'utilisation fréquente des titres non autorisés, car favorisant la confusion entre des diplômes faciles à acquérir et des qualifications réelles, ou se rapportant à des aspects parcellaires de l'activité. On retrouve les mêmes intentions publicitaires dans les annuaires (article 80), qu'il s'agisse de celui de France Télécom ou de tous autres destinés au public, et même de certains annuaires professionnels diffusés - quel qu'en soit le support (Internet, par exemple) - par des organismes intermédiaires (laboratoires pharmaceutiques, industriels de matériel professionnel, associations, syndicats). L'équité veut que chaque praticien soit traité de la même façon ; la publicité pour les uns a pour conséquence la discrimination des autres.

    Le nom, la qualité (qualifications, caractéristiques d'exercice, attributions, responsabilités, fonctions) ne peuvent être mentionnés sans l'accord de l'intéressé. Toute information inexacte est donc de sa responsabilité et, suivant sa nature ou son mode d'expression, devient fautive.

    L'information peut être mensongère, soit en elle-même (qualitativement ou quantitativement), soit parce qu'elle pérennise une situation ou des données qui se sont modifiées et n'ont pas été corrigées. Elle peut l'être également - le plus souvent de façon indirecte - par la présentation (document destiné à la clientèle, journal local, brochure municipale), par la globalisation à un groupe (associations professionnelles ou non, sociétés d'exercice) d'une donnée normalement limitée à un ou quelques membres. Elle peut l'être aussi par l'ambiguïté entrevue dans la rédaction des plaques ou ordonnances, ou l'usage abusif de certains termes ("centre" de ..., "collège" de..., "institut" de...).

    Il est donc indispensable que le médecin "veille à l'usage qui est fait de son nom, de sa qualité". Ce même souci doit le guider à propos de "ses déclarations" : les erreurs fautives se situent souvent dans un contexte où le médecin ne dispose pas suffisamment de moyens pour faire respecter par des tiers (organismes et établissements de santé notamment), l'obligation qui lui est faite par l'article 20.

    2 - Organismes, établissements de soins et publicité

    a) Publicité de l'organisme commercial

    Si des informations médicales de caractère général peuvent se révéler justifiées de la part d'établissements commerciaux, la publicité doit se limiter aux prestations commerciales (hôtelières, de confort).

    Dès que la publicité concerne les soins, elle interfère avec l'activité des médecins ou des professionnels de santé astreints à des règles déontologiques.

     Le médecin faisant l'objet d'une plainte ne  peut se borner à faire remarquer que la publicité  émane de l'organisme (établissement de santé,  centre de santé ou "institut" de remise en forme ou de  médecine esthétique) et non de lui.  Il ne doit pas tolérer que les organismes publics ou privés où il exerce ou auxquels il prête son concours utilisent à des fins publicitaires son nom ou son activité.

     Il y a donc intérêt  à ce que cette obligation figure dans les contrats d'exercice - dont les conseils départementaux ont la charge de surveiller le caractère déontologique - et ne pourra que recueillir l'avis favorable des membres des commissions médicales d'établissement.

    b) Prétexte commercial à la publicité plus ou moins personnalisée

    Les circonstances dans lesquelles le médecin bénéficie plus ou moins consciemment de la publicité de l'établissement ne sont pas rares :

    • Inauguration de services ou de plateaux techniques (scanner, lithotripteur, angiographie numérisée...).
    • Journées "portes ouvertes".
    • Brochures ou tracts sur les établissements. Ces publicités se font en général par l'intermédiaire des médias qui citent le nom des médecins (information), mais font volontiers état de techniques dites personnelles, avec photographies à l'appui, commentaires laudatifs dont le rédacteur n'aurait pu faire état sans le concours du médecin (publicité). Une publicité involontaire du médecin devra entraîner de sa part une protestation, éventuellement par lettre recommandée avec avis de réception, dont il pourra toujours faire état pour se justifier en cas de plainte.
    • Revues ou informations publiées sur Internet ou les réseaux sociaux par les établissements. Dans celles-ci sont habilement mélangées des informations de caractère hôtelier, des réclames à caractère évidemment commercial (prothèses auditives, matériel pour handicapés physiques, lunettes et orthèses diverses, établissements bancaires, installations hospitalières, matériel industriel sanitaire). Sont intercalés des articles médicaux concernant souvent des techniques modernes et intéressant patients et médecins, présentés comme éléments de formation médicale continue, articles impliquant plus ou moins l'activité des praticiens de l'établissement.
       

    L'appréciation du caractère publicitaire prend en compte deux données :

    • la volonté publicitaire utilisant l'information comme prétexte ;
    • la notion de proportionnalité, lorsque dans le message transmis, l'objectif publicitaire dépasse manifestement l'information elle-même.
  • Article 21 - Délivrance de médicaments

    Article 21 (article R.4127-21 du code de la santé publique)

    Il est interdit aux médecins, sauf dérogations accordées dans les conditions prévues par la loi, de distribuer à des fins lucratives des remèdes, appareils ou produits présentés comme ayant un intérêt pour la santé.
    Il leur est interdit de délivrer des médicaments non autorisés.

    Les médecins n'ont pas le droit de vendre des produits ou des appareils, à plus forte raison si leur intérêt pour la santé n'a pas été prouvé, sauf ceux qui bénéficient de l’autorisation d’exercer la propharmacie. 

    L'article L.5125-2, 1er alinéa du code de la santé publique, relatif à l'exercice de la pharmacie, s'exprime ainsi :

     « L'exploitation d'une officine est incompatible avec l'exercice d'une autre profession, notamment avec celle de médecin, sage-femme, dentiste, même si l'intéressé est pourvu des diplômes correspondants ».

    1 - Médecins propharmaciens

    L'article 21 ajoute, cependant "sauf dérogations accordées dans les conditions prévues par la loi". Cette réserve vise les médecins propharmaciens qui, dans des conditions expressément limitées, sont autorisés à délivrer, eux-mêmes, des médicaments à leurs patients.

    La dérogation est définie à l’article L.4211-3 du code de la santé publique (voir note [1]).

    2 - Médicaments non autorisés

    Ce même article 21 interdit aux médecins de délivrer des médicaments non autorisés.

    Jusqu'au XVIIIème siècle, la délivrance de remèdes secrets était chose courante. Ce n'est que sous le premier Empire qu'apparaissent les premières législations restreignant le commerce des remèdes secrets aux seuls produits reconnus exempts de nocivité par une commission de spécialistes.

    L'article L.5121-8 du code de la santé publique prévoit que : « Toute spécialité pharmaceutique ou tout autre médicament fabriqué industriellement… ainsi que tout générateur, trousse ou précurseur qui ne fait pas l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Union européenne en application du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement Européen et du Conseil, du 31 mars 2004, doit faire l'objet avant sa mise sur le marché ou sa distribution à titre gratuit, d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Cette autorisation peut être assortie de conditions appropriées, notamment l’obligation de réaliser des études de sécurité ou d’efficacité post-autorisation »

    Cette autorisation, délivrée pour 5 ans, est renouvelable par période quinquennale ou sans limitation de durée.

    L’interdiction posée à l’article 21 porte sur la délivrance des médicaments n'ayant pas obtenu d'autorisation officielle (voir article 8).

    Toutefois, des prescriptions hors autorisation de mise sur le marché (AMM) peuvent être effectuées en l’absence de médicaments appropriés à l’état du patient disposant d’une AMM ou d’une autorisation temporaire d’utilisation (article L. 5121-12-1 du code de la santé publique).

    Le médecin doit :

    • le mentionner expressément sur l’ordonnance ;
    • informer le patient du défaut d’AMM et de l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée ;
    • l’informer des risques et bénéfices attendus du médicament et des conditions de sa prise en charge par l’assurance maladie.
       

    Cette prescription hors AMM doit être justifiée dans le dossier médical du patient.

    A titre exceptionnel, l’article L.5121-12 du code de la santé publique permet, sous certaines conditions, l’utilisation de médicaments non autorisés destinés à traiter des maladies graves ou rares, en l'absence d’alternative thérapeutique, lorsque la mise en œuvre du traitement ne peut pas être différée.
     


    ([1]) Article L.4211-3 du code de la santé publique: « Les médecins établis dans une commune dépourvue d'officine de pharmacie peuvent être autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé, qui en informe le représentant de l'Etat dans le département, à avoir chez eux un dépôt de médicaments, et à délivrer aux personnes auxquelles ils donnent leurs soins, les médicaments remboursables et non remboursables, ainsi que les dispositifs médicaux nécessaires à la poursuite du traitement qu'ils ont prescrit, selon une liste établie par le ministre chargé de la santé, après avis du Conseil national de l'ordre des médecins, et du Conseil national de l'ordre des pharmaciens. Cette autorisation ne doit être accordée que lorsque l'intérêt de la santé publique l'exige.

    Elle mentionne les localités dans lesquelles la délivrance des médicaments au domicile du malade est également autorisée.

    Elle est retirée dès qu'une officine de pharmacie est créée dans une des communes mentionnées dans l'autorisation.

    Les médecins bénéficiant d'une autorisation d'exercer la propharmacie sont soumis à toutes les obligations législatives et réglementaires incombant aux pharmaciens.

    Ils ne peuvent en aucun cas avoir une officine ouverte au public. Ils doivent ne délivrer que les médicaments prescrits par eux au cours de leur consultation. »

  • Article 22 - Dichotomie

    Article 22 (article R.4127-22 du code de la santé publique)

    Tout partage d'honoraires entre médecins est interdit sous quelque forme que ce soit, hormis les cas prévus à l' article 94 .
    L'acceptation, la sollicitation ou l'offre d'un partage d'honoraires, même non suivies d'effet, sont interdites.

    Les articles 22, 23 et 24 traitent d'implications financières répréhensibles dans la pratique médicale.

    1 - L'article 22 condamne la dichotomie, c'est-à-dire le partage clandestin des honoraires entre médecins.

    Dans les rédactions successives du code de déontologie, l'Ordre des médecins a toujours interdit la pratique de la dichotomie. Il l'affirme encore dans l'article 24 en interdisant toute commission à quelque personne que ce soit.

    La pratique de la dichotomie est inadmissible car elle restreint l'indépendance professionnelle du médecin nécessaire à l'expression du droit des patients qui ne disposeraient plus du libre choix de leur praticien.

    2 - La dichotomie se révèle sous des aspects variés allant de la ristourne au pourcentage sur les honoraires, aux cadeaux, à l'obtention d'avantages divers.

    Du fait de sa clandestinité, elle est difficile à prouver mais la dichotomie peut être suspectée à certains signes, tels que distribution d'enveloppes pré-identifiées pour tel radiologue ou tel directeur de laboratoire d'analyses médicales.

    Elle constitue dans tous les cas une concurrence déloyale et accentue l'hégémonie de certains médecins, gênant toute nouvelle installation.

    Elle est enfin à l'origine de revenus non soumis à l'impôt sur le revenu et source de fraude fiscale.

    Le médecin qui propose le partage des honoraires et celui qui l'accepte sont aussi répréhensibles l'un que l'autre.

    Même non suivie de versements, la proposition de partage doit être sanctionnée.

    3 - C'est bien la dichotomie que vise le présent article, et non la "mise en commun des honoraires" de certains cabinets de groupe ou associations de médecins, dans les cas où cette mise en commun est autorisée aux conditions fixées par l'article 94.

    Les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) constituent un cas particulier (article L. 4041 et suivants du code de la santé publique).

    Dans tous les autres cas, l'Ordre des médecins doit faire preuve d'une grande rigueur en appréciant les termes des contrats liant praticiens de même discipline et mettant leurs honoraires en commun.

  • Article 23 - Compérage

    Article 23 (article R.4127-23  du code de la santé publique)

    Tout compérage entre médecins, entre médecins et pharmaciens, auxiliaires médicaux ou toutes autres personnes physiques ou morales est interdit.

    Cet article, qui vise les médecins et les autres professionnels de santé, interdit toute entente illicite qui entacherait la liberté et l'indépendance professionnelle des médecins et porterait ainsi atteinte au libre choix des patients.

    Cet article concerne toutes les formes de compérage, notamment avec d'éventuels pourvoyeurs et "rabatteurs" de clientèle.

    Les  professionnels de santé, installés dans les mêmes locaux, qu'un médecin ont un statut de salarié du médecin ou un exercice libéral. Dans cette dernière éventualité, le médecin se doit d'éviter le risque de compérage, d'autant plus que le double statut libéral pourrait le favoriser. Cette situation devient encore plus exposée lorsqu'il s'agit de deux conjoints exerçant leur profession respective sans contrat.

    Il peut y avoir compérage sans versement d'argent, mais avec coalition d'intérêts. Le  Conseil d'Etat (note [1]) a jugé que la pratique consistant, pour un médecin, à attester et facturer, à titre habituel, l'exécution d'actes en réalité effectués par un tiers, en l'espèce un chirurgien-dentiste, constitue une pratique de "compérage" au sens des dispositions du code de déontologie médicale : « Le caractère habituel de cette activité est de nature à autoriser la qualification de compérage de celle-ci sans qu'il soit besoin de rechercher si le requérant en retirait un bénéfice ».


    ([1]) Conseil d'Etat, 22 mars 2000, n°195615

  • Article 24 - Avantages injustifiés

    Article 24 (article R.4127-24 du code de la santé publique)

     Sont interdits au médecin :

    •  tout acte de nature à procurer au patient un avantage matériel injustifié ou illicite ;
    • toute ristourne en argent ou en nature, toute commission à quelque personne que ce soit ;
    • la sollicitation ou l'acceptation d'un avantage en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, pour une prescription ou un acte médical quelconque.

    Cet article précise diverses interdictions faites au médecin, quant à des avantages matériels illicites que pourrait lui procurer son exercice (voir note [1]).

    1 - Si le médecin doit faire bénéficier le patient de tous les avantages sociaux auxquels celui-ci a droit (article 50), il ne peut établir des certificats ni accorder des faveurs qui le feraient bénéficier d'avantages injustifiés. La rédaction de faux certificats est d'ailleurs réprimée par le code pénal (article 441-2).

    2 - Le deuxième alinéa élargit à tout autre intervenant les interdictions déjà évoquées dans l'article précédent à propos des professions médicales et paramédicales.

    3 - Le développement du "marketing" au sein des entreprises, leurs méthodes de communication, leurs moyens de sollicitation, la concurrence des firmes dans l'information des médecins sur des "créneaux porteurs" commercialement, la concurrence entre les médecins sont autant de facteurs qui ont exposé certains à perdre leur indépendance et, à leur suite, d'autres à manquer de rigueur, de discernement, mettant en cause, souvent par défaut plus que par intention, la respectabilité du corps médical en général.

    Tout comme le fait de recevoir, la sollicitation est interdite. De même l'avantage est précisé : "en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte."

     4 - S’agissant plus précisément des relations avec les entreprises pharmaceutiques, l’article L.4113-6, 1er alinéa du code de la santé publique interdit  pour les médecins et les étudiants en médecine de « recevoir des avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, procurés par des entreprises assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale. Est également interdit le fait, pour ces entreprises, de proposer ou de procurer ces avantages… ».

    Toutefois, les relations entre les médecins ou les étudiants en médecine et les  entreprises pharmaceutiques, qu’il s’agisse d’avantages prévus par convention ayant pour objet des activités de recherche ou d’évaluation scientifique, de l’hospitalité offerte à l’occasion de  manifestations à caractère professionnel et scientifique, de participation au financement d’actions de formation,  sont autorisées sous certaines conditions :- nécessité de la transparence de la relation (qu'il s'agisse d’une manifestation promotionnelle ou à caractère professionnel et scientifique ou d'activités de recherche ou d’évaluation scientifique) ;

    • rédaction d'une convention ;
    • soumission préalable à l'Ordre pour avis ;
    • caractère raisonnable et accessoire de l'avantage consenti.
       

    Les infractions au premier alinéa de l’article L. 4113-6 du code de la santé publique sont passibles d'une amende de 75 000 euros et d'un emprisonnement de deux ans, et, éventuellement, d'une peine d'interdiction d'exercer la profession pendant une période pouvant atteindre dix ans (article L. 4163-2 du code de la santé publique).

    Le législateur a ainsi voulu conforter l'indépendance professionnelle des médecins en rendant transparentes leurs relations avec les industriels.

    En  associant l'Ordre des médecins à l'application de la loi, il a renforcé le sens et le domaine de la mission générale qu'il lui a confiée.


    ([1]) Article L.4113-8 du code de la santé publique :« Sauf les cas mentionnés aux articles L.4211-3 et L.5125-2, est interdit le fait, pour les praticiens mentionnés au présent livre, de recevoir, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, des intérêts ou ristournes proportionnels ou non au nombre des unités prescrites ou vendues, qu’il s’agisse de médicaments, d’appareils orthopédiques ou autres, de quelque nature qu’ils soient.

    Sont interdits la formation et le fonctionnement de sociétés dont le but manifeste est la recherche des intérêts ou ristournes définis ci-dessus, et revenant aux individus eux-mêmes ou au groupe constitué à cet effet, ainsi que l’exercice pour le même objet de la profession de pharmacien et de celles de médecin, chirurgien-dentiste ou de sage-femme.

    Est également interdit la vente de médicaments réservés d’une manière exclusive, et sous quelque forme que ce soit, aux médecins bénéficiaires de l’autorisation prévue à l’article L.4211-3. »

  • Article 25 - Locaux commerciaux

    Article 25 (article R.4127-25 du code de la santé publique)

    Il est interdit aux médecins de dispenser des consultations, prescriptions ou avis médicaux dans des locaux commerciaux ou dans tout autre lieu où sont mis en vente des médicaments, produits ou appareils qu'ils prescrivent ou qu'ils utilisent.
     

    Un risque évident de compérage explique cet article qui interdit à un médecin d'exercer son art dans des locaux commerciaux, instituts de beauté et de remise en forme, etc.

    Le développement de "centres" où sont délivrés des conseils d'hygiène, d’esthétique, de diététique ou proposée une "remise en forme", justifie la mise en garde contre une activité de médecin prescripteur ou de consultant.

    Souvent ces structures commerciales attirent le client en faisant état d'une surveillance médicale ou de conseils médicaux.

    Si l'exercice médical est prohibé dans des locaux commerciaux, un médecin peut s'installer dans des locaux dépendants d'un centre commercial. Toutefois, il doit   veiller à une parfaite indépendance et à une accessibilité permanente de son local professionnel (cabinet), même aux heures de fermeture du centre.

    De plus, le médecin devra être très vigilant quant à la signalisation de son  local professionnel ; elle doit permettre à la patientèle d'être informée, sans pour autant constituer une dérive publicitaire.

  • Article 26 - Cumul d'activités

    Article 26 (article R.4127-26 du code de la santé publique)

    Un médecin ne peut exercer une autre activité que si un tel cumul est compatible avec l'indépendance et la dignité professionnelles et n'est pas susceptible de lui permettre de tirer profit de ses prescriptions ou de ses conseils médicaux.

    Cet article précise les conditions du cumul de l'exercice médical avec une autre activité voisine du domaine de la santé, exposant à ce qu'on pourrait appeler un "autocompérage".

    1- Les professions exposant à "l’autocompérage" ne peuvent être exercées conjointement avec la médecine, par exemple :

    • fabricant ou vendeur d'appareils médicaux ;
    • opticien ;
    • ambulancier ou dirigeant d'une société d'ambulances ;
    • propriétaire ou gérant  d'un hôtel pour curistes, d'une salle de culture physique, d'un établissement de soins, d'un centre de conseils d’esthétique, d'hygiène ou de diététique, d'un centre de remise en forme, de spa, d'un cabinet de massage, d'institut de beauté, etc.
       

    2-  S’agissant de l’exercice en SEL, l’article R.4113-13 du code de la santé publique  interdit « la détention directe ou indirecte de parts ou d’actions représentant tout ou partie du capital social à toute personne physique ou morale exerçant sous quelque forme que ce soit :

    a) soit une autre profession médicale ou paramédicale ;

    b) soit la profession de pharmacien d'officine ou de vétérinaire, soit la fonction de directeur ou de directeur adjoint de laboratoire d’analyses de biologie médicale ;

    c) soit l'activité de fournisseur, distributeur ou fabricant de matériel ayant un lien avec la profession médicale et de produits pharmaceutiques, ou celle de prestataire de services dans le secteur de la médecine ».

    3 -  Concernant l’activité de dirigeant d’une société commerciale  dont  l’objet social est en rapport avec la médecine ou l'exercice médical, le Conseil d'Etat a jugé qu’un médecin, président-directeur général d'une société anonyme gestionnaire d'une maison de repos et de convalescence, qui exerce simultanément dans cet établissement une activité de médecin salarié, n'est pas placé, pour l'exercice de cette activité, dans une situation de dépendance contraire au principe rappelé par  cet article (CE 13/05/1994, req. n°123026), Le médecin, qui assure un mandat social, reste soumis à la déontologie médicale et en cas d’infraction, relève de la juridiction disciplinaire.

    4- Concernant l’activité de médecin DIM, le Conseil d’Etat a jugé qu’« il résulte des dispositions des articles L. 6113-7, R. 6113-4, R. 6113-6 et R. 6113-10 du code de la santé publique relatives au médecin responsable de l'information médicale dans les établissements de santé, combinées avec celles des articles R. 4127-5 et R. 4127-26 du même code selon lesquelles, respectivement, « le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit » et « un médecin ne peut exercer une autre activité que si un tel cumul est compatible avec l'indépendance et la dignité professionnelles », que, alors même qu'aucun texte ne prévoit l'exercice à titre exclusif des fonctions de médecin responsable de l'information médicale d'un établissement de santé, l'exercice de ces fonctions est incompatible avec celles de dirigeant et associé de ce même établissement ». (CE 23/12/2011, req. n°339529).

  • Article 27 - Mandat électif

    Article 27 (article R.4127-27 du code de la santé publique)

    Il est interdit à un médecin qui remplit un mandat électif ou une fonction administrative d'en user pour accroître sa clientèle.


     

    C'est une invitation à une attitude prudente et scrupuleuse pour un médecin qui se trouve chargé d'un mandat, en particulier politique ou syndical : il ne doit pas mettre sa fonction au service de sa réussite professionnelle. Il y aurait confusion ou abus de pouvoir quant à son mandat public et risque de pression inadmissible sur les  patients.

    En sens inverse, et bien que le code ne s'exprime pas sur ce point, on peut penser qu'il n'est pas bon non plus qu'un médecin compte sur sa patientèle pour se faire élire......

  • Article 28 - Certificat de complaisance

    Article 28 (article R.4127-28 du code de la santé publique)

    La délivrance d'un rapport tendancieux ou d'un certificat de complaisance est interdite.

    La signature d'un médecin bénéficie par principe d'un grand crédit, et toute erreur ou compromission de sa part fait, notamment au corps médical entier, un tort considérable.

    En cas de fraude ou de déclaration mensongère, les sanctions encourues devant les tribunaux sont sévères comme le prévoit l’article 441-7 du code pénal (voir note [1]).

    Le médecin fautif est passible en outre de sanctions disciplinaires de la part des juridictions ordinales.

    Il faut souligner plusieurs points :

    •  Le médecin ne doit certifier que ce qu'il a lui-même constaté. Ont été sanctionnés des médecins dont les certificats avaient été rédigés sans examen du patient.
    • Si le certificat rapporte les dires de l'intéressé ou d'un tiers, le médecin doit s'exprimer sur le mode conditionnel et avec la plus grande circonspection ; le rôle du médecin est en effet d'établir des constatations médicales, non de recueillir des attestations ou des témoignages et moins encore de les reprendre à son compte.
    • Un certificat médical ne doit pas comporter d'omission volontaire dénaturant les faits. Cela suppose un examen et un interrogatoire préalables soigneux.
    • Il y a des demandes de certificat que le médecin doit rejeter. S'il est tenu de délivrer à son patient un certificat des constatations médicales qu'il est en mesure de faire, il reste libre du contenu du certificat et de son libellé qui engagent sa responsabilité.

    ([1]) Article 441-7 du code pénal : « Indépendamment des cas prévus au présent chapitre, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, le fait :

    1°) d'établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ;
    2°) de falsifier une attestation ou un certificat originairement sincère ;
    3°) de faire usage d'une attestation ou d'un certificat inexact ou falsifié.

    Les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en vue de porter préjudice au Trésor public ou au patrimoine d'autrui. »

  • Article 29 - Fraude et abus de cotations

    Article 29 (article R.4127-29 du code de la santé publique)

    Toute fraude, abus de cotation, indication inexacte des honoraires perçus et des actes effectués sont interdits.

    Cet article vise les irrégularités commises sur les feuilles d’assurance- maladie. La jurisprudence de la section des assurances sociales montre que des sanctions, ont été prises pour des inscriptions d'actes médicaux fictifs, des erreurs volontaires dans la désignation et la cotation des actes, des inexactitudes  sur le montant des honoraires perçus. Quelles que soient les difficultés d’application de réglementations parfois complexes, ce sont des malhonnêtetés qui, toutes les fois qu'elles sont commises, nuisent à l'ensemble du corps médical.

    Sont aussi réprimées, en matière de législation sociale, les fausses attestations en vue de l'attribution d'avantages indus, par les articles L.377-5 et L.471-4 du code de la sécurité sociale (voir note [1]).
     


    ([1]) Article L.377-5 du code de la sécurité sociale : «  Le jugement prononçant une des peines prévues au présent chapitre contre un praticien peut également prononcer son exclusion des services des assurances sociales.

    Les médecins, chirurgiens, sages-femmes et pharmaciens peuvent être exclus des services de l'assurance en cas de fausse déclaration intentionnelle. S'ils sont coupables de collusion avec les assurés, ils sont passibles en outre d'une amende de 3 750 euros et d'un emprisonnement de six mois ou l'une de ces deux peines seulement, sans préjudice de plus fortes peines s'il y échet »..

    Article L.471-4 du code de la sécurité sociale :  « Est puni d'une amende de 12 000 euros et d'un emprisonnement de trois mois quiconque par menaces, don, promesse d'argent, ristourne sur les honoraires médicaux ou fournitures pharmaceutiques, aura attiré ou tenté d'attirer les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles dans une clinique ou cabinet médical ou officine de pharmacie et aura ainsi porté atteinte à la liberté de la victime de choisir son médecin ou son pharmacien.

    Est puni des mêmes peines sans préjudice de celles prévues à l’article 441-7 du code pénal, tout médecin ayant, dans les certificats délivrés pour l'application du présent livre, sciemment dénaturé les conséquences de l'accident ou de la maladie.

    Est puni des mêmes peines sans préjudice de celles prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal, quiconque par promesses ou menaces, aura influencé ou tenté d'influencer une personne témoin d'un accident du travail à l'effet d'altérer la vérité. »

    (Les articles 434-13 à 434-15 du code pénal concernent les témoignages mensongers et la subornation de témoin).

  • Article 30 - Complicité d'exercice illégal

    Article 30 (article R.4127-30 du code de la santé publique)

    Est interdite toute facilité accordée à quiconque se livre à l'exercice illégal de la médecine.

    L'exercice illégal de la médecine est celui pratiqué par des personnes n'ayant pas un titre professionnel de médecin spécialiste reconnu comme ouvrant droit à l’exercice de la médecine, ou par des médecins non inscrits à l'Ordre ou radiés du tableau de l'Ordre.

    Ces personnes tombent sous le coup de la loi qui réprime l'exercice illégal de la médecine  (voir note [1]). Elles ne sont pas soumises à la juridiction professionnelle, mais il appartient aux autorités compétentes de faire respecter la loi.

    L’exercice illégal de la médecine est puni des sanctions prévues à l’article L.4161-5 du code de la santé (voir note [2]).

    L'activité des  professionnels de santé est définie et limitée par la réglementation qui les concerne (notamment articles R.4311-5 et suivants du code de la santé publique pour les infirmiers ; articles R.4321-1 et suivants pour les masseurs-kinésithérapeutes). Si ces limites sont dépassées, ces professionnels se rendent coupables d'exercice illégal.

    L'article 30 vise les médecins qui se rendraient complices  de personnes exerçant illégalement la médecine :

    • en leur adressant des patients, en travaillant avec eux, par exemple en participant à l'examen des patients "soignés",
    • en recevant les patients en présence d'un radiesthésiste, d'un magnétiseur ou d'un quelconque "guérisseur",
    • en allant eux-mêmes leur demander des soins.
       

    Le fait d'exercer "sous contrôle médical" ne fait pas disparaître le délit d'exercice illégal de la médecine. Le médecin qui s'y prête se rend coupable de complicité.

    Les médecins radiologues, biologistes... ne peuvent adresser des résultats médicaux à une personne exerçant illégalement la médecine.

    Dans certains pays de l'Union Européenne, des personnes dépourvues de diplôme de médecin sont autorisées à avoir une activité de soins. En l'absence d’harmonisation au niveau européen d'une activité professionnelle de soins, reconnue dans certains Etats membres, comme la profession de « heilpratiker » («guérisseur ») en Allemagne, aucune disposition en droit européen ne s'oppose à ce que la législation nationale d’un État membre réserve aux seuls titulaires de diplômes de médecin « le droit d'effectuer des diagnostics médicaux et de prescrire des traitements destinés à soigner des maladies ou à remédier à des troubles physiques ou psychiques dans un objectif de protection de la santé publique » (note [3]). 


    ([1]) Article L.4161-1 du code de la santé publique :  « Exerce illégalement la médecine :

    1° Toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un médecin, à l'établissement d'un diagnostic ou au traitement de maladies congénitales ou acquises, réelles ou supposées, par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tous autres procédés quels qu'ils soient, ou pratique l'un des actes professionnels prévus dans une nomenclature fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de l'Académie nationale de médecine, sans être titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l'article L.4131-1 et exigé pour l'exercice de la profession de médecin, ou sans être bénéficiaire des dispositions spéciales mentionnées aux articles L. 4111-2 à L. 4111-4, L.4111-7, L.4112-6, L.4131-2 à L.4131-5 ;

    2° (...)

    3° Toute personne qui, munie d'un titre régulier, sort des attributions que la loi lui confère, notamment en prêtant son concours aux personnes mentionnées aux 1° et 2°, à l'effet de les soustraire aux prescriptions du présent titre ;

    4° Toute personne titulaire d'un diplôme, certificat ou tout autre titre de médecin qui exerce la médecine sans être inscrite à un tableau de l'Ordre des médecins institué conformément au chapitre II du titre 1er du présent livre ou pendant la durée de la peine d'interdiction temporaire prévue à l'article L.4124-6 à l'exception des personnes mentionnées aux articles L.4112-6 et L.4112-7 ;

    5° Tout médecin mentionné à l’article L.4112-7 qui exécute des actes professionnels sans remplir les conditions ou satisfaire aux obligations prévues audit article.

    Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux étudiants en médecine ni aux sages-femmes, ni aux pharmaciens biologistes pour l’exercice des actes de biologie médicale, ni aux infirmiers ou gardes-malades qui agissent comme aides d'un médecin ou que celui-ci place auprès de ses malades, ni aux personnes qui accomplissent dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat pris après avis de l'Académie nationale de médecine, les actes professionnels dont la liste est établie par ce même décret. »

    ([2]) Article L.4161-5 du code de la santé publique :« L'exercice illégal de la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

    Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :

    a) L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal ;

    b) La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, conformément à l'article 131-21 du code pénal ;

    c) L'interdiction définitive ou pour une durée de cinq ans au plus d'exercer une ou plusieurs professions régies par le présent code ou toute autre activité professionnelle ou sociale à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal ;

    d) L'interdiction d'exercer pour une durée de cinq ans l'activité de prestataire de formation professionnelle continue au sens de l'article 6313-1 du code du travail.

    Le fait d'exercer l'une de ces activités malgré une décision judiciaire d'interdiction définitive ou temporaire est puni des mêmes peines ».

    ([3]) CJUE (cinquième chambre), 11 juillet 2002- Affaire C-294/00

  • Article 31 - Déconsidération de la profession

    Article 31 (article R.4127-31 du code de la santé publique)

    Tout médecin doit s'abstenir, même en dehors de l'exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci.

    Cet article est un complément et un corollaire de l'article 3.

    Il est important que le patient et plus généralement le public puisse faire confiance au corps médical et ne puisse douter de sa moralité et de son honnêteté.

    Les juridictions ordinales font une application assez fréquente de cet article :

    •  soit qu'elles qualifient directement tel ou tel agissement du praticien qui leur est déféré d'acte de nature à déconsidérer la profession médicale, justifiant la condamnation de son auteur à une sanction disciplinaire,
    •  soit qu'ayant relevé une infraction à une autre prescription plus précise du code de déontologie, elles jugent que, dans les circonstances de l'affaire, le comportement du médecin fautif a été en outre de nature à déconsidérer la profession médicale, ce qui aggrave sa responsabilité et pèse d'autant sur l'évaluation de la peine encourue.
       

    Les actes de nature à déconsidérer la profession médicale peuvent avoir été commis par un médecin aussi bien dans l'exercice de sa profession qu'en dehors de celui-ci, dans sa vie privée ou dans l'accomplissement d'autres activités, dès lors qu'ils ont été l'objet d'une certaine publicité ou qu'ils risquaient de l'être.

    Dans l'exercice de sa profession, c'est surtout dans ses rapports avec les patients que le médecin peut être amené à commettre de tels actes : manquement aux devoirs d'honnêteté, comportements ou propos scandaleux, grossièretés, attentats à la pudeur, exigences financières abusives, acte de cupidité... Mais peut être regardé aussi comme déconsidérant la profession médicale, le médecin qui se comporte en charlatan ou qui fait commerce de sa fonction.

    Hors de son exercice professionnel, le médecin se doit de garder un comportement en rapport avec la dignité de ses fonctions. Il déconsidère la profession médicale s'il se signale à l'attention du public par une intempérance notoire, une conduite en état d'ivresse, un délit de fuite, des abus de confiance ou la violation grave d'engagements contractuels, notamment s'il s'abstient systématiquement de régler ses dettes...

    Enfin, si le médecin exerce d'autres activités que la médecine, celles-ci ne doivent avoir rien d'immoral ou de suspect, notamment quant à la probité et aux bonnes mœurs.

    Chaque médecin doit se sentir personnellement responsable de la considération du corps médical.